François Thomas

Université Paris Nanterre - IREPH

La Poétique en Allemagne au XIXe siècle : de la philosophie de l’histoire de J. G. Herder au théâtre non-aristotélicien de Brecht, en passant par Hegel

« C’est avec le plaisir le plus vif que j’ai relu la Poétique d’Aristote », écrit Goethe à Schiller en avril 1797. Au tournant du XIXe siècle, le texte d’Aristote constitue une référence majeure des débats esthétiques en Allemagne, notamment depuis la relecture de la Poétique par Lessing dans sa Dramaturgie de Hambourg. D’un côté, Aristote, relu et réactualisé à travers le prisme de la philosophie kantienne, nourrit la réflexion sur les genres littéraires ou sur le concept de tragique, qui devient une catégorie majeure de l’idéalisme allemand au XIXe siècle. De l’autre, la poétique aristotélicienne est rejetée par le romantisme naissant, en tant que fondement de l’esthétique classique française et doctrine figée de l’imitation de la nature. A la fin du XVIIIe, le philosophe J.G. Herder avait abordé la pensée d’Aristote au sein d’une vaste réflexion sur la philosophie de l’histoire et la pluralité des cultures, en confrontant la Poétique au théâtre de Shakespeare et aux grandes tragédies de l’antiquité indienne.

Ces lectures d’Aristote conduisent à de nombreuses traductions au XIXe de la Poétique, les traducteurs introduisant dans leurs préfaces d’importants développements sur la traduction de mimesis et katharsis, rejetant la réduction de mimesis à la notion d’imitation (Nachahmung).

Nous proposerons une vue d’ensemble de ces usages de la Poétique d’Aristote dans la philosophie allemande du XIXe siècle, en remontant aux points de départ que sont Lessing et Herder, en passant par Schiller, Schelling et Hegel, et en finissant par les réflexions sur le théâtre du philosophe G. Simmel – et l’écho de ces différents débats dans le projet d’un théâtre non-aristotélicien par B. Brecht au XXe siècle.