Enrica Zanin
Université de Strasbourg – Configurations littéraires EA 1337, IUF
Université de Strasbourg – Configurations littéraires EA 1337, IUF
Aristote définit la vraisemblance au chapitre 9 de la Poétique, dans un passage célèbre où il oppose la poésie à l’histoire. La poésie traite du général, et non du particulier, la poésie ne décrit pas ce qui a eu lieu, mais ce qui pourrait avoir lieu.
Lors de la réception renaissante de la Poétique en Europe, ce passage a attiré l’attention des traducteurs et des commentateurs. Si la première réception s’en est tenue à une compréhension littérale de ce passage, à partir des années 1570 ce texte a été l’objet de manipulations importantes, comme en témoignent les lectures qu’en font notamment Giraldi Cinzio, Chapelain, Rapin et Sidney. Dans leurs textes, la poésie ne représente pas les choses telles qu’elles pourraient être, mais telles qu’elles devraient être. Il s’agira d’expliquer les raisons de ce changement et d’en comprendre les conséquences sur les productions poétiques du temps. Mon hypothèse est que l’émergence et la pratique de la censure, à partir des années 1570, affecte la compréhension de la Poétique et que les censeurs se servent de l’analyse des commentateurs pour réguler et contrôler la production poétique, afin de restreindre le spectre du représentable, puisque la poésie n’exprime plus « ce qui pourrait être » mais seulement ce qui « devrait être » selon les principes de la morale. Je chercherai à comprendre en quoi cette compréhension de la vraisemblance affecte, dans la longue durée, la pratique littéraire et la lecture de la Poétique.