Flore Kimmel-Clauzet

Université Paul-Valéry Montpellier 3 – Crises EA 4424

Faut-il nécessairement (re)lire la Poétique pour définir le genre épique ?

La Poétique a exercé de multiples influences sur la façon dont Anciens et Modernes ont pensé le genre épique. Cette communication s’intéressera plus particulièrement à un aspect : le nom donné au genre et l’approche définitoire qui en découle. En effet, Aristote est l’auteur qui emploie le plus souvent le terme épopoiia, à partir duquel est formé, peut-être au début du XVIIe s., le substantif français « épopée ». D’une manière générale, les Anciens lui préfèrent les termes d’épos ou de poièsis. Mais Aristote offre également une critique de l’adjectif épopoios et des implications qu’il suppose concernant la perception de la poésie. Se conformant à la déclaration de principe d’Aristote plutôt qu’à ses propres usages, une scholie d’Aelius Aristide et, dans sa lignée, Jean Tzetzès évitent même soigneusement d’employer les mots épopoiia et épopoios lorsqu’ils définissent la nature de la poésie composée par Homère. C’est que le choix du nom donné au genre détermine la perception du genre lui-même.

Beaucoup d’ouvrages critiques contemporains, dans lesquels la référence à Aristote constitue un point de passage incontournable, attestent encore cette articulation entre l’appréhension du nom et celle du genre : productions propres au domaine grec, comme L’épopée, genèse d’un genre littéraire en Grèce ancienne de G. Lambin ; ouvrages englobant une vision européanocentrée du genre, comme le désormais classique L’épopée de D. Madalénat ; ou encore ouvrages récents adoptant une approche résolument mondiale, comme L’épopée de J. Labarthe et Épopées du monde (éd. È. Feuillebois-Pierunek). Mais les lectures qu’ils privilégient de la Poétique divergent grandement de celles que l’on trouve chez les théoriciens antiques et byzantins.

S’attachant aux reprises explicites ou implicites des dénominations et définitions aristotéliciennes par les théoriciens de l’épopée, de l’Antiquité à nos jours, cette communication cherchera à identifier les différentes approches définitoires que servent ces (re)lectures de la Poétique. On verra qu’elles sont parfois fort loin de l’approche aristotélicienne du genre telle qu’on peut la reconstituer à la lecture de l’œuvre.