Daniele Guastini

Sapienza Università di Roma

Du phaulos au « giullare di Dio » : Aristote et le comique en perspective

Je voudrais relire la question du comique dans la Poétique, son infériorité par rapport au tragique, à la lumière de la perspective médiévale chrétienne, où le rôle du comique devient, dans une certaine mesure, prépondérant. Quelles sont les causes profondes de cette transformation ? Ce qui était considéré moins sérieux – le comique – pourquoi et quand devient-il bien plus actuel que le tragique, comme Hegel et Bakhtine l’ont bien compris ?

Contrairement à la position platonicienne, qui considérait la question du comique d’un point de vue exclusivement axiologique, en dévaluant le geloion, c'est-à-dire le risible, comme synonyme de « laideur » (aischron), la Poétique d’Aristote, réévalue le geloion qui devient une « imitation d’hommes de qualité inférieure [phauloi] » et peut donc être posé sur le plan ontologique comme le degré zéro d’un processus qui a conduit à l’affirmation définitive du comique dans la culture chrétienne du bas Moyen Âge, héritée par la Renaissance et la modernité.

Qu’est-ce qui permet à Aristote de comprendre, contrairement à Platon, toute l’effectivité du comique, mais l’empêche ensuite de l’élever au niveau du tragique ? À l’origine de la littérature moderne, il y a des œuvres comme la Comédie de Dante et le roman comique de Rabelais, qui révèlent les motifs les plus profonds de cette réévaluation, car tous deux, chacun de sa manière, découlent de la même matrice franciscaine. Celle du « jongleur de Dieu » qui a mis un terme à la culture médiévale et préparé la culture moderne, en transmettant au comique une fonction « créaturelle », pour le dire avec Auerbach, entièrement étrangère à la Weltanschauung aristotélicienne.

Voilà l’arc historique et théorique que l’intervention essaiera de tracer.