Camille Rambourg

ENS-PSL – AOrOc UMR 8546

Élévation de l’expression et héritage de Poét. 21-22 dans la critique littéraire du Ier s. avant J.-C. (Denys, Caecilius, Ps.-Longin)

Les chapitres (20-)21-22 de la Poétique, que leur place assigne au traitement de la dernière des parties de la tragédie, esquissent en réalité une conception plus générale de la λέξις en poésie. Celle-ci donne pour objectif au poète, tout en préservant la clarté du propos, d’élever l’expression à l’aide d’une palette relativement fournie de moyens lexicaux (ὀνόματα). Cette conception servira de point de départ à Rhét. III, 1-4 pour identifier par contraste les qualités (ἀρεταί) de la prose : l’orateur, qui traite de sujets moins majestueux, devra quant à lui veiller à n’élever que modérément l’expression, à l’aide d’une palette réduite, sous peine de voir la disconvenance entre l’élévation du style et le caractère nécessairement plus ordinaire du sujet trahir son travail sur la formulation. Sera donc poétique aussi bien, en bonne part, l’expression élevée requise par les sujets de la poésie que, par extension, et en mauvaise part, une prose qui ne respecte pas ce critère fondamental d’adaptation au sujet. De ces conceptions, dont le traité Du Style de Démétrios atteste qu’elles avaient cours à l’époque hellénistique, la critique littéraire du Ier s. avant notre ère hérite pour partie, de façon plus ou moins médiée ; mais l’époque voit aussi la diffusion à des degrés divers de l’idée de « sublime » comme critère d’appréciation du style, qui semble rebattre assez largement les cartes. Dans quelle mesure peut-on encore parler, dans ce paysage renouvelé, de corrélation entre élévation du style et style poétique ? entre respect de la convenance et réussite stylistique ? En un mot, que reste-t-il de cet héritage aristotélicien chez les trois critiques que sont Denys, Caecilius et Ps.-Longin ?