Les stratégies d’enseignement sont des techniques employées par les enseignants pour aider les élèves à devenir des apprenants indépendants ou stratégiques. Les stratégies d’enseignement peuvent servir à :
motiver les élèves et les aider à se concentrer;
organiser l’information pour mieux la comprendre et la retenir;
surveiller et évaluer l’apprentissage.
Pour devenir des apprenants stratégiques accomplis, les élèves ont besoin :
de stratégies d’enseignement pas à pas;
de matériel didactique et de méthodes d’enseignement variés;
d’un soutien approprié, comprenant un modelage, un apprentissage par découverte guidée et un apprentissage indépendant;
d’occasions de transférer leurs habiletés et leurs idées d’une situation à une autre;
de liens significatifs entre les habiletés et les idées, et les situations réelles;
d’occasions d’être indépendants et de montrer ce qu’ils connaissent;
d’encouragement pour s’autoévaluer et se corriger;
d’outils pour réfléchir sur leur apprentissage et évaluer celui-ci.
L'importance de l'organisation
En tant que spécialiste en éducation physique et à la santé, l’organisation occupe une place centrale. Avec le grand nombre d’élèves et de groupes à gérer, il est essentiel de planifier soigneusement autant le matériel et l’aménagement du plateau (gymnase, palestre, extérieur, etc.) que les contenus pédagogiques à aborder. Il faut également anticiper la manière dont ces contenus seront enseignés en choisissant les stratégies et modalités les plus adaptées pour favoriser l’apprentissage et la créativité des élèves.
Les pratiques efficaces
Robert Marzano et John Hattie ont tous les deux analysé un nombre important de recherches afin de cibler les facteurs qui influencent le plus les résultats scolaires des élèves. En utilisant des méthodes différentes, les chercheurs ont tiré plusieurs conclusions semblables de leurs analyses et s’entendent sur l’efficacité de huit stratégies d’enseignement.
1. Présenter clairement aux élèves les contenus d'apprentissage
Selon Hattie, il est important d’informer les élèves des notions qu’ils sont sur le point d’apprendre. Dans le même sens, Marzano affirme que les objectifs de chaque leçon devraient être clairement énoncés aux élèves, en plus de présenter un défi stimulant pour eux. Pour ce faire, le chercheur encourage l’enseignant à poser des questions au groupe avant d’entamer une leçon.
Ex :
En sport collectif :
Objectif annoncé : « Le but de cette séance est de comprendre comment créer des espaces en attaque. Vous devrez être capables d’expliquer et de démontrer deux stratégies pour désorganiser la défense. »
Question déclencheuse : « Que pouvez-vous faire si vous êtes bloqué par deux défenseurs ? »
En yoga :
Objectif annoncé : « Le but de cette séance est d’apprendre à reconnaître les signaux de tension dans le corps et à utiliser la respiration pour les relâcher. »
Question déclencheuse : « Comment la respiration peut-elle influencer votre niveau de stress ou votre performance physique ? »
2. Offrir un enseignement supplémentaire
Les deux chercheurs mettent l’accent sur l’importance d’un enseignement direct (« direct instruction ») et sur l’importance de donner des exemples et des contre-exemples lors d’une explication. Marzano prône aussi l’usage d’organisateurs graphiques pour mettre en évidence les liens existants entre les notions.
Ex :
Utiliser une vidéo pour montrer les différents sauts à la corde.
Démontrer un bon et un mauvais saut en longueur pour illustrer les erreurs fréquentes.
Démontrer une roulade avant, puis montrer un contre exemple (ex. : tête trop en avant) pour clarifier les erreurs à éviter.
Illustrer les positions de base en volleyball avec des silhouettes et des flèches.
Utiliser un schéma pour illustrer les zones de défense en soccer et les associer aux rôles des joueurs.
3. Favoriser l'engagement des élèves envers les contenus d'apprentissage
S’il est important d’informer les élèves sur ce qu’ils ont besoin d’apprendre, il est également crucial de les amener à s’engager de façon active à l’égard du contenu. Les deux chercheurs affirment que, pour favoriser cet engagement, il est important de faire un lien entre la nouvelle information et les connaissances antérieures des élèves. Marzano et Hattie s’entendent également sur l’importance d’amener les élèves à récapituler l’information apprise en cours de leçon.
Brainstorm visuel rapide
Questionner les élèves sur ce qu'ils savent déjà sur l'activité et les écrire au tableau.
Cela rend visible leur bagage et permet de corriger les conceptions erronées.
Questions déclencheuses et comparaisons
Poser une question ouverte qui amène les élèves à comparer une nouvelle notion avec une expérience déjà vécue (ex. : « Dans quelles autres activités pouvons-nous utiliser cette technique ? »).
Les comparaisons, selon Marzano, augmentent la profondeur de compréhension.
Analogies et métaphores
Présenter la nouvelle information à travers une métaphore liée à quelque chose de familier.
Par exemple : « Une équipe, c’est comme un orchestre. Chaque joueur a son instrument (son rôle) et doit jouer sa partition au bon moment pour que la musique soit harmonieuse. Si un joueur joue trop fort ou trop vite, cela crée du désordre. En sport, comme en musique, la coordination et l’écoute sont essentielles pour réussir ensemble. »
Carte conceptuelle évolutive
Faire construire par les élèves une carte conceptuelle avec ce qu’ils savent déjà, puis y ajouter les nouvelles notions.
Marzano montre que cette stratégie favorise l’organisation mentale des connaissances. Il s'agit d'ailleurs d'une stratégie d'apprentissage efficace reconnue en neurodidactique.
Récit ou expérience personnelle
Partager une expérience vécue en lien avec l'activité ou demander à un élève de partager.
Par exemple : « Je me souviens de ma première course de 5 km. Au départ, j’étais tellement motivé que je suis parti trop vite. Après seulement 2 km, j’étais épuisé, j’avais mal aux jambes et je n’arrivais plus à respirer correctement. C’est là que j’ai compris l’importance de bien gérer son rythme dès le début. Aujourd’hui, je vais vous montrer comment planifier votre effort pour aller plus loin sans vous épuiser trop vite. »
Hattie insiste sur l’importance de donner du sens en reliant à la vie réelle.
Jeu du vrai ou faux
Présenter une série d’affirmations sur le sujet (certaines vraies, d’autres fausses) et demander aux élèves de réagir selon leurs connaissances.
Cela suscite la curiosité et met en lumière leurs représentations initiales.
4. Donner des rétroactions
Lorsque les élèves sont engagés dans une tâche, il est important selon Hattie et Marzano de leur fournir des rétroactions sur ce qu’ils maitrisent ou non, et de les aider à déterminer comment ils pourraient améliorer cette maitrise.
Fournir des commentaires précis sur les réussites et les points à améliorer.
« Ton dribble est fluide, mais pense à garder la tête haute. »
« Tu as bien respecté les consignes de sécurité en escalade, bravo ! »
« Tu pourrais améliorer ton lancer en fléchissant davantage les genoux. »
« Ton rythme de course est bon, mais attention à ta posture. »
« Tu as bien collaboré avec ton équipe, continue comme ça. »
« Essaie de mieux synchroniser tes mouvements avec ton partenaire. »
Contre exemple: Bravo les élèves ! Beau travail.
5. Miser sur la pratique
Les élèves doivent être exposés plusieurs fois à un contenu d’apprentissage pour l’internaliser. Ils doivent également réviser ce contenu une fois appris. Hattie met cependant les enseignants en garde contre la pratique sans rétroaction, qui pourrait faire en sorte que les élèves internalisent certaines erreurs.
Répéter les apprentissages avec rétroaction pour éviter l’ancrage d’erreurs.
Répéter les passes en rugby avec différents partenaires.
Pratiquer les sauts en gymnastique avec correction après chaque essai.
Refaire plusieurs fois une chorégraphie pour améliorer la fluidité.
Organiser des mini-matchs pour pratiquer les stratégies d’équipe.
Réaliser des circuits d’entraînement pour renforcer l’endurance.
Répéter les techniques de respiration en yoga à chaque séance.
6. Aider les élèves à utiliser leurs connaissances
L’application des connaissances en contexte s’apparente à un processus de déduction selon Marzano, puisque l’élève doit appliquer certains principes généraux à des cas ou à des problèmes spécifiques. En ce sens, enseigner aux élèves comment penser de manière déductive et prévoir des moments de pratique guidée à cet effet les aiderait à généraliser leurs apprentissages au-delà de certaines tâches précises.
Exemples :
Sécurité à vélo en milieu urbain :
Contexte : Les élèves ont vu les règles de sécurité à vélo.
Pratique guidée : Lors d’une simulation, l’enseignant accompagne les élèves et les questionne : « Que fais-tu si un piéton traverse soudainement ? », puis les aide à ajuster leur comportement.
Volleyball - positionnement défensif
Contexte : Les élèves ont appris les rôles en défense.
Pratique guidée : L’enseignant propose des scénarios de jeu (ex. : réception d’un service) et guide les élèves dans leurs déplacements et prises de décision.
7. Faire travailler les élèves ensemble
Hattie et Marzano s’entendent aussi sur le fait qu’amener les élèves à travailler ensemble favorise l’apprentissage. Sans remplacer l’enseignement de groupe et le travail individuel, le travail coopératif devrait plutôt être utilisé de façon complémentaire aux autres modalités de travail, en plus de faire l’objet d’un enseignement.
Encourager le travail coopératif comme complément aux autres modalités.
Réaliser une chorégraphie en petits groupes.
Créer une chorégraphie en acrogym.
Concevoir un jeu collectif en respectant des règles communes.
S’entraider pour corriger les postures en musculation.
Organiser une activité de relais où chaque membre a un rôle précis.
8. Développer l'auto-efficacité des élèves
L’auto-efficacité renvoie à la perception qu’a un élève de sa capacité à réussir une tâche. Ce sentiment d’auto-efficacité, spécifique à chaque situation, aurait un impact important sur l’apprentissage. Les recherches de Marzano ont montré qu’il était possible de favoriser le développement du sentiment d’auto-efficacité chez les élèves, et ce, en encourageant ces derniers et en leur faisant prendre conscience de chaque petite réussite.
Renforcer la confiance des élèves en leurs capacités à réussir.
Féliciter un élève pour avoir surmonté sa peur en escalade.
Souligner les progrès réalisés dans un journal de bord.
Encourager les élèves à se fixer des objectifs personnels.
Valoriser les efforts même si le résultat n’est pas parfait.
Montrer des vidéos de leurs propres réussites pour renforcer leur confiance.
Utiliser des défis progressifs pour montrer qu’ils peuvent réussir étape par étape.
9. Enseigner des stratégies d'apprentissage
Tenir compte des connaissances antérieures : Il ne s'agit pas seulement de se demander ce qu'on sait à propos d'une notion, mais bien de se pencher sur l'état actuel de notre compréhension.
Des mots de sagesse : Habituer les élèves à suivre certaines maximes comme « Le travail d'abord, le plaisir ensuite » (ou le plat principal avant le dessert!). Les élèves les plus consciencieux s'attaquent d'abord à la partie principale d'une tâche au lieu de commencer par des tâches secondaires comme la mise en page ou la recherche d'images (sauf s'il s'agit de la phase d'inspiration...)
Une réponse raisonnable : Avant de se lancer dans une démarche élaborée, amener les élèves à estimer la réponse attendue, pour ensuite comparer la réponse obtenue avec l'estimation initiale.
Ex:
Brainstorming ou discussion guidée
L’enseignant demande : « Quelles techniques de lancer connaissez-vous déjà ? »
Les élèves nomment des sports ou des gestes (ex. : lancer de ballon, frisbee, javelot).
L’enseignant note toutes les idées sans corriger, pour identifier les représentations initiales.
Questionnaires rapides, quiz ou sondages
Courtes questions écrites ou orales pour identifier ce que les élèves connaissent ou comprennent.
L’enseignant propose un mini-quiz en basketball : « Peut-on marcher avec le ballon ? Combien de joueurs par équipe ? »
Cela permet de repérer les idées erronées et d’ajuster l’enseignement.
Observation et comparaison
Montrer des exemples et demander aux élèves de les relier à ce qu’ils connaissent.
L’enseignant montre deux vidéos : une posture bien exécutée et une posture incorrecte.
Il demande : « Quelles différences remarquez-vous ? »
Les élèves comparent avec ce qu’ils ont déjà vu ou pratiqué.
Activité de prédiction ou anticipation
L’enseignant demande : « Selon vous, quels seront les défis pour réussir un bon passage de témoin lors d'une course à relais ? »
Les élèves anticipent les difficultés, ce qui révèle leur compréhension actuelle.
Échanges en binômes ou petits groupes
Faire verbaliser les connaissances pour que l’enseignant entende leur niveau de compréhension et leurs idées préconçues.
Les élèves discutent en binômes : « Qu’est-ce que ça veut dire bien coopérer dans une activité physique ? »
L’enseignant écoute les échanges pour comprendre leur niveau de compréhension.
Carte conceptuelle ou schéma rapide
Les élèves dessinent ou écrivent ce qu’ils savent sur le thème pour visualiser leur état de compréhension.
10. La métacognition
C'est préparer l'apprenant à choisir les meilleures stratégies à utiliser et à ajuster ses stratégies lorsqu'elles ne fonctionnent pas.
Enseigner les 4 étapes de base de la métacognition
Que dois-je faire?
Faire un plan d'action
S'assurer d'être sur la bonne voie
Ajuster si besoin
Modéliser avec les élèves leurs « discours intérieurs »
Encourager la pratique
Exemples :
Discussion guidée : « u’est-ce qui t’aide à te concentrer avant une compétition ? » → Les élèves identifient leurs propres stratégies : respirer profondément, visualiser le mouvement, se répéter des encouragements, etc. .
Question d’anticipation : «Quand tu veux améliorer un geste technique, qu’est-ce qui fonctionne le mieux pour toi : répéter seul, demander de l’aide, te filmer, observer un modèle ? » → Cela aide les élèves à prendre conscience de leurs préférences d’apprentissage et à les adapter.
Pause réflexive pendant l'activité : Lors d’un jeu collectif, l’enseignant interrompt et demande : « Pourquoi as-tu choisi cette stratégie ? Qu’est-ce qui t’a permis de savoir que c’était le bon moment pour passer ? » → Encourage la réflexion sur les décisions prises en action.
Observation entre pairs : pendant qu’un groupe pratique une séquence de mouvements, les autres notent mentalement une force et une question à poser → cela oblige à analyser la démarche de l’autre et développe l’analyse critique et la conscience des démarches des autres.
Retour individuel rapide : « Aujourd’hui, qu’est-ce que tu as découvert sur ta façon de t’organiser pendant l’échauffement ? » → Encourage les élèves à verbaliser leurs apprentissages et ajustements.
Autoévaluation guidée : sur une échelle imagée (par ex. thermomètre, des étoiles, échelle de borg), l’élève se situe : « Est-ce que j’ai pris des risques aujourd’hui ? Est-ce que j’ai bien collaboré avec mon équipe ? » → Favorise la régulation personnelle et la responsabilisation.
Lien avec d’autres expériences : « Est-ce que la stratégie que tu as utilisée pour te motiver aujourd’hui pourrait t’aider aussi avant un examen ou une présentation orale ? » → Permet de transférer les compétences métacognitives à d’autres domaines.
Pour aller plus loin