Observation : les organisations, les déplacements, les blocs

LE CENTRE DE GRAVITE DES DEPLACEMENTS DES JOUEURS

" Le système sécurise quand ça va moins bien. Il permet de s’éclater quand tout va bien. Si l’on reste avec un bloc entre les lignes, qu’on respecte les distances. Il n’y a pas de danger. En réduisant les espaces, on permet aux joueurs plus offensifs d’amener le plus en création". Elie Baup

" Mon truc, c’est d’être le mieux organisé pour faire le minimum d’efforts dans la récupération ". Claude Puel

Ces deux commentaires mettent en évidence l’importance que les entraîneurs attachent à l’organisation qui doit, avant tout, être mise au service de l’équipe dans le but de lui assurer une meilleure efficacité.

Que fait t-on alors de l’initiative et de l’improvisation du joueur ?

" La tactique se double du talent et de l’habilité individuelle pour le service de l’équipe. Les meilleurs joueurs doivent refléter l’esprit et l’âme de l’équipe ".

Le secret de la réussite n’est t-il basé que sur la tactique et le talent ?

On attend d’une organisation bien construite qu’elle permette :

    • de couvrir toute la largueur du terrain,

    • d’occuper les espaces entre les joueurs adverses pour empêcher leur progression,

    • de faire courir l’adversaire,

    • de réduire les efforts physiques, les courses,

    • d’accéder facilement au but adverse.

On associe une organisation ou un système à sa géométrie, largeur, longueur, fixe ou variable en fonction des événements. Elle dépend des joueurs qui constituent chaque équipe et des consignes d’organisation des entraîneurs.

Pour s’en persuader, on pourra réfléchir sur l’éditorial de l’équipe magazine signé J. CRUYFT.

Les " joueurs de couloir " ont tué les ailiers et ont porté préjudice à l’avant centre et ce n’est pas tout, ils ont aussi éliminé le numéro 10.

Le numéro 10 doit être un de ceux qui possèdent la technique la plus fine, qui ont le contrôle du jeu, qui savent fournir des ballons aux attaquants et qui, de plus, ont un bon tir (Gerson, Netzger, Van Hanegen). Car quand Carlos, Jarni, Sergi, Ziege, Lizarazu parcourent tout le couloir, il faut qu’il y ait des joueurs en couverture. Dans ce cas, le travail revient au milieu de terrain gauche.

Si ces milieux de terrain n’avaient à faire leur travail que jusqu’au milieu du terrain, avec quelques incorporations aux phases offensives, le niveau de l’équipe s’améliorerait notablement.

Il m’a souvent été répété qu’en football les joueurs ne doivent pas courir mais que c’est au ballon de remplir cette fonction. Alors pourquoi avoir inventé le " joueur de couloir " qui court sur tout le coté plusieurs fois 60 m dans un match ? Johan Cruyft

En réalité, il s’agit d’avancer en bloc en possession du ballon, et l’adversaire devra donc courir et courir, avec ou sans " joueurs de couloirs " à la poursuite de ce qui est la base du football : le ballon.

LE DEPLACEMENT DES JOUEURS

En fonction de son rôle dans l’équipe, chaque joueur se déplace sur une partie plus ou moins grande du terrain.

Figure 1

Déplacement des joueurs de la FRANCE

Comme pour tout mouvement en physique, les déplacements sont caractérisés par un point appelé " Centre de Gravité ou Barycentre " et des coefficients pondérateurs associés à la fréquence de ses déplacements dans chaque zone.

Ainsi, le point virtuel " Centre de Gravité " est calculé à partir du nombre de déplacement de chaque joueur. Son but est de visualiser le placement des joueurs et de définir chaque type d’organisation ou système.

Le déplacement des joueurs peut être matérialisé en visualisant les espaces parcourus pour tous les joueurs ou par des flèches tracées à partir de son centre de gravité.

Le tracé des zones d’évolution fait ressortir le jeu et l’utilisation des zones alors que le tracé spatial, aide à mieux discerner les recouvrements de zone entre les trois lignes du Bloc. Les flèches visualisent les zones d’activité de chaque joueur de manière plus individuelle. Ce type de représentation facilite la lecture de l’activité.

Par exemple, les schémas de FRANCE - BRESIL en CM 86 visualisent de deux façons les déplacements des joueurs.

De même, nous avons tracé les déplacements des joueurs des équipes d’AUXERRE, MONACO, ST ETIENNE, VALENCIENNES pour montrer la diversité des animations qui constituent le Football.

Figure 2 : Déplacements des joueurs

AUXERRE utilise un marquage individuel, les défenseurs ne changent presque pas de zones et suivent l’attaquant.

ST ETIENNE utilise un libéro en couverture et un stoppeur au marquage individuel dans l’axe et le défenseur latéral droit en piston. Les deux attaquants se déplacent dans les zones offensives pour récupérer les passes longues de leur partenaire et effectuent un premier rideau défensif sur les côtés pour gêner la montée des défenseurs latéraux adverses.

Les joueurs de MONACO, se déplacent beaucoup. Le système s’appuie sur un 4-4-2 qui se transforme en 2-4-3-1

LES ORGANISATIONS

Le centre de gravité ou barycentre est calculé suivant la formule :

OG =S Ki OAi / S n

avec Ki : fréquence de déplacement du joueur dans la zone considérée.

OAi(x,y) est la coordonnée du centre de la zone considérée,

i = indice de la zone,

n = nombre de zone ou le joueur a été pointé.

Les coordonnées xj et yj du barycentre du déplacement de chaque joueur sont obtenues à partir des expressions

Xj = S Ki Xi/n

Yj = S Ki Yi/n

Ces coordonnées (xj et yj ) servent à :

    • positionner chaque joueur sur le terrain,

    • calculer les dimensions du bloc équipe : largeur et longueur,

    • déterminer les coordonnées Xe et Ye du centre de gravité de l’équipe à partir de tous les centres de gravité des joueurs,

    • déterminer le système de jeu utilisé.

Durant la saison 90-91, l’analyse des déplacements des joueurs de l’AS CANNES a permis de construire un système plus adapté aux qualités et aux spécificités de chaque joueur.

Et pourtant Luis FERNANDEZ capitaine de l’AS CANNES annonçait dans la presse en novembre 1990 " avec un effectif qui est le sien aujourd’hui l’AS CANNES n’a pas la possibilité de briguer une place de premier choix au classement "

Après dix-sept journées et une défaite dramatique à Nancy et un seul point d’avance sur L’OGC NICE, alors lanterne rouge, l’AS CANNES terminera quatrième et sera qualifiée pour la coupe de l’UEFA 91-92.

L’analyse du déplacement des joueurs à chaque match, le travail sur l’organisation de l’équipe, le replacement des joueurs dans l’organisation à des postes ou leur efficacité était plus importante, ont permis, à partir du match contre RENNES le 02/12/90, à l’AS CANNES de ne plus concéder une défaite durant 13 matchs de suite.

Les évolutions successives de l’équipe, en cours de saison, ont amené l’équipe initialement prévue pour jouer en 4-4-2, à un système en 3-5-2.

Ces évolutions n’ont été possibles que par la volonté des entraîneurs d’obtenir une meilleure efficacité des joueurs en s’appuyant sur l’observation de l’équipe.

L’étude des déplacements amène naturellement à l’étude de l’organisation comme le montrent les exemples d’organisation de la RFA, DANEMARK et PAYS BAS.

Figure 3: Evolutions de l'Organisation de l'AS CANNES

Les premières observations montrent que :

l’équipe n’est pas équilibrée dans l’occupation rationnelle du terrain, elle est latéralisée,

les distances entre les trois lignes sont inégales (demis trop collés aux attaquants),

le bloc entre le dernier défenseur et le dernier attaquant est trop allongé.

Au cours du temps, l’équipe est passée d’une mauvaise organisation en 4-4-2 à une organisation en 3-5-2 (Nouveauté en Championnat de France).

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LE CENTRE DE GRAVITE DE L’EQUIPE

Existe-t-il une organisation plus efficace qu’une autre ?

Tableua 1: : Les différentes organisations en fonction des résultats

Lors de l’EURO 2000, la défense à 3 avec 2 latéraux avancés au milieu (Italie, Turquie, Roumanie, RFA, Rep. tchèque, Slovénie) semble en perte de vitesse par rapport à la défense à 4. Bien que l’arrière garde de l’Italie protégée par 3 bloqueurs au milieu aura été performante.

Le marquage individuel est tombé en dissuétude chez tous les concurrents.

Au milieu, les équipes avec 1 seul défensif ont été dépassées (Angleterre, RFA) et n’ont pas trouvé l’équilibre. La vitesse des contre impose au moins 2 joueurs dans ce secteur de jeu. Aucune équipe n’a délaissé les couloirs qui deviennent important dans le jeu d’attaque.

Les animations offensives ont été nombreuses mais le 4-4-2 avec 2 joueurs excentrés a été le système le plus usité.

Le fait de posséder des joueurs polyvalents aux postes offensifs a été un avantage considérable qui a permis à la France de l’emporter. L’Espagne, l’Italie et le Portugal possédaient aussi à un degré moindre ces atouts. Le jeu devient ainsi moins prévisible pour l’adversaire. Les Pays Bas, quelque fois l’Espagne, le Portugal ont utilisé 3 attaquants. Le plus souvent 2 attaquants ont joué soit l’un à côté de l’autre soit l’un a tourné autour de l’autre.

Il n’apparaît pas de relations fortes entre l’organisation et les résultats des équipes observées. Néanmoins 50% s’organisent autour d’un système en 4-4-2.

Figure 4 : Organisation des PAYS BASChampion d’Europe en 1988, les Pays Bas ont mis au point une organisation qui s’appuie sur un triangle de 3 joueurs : 1 défensif et 2 offensifs autour duquel les autres joueurs (3 défenseurs, un avant centre et deux demis) se placent en cercle.

En fonction de l’action, les deux demis - latéraux se transforment en attaquant ou défenseur.

Pour la coupe du monde 1990, les Pays Bas ont essayé de recopier ce système. Mais les distensions du groupe et les joueurs du MILAN AC (GULLIT, VAN BASTEN, RIJKAARD) n’ont pas permis à M.RINUS MICHELS de fédérer l’équipe sur ce système à la Hollandaise. L’équipe s’est organisée en 4-4-2 sans succès.

En 92, l’équipe a pratiqué un 3-4-3 se transformant en 3-3-4 sans plus de succès.

Figure 5 : Organisation de la RFA dans différentes compétitions

Finaliste de la coupe d’EUROPE 1988 et 1992 et Championne du Monde 1990, la RFA s’est appuyée sur un 3-5-2 avec 2 stoppeurs (en 90 :AUGENTHALER et BUCHWALD) et deux joueurs de couloirs (BREHME et BERTHOLD).

Depuis 1988, la RFA n’a pas changé d’organisation. Lors de la coupe du monde 98 la RFA est restée fidèle à ce système.

Figure 6 : Organisation du DANEMARK

Champion d’Europe 1992, le DANEMARK s’est appuyé sur un système 3-4-3 après le match perdu en 5-2-3 contre la Suède.

Les joueurs de couloirs ANDERSEN et SIVEBAEK apportant le soutien aux attaquants dans les phases offensives.

Le Danemark s’appuie sur une défense renforcée 3 défenseurs et 2 demis défensifs, 2 joueurs de couloirs, 1 attaquant technique et deux attaquants rapides avec un bon jeu de tête

L’observation des déplacements a été effectuée sur un échantillon de 150 équipes durant diverses compétitions nationales et internationales.

Le centre de gravité de chaque équipe est obtenu à partir des centres de gravité de chaque joueur.

Les coordonnées du centre de gravité sont définies par l’ordonnée Ye (Longueur du terrain) et l’abscisse Xe ( Largeur du terrain).

Les moyennes ont été normalisées à un terrain de 100 m sur 68 m. Le centre du terrain a comme coordonné Y=50 et X=34.

Les moyennes observées sur l’échantillon sont :

-

Ordonnée du centre de gravité Ye

Tableau 2

: Ordonnées des centres de gravité

- Abscisse du centre de gravité Xe

LE BLOC EQUIPE

Tableau 3

: Abscisses des centres de gravité

Les équipes qui perdent ont un centre de gravité (Ye = 52,26) placé au-dessus de la ligne médiane et centré sur la gauche (Xe = 32,4 < 34m).

Les équipes qui gagnent ont leur centre de gravité placé sous la ligne centrale (Ye =48,4<50m) et plus centré à gauche (Xe = 31,5 <34m).

Le " bloc-équipe ou bloc " est déterminé par un rectangle dont les cotés passent par les coordonnées des joueurs les plus excentrés.

Figure 7: Coordonnées du centre de gravité et du bloc

Longueur du bloc équipe : YBL

Tableau 4

Longueurs des blocs équipes

Les moyennes des longueurs des blocs équipe sont identiques pour tous les matchs. Les équipes qui gagnent ont un bloc dont les valeurs des dimensions sont plus faibles

Largeur du bloc équipe XBL

Tableau 5

: Largeur des blocs équipe

Les moyennes des largeurs sont différentes suivant le résultat du match. Les équipes qui gagnent ont un bloc plus dense avec une largeur plus étroite.

COMMENTAIRE

Les blocs des équipes qui gagnent sont :

    • placés légèrement en dessous de la ligne centrale

    • centrés plus sur la gauche,

    • légèrement plus courts et plus compact avec des écarts entre maxima et minima plus faibles.

Le système de jeu les plus utilisés sont le système en 4-4-2 et en 4-3-3 Un entraîneur doit choisir un système adapté à la capacité de ses joueurs de façon à avoir un bloc qui soit serré dont le centre de gravité est se trouve en dessous la ligne centrale.

L’efficacité d’une équipe se construit à partir d’une organisation de base stable comprise et acceptée par toute l’équipe. Une organisation n’est bien sûr, jamais figée, elle s’adapte et se module en fonction des matchs par les joueurs eux mêmes.

Dans le football " moderne " l’improvisation n’est plus de mise, les joueurs connaissent leur champ d’action et leur rôle. On peut le constater lors des grandes compétitions