Les Carnets d'Autopsie de Minuit [5]

aller voir du côté de MINUIT,

des chapitres 6 à 10

RIDICULE.

L'auteur ne tient pas absolument à rire de tout et n'importe quoi. Sinon, autant dire que les mots ne veulent plus rien dire. Mais il est des situations dont la teneur, si lourde de conséquences sous-entendues, et cependant si insignifiante, il est des situations devant lesquelles il est préférable, quand c'est encore possible, de recourir à l'arme la plus salutaire qui soit : le rire. Et justement elles ne manquent pas, les situations de la vie qui constituent la cible privilégiée de cette arme, celles-là précisément étant de l’ordre du ridicule. Ainsi Numéro 10, pouffant de rire à la première occasion venue, et ne manquant pas, tout du long, de se rire d’une entreprise dont la manière reste méprisable (Minuit, chapitre 7).

À la faveur de la rose de Minuit, laquelle commence à composer son éphémère bouton, à l'instar de la rose d’AUTOPSIE DE MINUIT qui a déjà déployé ses pétales, sur le point de donner toute sa (dé-)mesure, l’auteur se sent l’humeur butine et primesautière, encline au batifolage par les chemins de travers. Un rien taquin, il ne peut s’empêcher de porter son regard, avec une pensée émue, l’arme à l’œil, vers le Bon Auteur qui, au soir du 27 février 2008, l’a gratifié de l’insigne honneur d’un échange avec Son Immense Personne. Édifiant épisode qui, semble-t-il, signait l'arrêt de mort de Minuit, épisode cependant précurseur d’AUTOPSIE DE MINUIT, à la lumière duquel le lecteur pourra mesurer à quel point, jusqu’ici, il n’avait mis les pieds que dans l’antichambre du vif du sujet : et il ne sera pas dit qu’il aura attendu en pure perte, car, enfin, ça va saigner.

L’auteur revient sur ce jour de février 2008, où il envoyait un courrier électronique à ce Bon, très Bon Auteur, lequel se prétend, depuis janvier de la même année, nouvel éditeur – au format numérique – sur la fine place éditoriale de France. L’auteur adressait au Bon Auteur de sincères encouragements, saluant l’initiative, lui demandant, en toute courtoisie, s’il pouvait bien lui adresser deux manuscrits.

Le Bon Auteur lui répond tout à trac que la forme “roman” n’est pas adaptée à cette diffusion, ajoutant, dans la foulée, sans le moindre signe avant-coureur, qu’il n’avait pas l’intention de devenir un salon des refusés ; que, d’autre part, nous sommes encore en phase expérimentale, contrats pas finalisés juridiquement, d’où le fait de travailler plutôt entre auteurs de connaissance, on reprend contact dans quelque temps, mais plutôt avec formes expérimentales ?

L’auteur était sonné comme quelqu’un qui vient de recevoir un coup donné par surprise et par derrière. Il n’a pas compris ce que lui avait valu un tel acte de brutalité, soudain, gratuit, d’un microscopique Pol Pot de salon. L’arbitraire dans ce qu’il a de plus absolu. Et puis il a réalisé qu'une fois de plus, tout à sa naïveté, il s’était adressé à un malade mental. Dans la minute qui suivait, l’auteur écrivait sa réponse au Bon Auteur :

Deux points. Le premier : il faudrait que vous m'expliquiez à partir de quelle théorie fumeuse vous en arrivez à la conclusion selon laquelle la forme ROMAN «n'est pas adaptée à cette diffusion», et ce que vous entendez, vous, mon bon, par «roman» et, surtout, par «expérimental». Le deuxième point : si Sa Hauteur veut bien condescendre à accueillir dans son «salon» un petit, tout petit, minuscule écrivain, qu'elle daigne se souvenir qu'elle a peut-être elle-même, en son temps, en tant qu'auteur, fait partie des «refusés» ; à moins qu'elle n'ait jamais connu que les salons des courtisans pompiers de la bonne capitale. Dans ce cas, nous ne sommes, et ne serons jamais, mon tout bon, du même monde – au passage, je me permets de porter à l'attention de Son Inculture que le Salon des Refusés, en son temps, a précisément ouvert ses portes aux inconnus – à l'intelligence – d'alors, lesquels sont les grands d'aujourd'hui, au nombre desquels un certain Édouard Manet...

Sur ces deux points, je me rends compte tout à coup combien, une fois de plus, je faisais fausse route : comme tous les éditeurs, vous gesticulez beaucoup, et vos actes sont précisément aux antipodes de vos pompières gesticulations. Grandes et bonnes déclarations d’intentions, et cependant conservatisme de rigueur, paternalisme et copinages «entre auteurs de connaissance». Et, pour couronner le tout, mépris des auteurs et des lecteurs : à quoi bon, mon bon, pour l’auteur, changer de type d’éditeur, si c’est pour remettre les pieds dans le même, rigoureusement le même purin ?! Encore bravo... et surtout, de grâce, ne changez rien !

Bien à votre immense bêtise, mon bon,

Fabrice Combes.

Ce à quoi le Bon Auteur répondait, en une seule "phrase", reproduite ici, aussi étonnant que cela puisse paraître, en l'état : bien ce qu’il me semblait, qu’on avait peu à faire ensemble. Au passage, dans la formulation de celui qui dit faire profession du travail sur les mots, l’auteur ne pouvait pas s’empêcher de relever les notes de fond et de tête, un tantinet âpres et vulgaires, racoleuses, tenaces et capiteuses, d'un parfum de troisième choix.

À ce stade, il était devenu évident qu’il fallait couper court à tout pugilat et, avant qu’il ne dégénère, clore le débat sur une note rafraîchissante. L’auteur en assumait la lourde tâche en tout bien tout honneur, une volée de mots dûment pesés à l'appui :

Ainsi donc, mon bon, dès la lecture de mon premier courrier, sans demander à lire une seule ligne d’un seul de mes textes, c’est ce que tu as pensé : que nous ne pourrions pas travailler de concert ?! Bravo ! Tu es très impliqué dans la littérature ! À moins que, simplement, tu sois vraiment très fort...

Allez, bon, c'est bon, mon bon, va te faire mettre profond : tu es encore plus con que ne me l’avait laissé entrevoir ta première réponse, ce qui constitue, en soi, une prouesse sans commune mesure.

C'est affligeant.

Fabrice Combes.

Ainsi s’achevait le tout aussi brillant que bref épisode, que l’on aurait pu croire démarré du meilleur pied, entre l’auteur et le Bon Auteur. De cet échange verbal, l’auteur ne regrette rien, si ce n’est le final, car, concevant que d’aucuns peuvent trouver quelque plaisir à la passe anale, et n’étant pas d’humeur à faire une fleur au triste et Bon Auteur, ne lui souhaitant pas la moindre once de plaisir, l’auteur devrait se faire un devoir de retirer son propos. Ainsi, de la rose tendre d’AUTOPSIE DE MINUIT, il préfère lui réserver les épines – espérant, ici encore, que le Bon Auteur n'y trouvera pas son plaisir – sait-on jamais.

S’il fallait par ailleurs trouver quelque utilité à l’échange de politesses rapporté à l’intelligence du lecteur, preuve est faite – si c’était encore nécessaire – que l’auteur avance à visage découvert, que, ne chassant pas son naturel – ou le laissant revenir au galop – celui-ci ne se refuse aucun vocable de ceux qui constituent sa riche tessiture lexicale, des plus grossières s'il en est – c’est là un sujet qui lui tient trop à cœur pour qu’il l’élude en si peu de mots, aussi se réserve-t-il la liberté d’y revenir dans un Carnet à venir dont le titre, du plus mauvais goût, ne manquera pas de laisser à désirer.

Enfin, il ressortira dudit échange, pour l’essentiel, qu’il aura au moins contribué à démasquer le Bon Auteur, celui-là, ayant mis à contribution la totalité du peu qu’il possède des ses – gauches et modestes – capacités, dans le seul but de ne pas donner à penser qu’il se tient retranché derrière l’étoffe grossière de son incessant verbiage bien-pensant et moralisateur, ou comment, définitivement, l’habit ne faisant pas le moine, en Dieu le Père scribouillard, récitant le prêche quasi-quotidien devant le parterre connecté de ses béni-oui-oui, tout mignon tout plein de bonnes et caressantes intentions, il en ressortira comment le sinistre personnage n’est autre – et, selon toute vraisemblance, ne sera jamais –, à l’aune du Saint des Saints de la littérature, qu’une hautaine, présomptueuse et, tout bien considéré, ridicule sainte merde.

aller sans détour et sans honte au Carnet suivant

[le présent Carnet d'AUTOPSIE DE MINUIT, cinquième du nom, a été divulgué par L'AUTEUR LUI-MÊME en personne, à Marseille et au monde, le vendredi 30 mai 2008, à 17 heures pétantes, heure de Caussiniojouls, France (UTC/GMT +2)]