Les Carnets d'Autopsie de Minuit [20]

REMERCIEMENTS.

Au fond, l’auteur n’est pas si vache. Et, tout animal qu’il est, il n’a rien de cet autre animal qui s’évertue à cracher à la face de quiconque a le malheur de se trouver sur sa route. Mais si tel a semblé être le cas, crois-le bien, cher lecteur, ce n’était que pour la forme.

Dès l’ouverture d’AUTOPSIE DE MINUIT – ce que d’ailleurs chacun était porté à croire par la lecture des Carnets ultérieurs –, paraissait acquise la conviction selon laquelle l’auteur, d’une humeur pour le moins fracassante, l’auteur prendrait la fâcheuse habitude de taper sur tout ce qui bouge. Que tel un chien enragé, écumant, la bave à la commissure des lèvres, monstre sanguinaire toutes dents dehors, l’auteur serait amené, par des contingences, certes, qui lui sont étrangères, à se jeter sur tout ce qui passerait peu ou prou à sa portée, frappant et mordant à tort et à travers, sans le moindre discernement. Y compris la main qui ne le nourrit pas. Écoulant le flot de sa colère jusqu’à épuisement total du stock. Ayant échappé à tout contrôle. Avec, pour conséquence inévitable, unique et ultime de l’attitude susnommée, AUTOPSIE DE MINUIT qui serait appelé à ne pas être autre chose qu’un déluge de haine, déversant un flot ininterrompu d’injures sur de pauvres et inoffensives petites gens.

Ceux qui disaient l’auteur sans cœur, ceux qui auront prédit qu’AUTOPSIE DE MINUIT ne serait voué qu’à être une entreprise de démolition, qu’enfin tout cela allait se terminer dans un bain de sang de minuit, au bout du compte ceux-là auront fait erreur. L’auteur ici se délecte, soucieux au passage de ne pas être ou ressembler à la figure décrite par Balzac, ce poète dont les écrits écraseraient toutes les œuvres du temps présent, si son talent avait la puissance de sa haine – à moins que ce soit là, de la part de l’auteur, une ruse de plus pour sauver les apparences et, par là, tromper son monde –, l’auteur prend un vague plaisir à prendre ses détracteurs supposés à contre-pied. Car, au fond, l’auteur a bon fond et, du fond du cœur – ainsi font les marionnettes, dit-on –, incidemment n’écoutant que la voix de son cœur, l’auteur se fait un devoir de rendre hommage comme il se doit à ceux qui lui ont été du plus précieux soutien. Et de s'exécuter séance tenante et proférer ci-après ses très cybernétiques et tout aussi pesés remerciements :

Est remercié au premier chef – de bonne grâce, et non pas parce que l’auteur est dans un bon jour –, le très Bon et très indispensable Auteur – totalement inconnu, jusqu’au nom, du commun des mortels, cela est bien regrettable –, Bon Auteur autoproclamé en janvier 2008 éditeur en ligne de littérature «entre connaissances» tout bonnement qualifiée «expérimentale». L’échange de bons mots du 27 février 2008 entre le Bon Auteur et l’auteur sera appelé à devenir rien moins que l’acte fondateur d’AUTOPSIE DE MINUIT. Voilà pourquoi, aujourd’hui, et toute sa vie durant, l’auteur ne remerciera jamais assez le Bon Auteur, Monsieur Rond-de-cuir de l'écriture aux boniments polluant la toile à un rythme quasi quotidien : c’est grâce à lui qu’a été sifflé le coup d’envoi d’AUTOPSIE DE MINUIT : l’auteur lui en sera redevable à jamais.

Est remercié l’Auguste Éditeur de l’auguste maison d‘édition, fin lecteur qui, un jour d’avril 2004, en remisant Minuit au grenier des querelles des Anciens et des Modernes, a montré à l'auteur, une seule fois pour toutes, définitivement, quels étaient son temps et son espace : son temps, celui d'aujourd'hui, fort de sa brûlante et fulgurante contemporanéité ; son espace, celui dans lequel sans relâche il porte ses pas et son écoute et son regard, loin, infiniment loin des querelles frelatées et discours oiseux des salons de la moribonde petite capitale. Que l'Auguste Éditeur en reçoive la reconnaissance éternelle de l'auteur.

Est remercié le Docte Professeur au discours très Utile de la très Accomplie Stylistique. Du seul fait de sa seule condition, l’enculeur patenté de mouches non consentantes a fait la démonstration d'une certaine utilité d’AUTOPSIE DE MINUIT. En gage de gratitude, le Docte Professeur à l’insondable gouffre de connerie se voit unanimement consacré Sacré Con de l’Année 2008. Si cela ne dépendait que de l’auteur, celui-ci décernerait à l'émérite gros con pétant le titre très convoité une deuxième année consécutive, sûr cependant de ce que le titre à venir sera sans nul doute enlevé par l’un de ses condisciplinaires confrères. Peut-être le Docte Professeur se consolera-t-il en apprenant que rien ne semble s'opposer à ce qu'il concoure pour le titre de Grand Épouvantail de la Littérature – à moins toutefois que le jury de pré-sélection ne le mette hors-concours, ceci pour cause de sur-qualification.

Sont remerciés en dernier lieu ces deux Fins Éditeurs, devant l’Éternel fins dépensiers des subsides publics généreusement et à répétition octroyés par leurs amis des sombres cabinets de la Qulture, éditeurs intermittents d’ouvrages hautement élitistes, l’un et l’autre, en brillants langagiers, pour avoir purement et simplement ramené les qualificatifs exigeant et intellectuel – comble du cynisme, comme quoi plus rien désormais n’est impossible au royaume de l'exception qulturelle – au rang de tares. L'auteur les remercie pour lui avoir fait comprendre, comme une illumination, combien la propension au dénigrement de l'exigence et de l'intellectualité n'étaient pas forcément l'exclusive des plus démunis. Combien il ne tenait qu'à l'auteur d'assumer ce qu'il estime encore être des qualités, qui sont aussi la bonne étoile de tout créateur, sans cesse les faire siennes, à sa manière, et les mettre en exergue de sa vie, telles quelles, en une criante et lumineuse figure de proue, pleinement et sans honte et sans prétention.

Qu'en somme et pour en finir ces édifiants personnages de la fine fleur des lettres de France apparus dans le filigrane d'AUTOPSIE DE MINUIT, ainsi que tous ceux dont l’auteur n’a pas fait état – soucieux d’épargner au lecteur une trop fastidieuse et de même vomitoire lecture –, qu’enfin ces édifiants personnages soient considérés à la hauteur de ce qu’ils sont, et qu’ainsi, grâce leur étant rendue, ils reçoivent le plus vibrant-massant hommage. Car à leur propos l’auteur ne tarit plus d’éloges, car ils sont et demeureront, serrés contre son cœur attendri, et pour les générations à venir, les chers modèles rêvés de gentillesse, d’élégance, d'humilité, d'inventivité, de fraîcheur, d'ouverture d'esprit et de générosité, et il en passe : bref, toutes les qualités constitutives de l’intelligence.

Enfin, l’auteur ne se congédiera pas lui-même sans avoir fait un tour du côté de René de Ceccatty, lequel éditeur, un jour de mai 2004, écrivait à l’auteur en ces mots : «J’ai lu avec une certaine perplexité votre manuscrit intitulé Minuit. J’avoue n’être pas parvenu à le lire autrement que comme un exercice de style, assez obscur. Je suis désolé, mais je n’ai pas réussi à vous suivre dans ce projet ambitieux et de qualité». Et de clore : «Mais je ne suis peut-être pas le bon lecteur». La démonstration étant ici faite, de manière on ne peut plus claire et nette, qu'il est possible d'émettre un avis négatif sur une création, d'une part en connaissance de cause, d'autre part sans faire preuve, à l'égard de son auteur, ni de condescendance, ni de mépris, ni d'agressivité. CQFD. L’auteur adresse donc ses très sincères remerciements au lecteur René de Ceccatty et rend hommage, levant son chapeau bien haut, et s’inclinant bien bas, au rare, trop rare, et, par là, ô combien précieux éditeur.

Le temps est venu pour l’auteur de porter ses pas vers cet inconnu qui se mesure sans cesse à lui. Il est là, lové dans la corolle, dans le creux duveteux de l'un des innombrables pétales de la fleur de la littérature – mais ne faites pas de bruit, gardez le silence, ne le lui dites pas : il ne le sait pas. Il est là, c'est lui, le lecteur, curieux animal polymorphe qui se glisse dans l’avenir des textes de Minuit et d’AUTOPSIE DE MINUIT. Sans relâche à la recherche de la secrète fleur de la littérature, dont sans attendre il butine le butin des innombrables et divers et variés boutons, dont il recompose, jour après jour, respiration après respiration, au fil de ses rencontres, la fleur, chaque fois approchée, parfois de loin, parfois de très près, sans jamais la voir.

Avec AUTOPSIE DE MINUIT, plus d’une fois, l’auteur aura poussé le bouchon au-delà des limites de la correction. Peu soucieux de bien-pensance, par son discours pour le moins rugueux, il aura quelque peu rudoyé son lecteur – et ce dès le seuil, aux contours peu engageants. Plus d’une fois, il aura pris un malin plaisir à enfoncer le qlou, plus qu’il ne le faut, qui plus est là où il ne faut pas. Certains diront que l'auteur aura eu la main lourde. Que le propos d'AUTOPSIE DE MINUIT aurait gagné à recevoir un certain lissé. Mais tel n'était pas son propos.

Ainsi, très respectueusement, cher lecteur, l’auteur ne te demande pas de bien vouloir l’en excuser : après tout ce n'était qu'à prendre ou à laisser. Au fond l’auteur aura préféré, avec toi, s'en amuser : en rire plutôt qu’en pleurer. Et à l'instant même où tout porte à croire que se referme enfin l'étrange fleur d'AUTOPSIE DE MINUIT, l’auteur, cher lecteur, puisque selon toute vraisemblance tu as porté tes pas jusqu'ici, puisque, plutôt que de laisser, tu as choisi de prendre, si tu as trouvé dans le fil de ces quelques misérables sombres pages une sorte d'enseignement, ne serait-ce qu'un minuscule enseignement, non pas sur l'expérience d'écriture, mais sur une expérience d'écriture, alors, cher lecteur, ce sera pour l'immense satisfaction de leur auteur. Et de cela, cher, très cher, avant de te quitter – ce qui est son plus grand regret, à part peut-être celui de ne pas avoir tapé assez fort –, le vilain petit canard te remercie, salue tout autant ton intelligence que ta témérité, avant de te saluer enfin.


aller sans détour et sans honte à Un épilogue de rêve.

[le présent Carnet d'AUTOPSIE DE MINUIT, vingtième du nom, a été divulgué par L'AUTEUR LUI-MÊME en personne, à Marseille et au monde, le mardi 30 septembre 2008, aux alentours de 13 h., 13 min. et 13 sec., heure de Marseille, France (UTC/GMT +2)]