Sahelanthropus tchadensis,
le travail de terrain

En 2018, des chercheurs  jeunes à l'époque de la mise au jour de Toumaï et des chercheurs arrivés tardivement dans le projet se sont crus autorisés à porter de vives critiques à l'égard de l'équipe du Centre national d'appui à la recherche à l'occasion d'un preprint ('Postcranial evidence of late Miocene hominin bipedalism in Chad') dans une revue de grande réputation habituellement à l'écart de telle déclaration et étant connue pour le respect des chercheurs. Or ces paléontologues maintenant bien établis ont réalisé une très grande partie de leurs travaux à partir des fossiles justement collectés par l'équipe du CNAR. Est-ce l'un des symptômes de cette "terrible 'hominid fever" que signale Michel Brunet à la page 76 de son livre 'D'Abel à Toumaï, nomade, chercheur d'os' (édition Odile Jacob, Paris, 2006, 254 p). Ses symptômes sont connus. N'affectant que les paléontologues et particulièrement les paléoanthropologues, elle attaque le cœur en tant que siège des sentiments, détruit les rapports sociaux, et par le stress généré peut s'attaquer au muscle cardiaque. C'est compréhensible car tous les fossiles d'hominidés ont été mis au jour par des techniciens, le premier par un chauffeur marginalisé, et un 'logisticien' ou 'assistant technique de coopération' ou 'chercheur de la vingt-cinquième heure' selon les qualificatifs qui lui sont généreusement attribués que son nom ne soit jamais cité, omettant qu'il pouvait aussi être photographe, et qu'il a été éditeur scientifique avec la création de la 'Revue scientifique du Tchad', des 'Travaux et documents scientifiques du Tchad', coproducteur de documentaires avec RadioTchad et TéléTchad (La ceinture verte de N'Djaména,...), paysagiste (avec la création du Jardin scientifique de N'Djaména), muséologue (avec la réalisation d'une salle de paléontologie dans l'ancien Musée national tchadien) et même bâtisseur (avec le bâtiment des collections paléontologiques). Enfin dans ses premières fonctions au Tchad il a fait revenir le professeur Pierre Vincent et ensemble ils ont prouvé les deux impacts géants de météorites d'Aorounga et de Gweni-Fada et actualisé les connaissances sur le volcanisme du Tibesti avec une mission de l'Emi Koussi à Kilinégué.
Par ailleurs en tant que responsable du projet "Appui à la recherche scientifique tchadienne" d'octobre 1989 à août 1996 Alain Beauvilain a été à l'origine de la venue au Tchad du professeur Michel Brunet avant de devenir du 15 novembre 1996 au 31 décembre 2002 responsable du projet "Appui aux recherches paléontologiques" et enfin responsable du projet "coordination des actions en paléontologie en République du Tchad" du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique de la République du Tchad.
Au préalable, après une maîtrise à Douentza (République du Mali) en 1969, il a commencé sa vie professionnelle au lycée franco-arabe de Tombouctou (République du Mali) en 1970 avant de parcourir le Dallol Bosso (République du Niger) en 1973 et 1974 pour les enquêtes de terrain d'une thèse de troisième cycle en géographie, étudié les systèmes oasiens du sud de l'Algérie et du sud de la Tunisie en 1976 et 1977 avant de multiplier les missions de terrain dans le nord du Cameroun entre 1979 et 1989 pour les enquêtes de terrain d'un doctorat d'Etat en géographie. De ce long cheminement en zones sahélo-sahariennes il a laissé de nombreuses photographies encore disponibles sur Google Earth même si beaucoup ont été supprimées avec la fermeture du site Panoramio.

Pour le travail dans le Djourab, il convient de rappeler au préalable qui a arpenté le Sahara tchadien pendant tant d'années pour arriver à ces mises au jour fabuleuses, un crâne, un fémur et deux ulnae d'hominidés.

Nombre de jours de présence dans le secteur fossilifère dit de Toros-Ménalla de janvier 1997 à mars 2002

* Les temps de trajet pour accéder à la zone de TM sont inclus dans ce tableau.
* Guillaume Davert, Abderahmane Moussa, Clarisse Nékoulnang Djétounako, co-auteurs de l'article, sont arrivés dans le projet scientifique après 2002.

Ce tableau n’appelle pas de commentaire, il se suffit à lui-même.

Parmi ces auteurs prenons l'exemple de Jean-Renaud Boisserie. Dans sa thèse soutenue le 12 décembre 2002, celui-ci se réfère à 301 fossiles d'Hippopotamidae provenant de Toros-Ménalla. Combien en a-t-il mis au jour lui-même ? Aucun puisqu'il n'avait pas parcouru cette zone fossilifère.
Plus récemment, avec l'apport de missions annuelles sur le terrain depuis 2003, J.-R. Boisserie se réjouit d’avoir pu travailler sur 417 spécimens cranodentaires de Nyanzachoerus (des suidés), soit la plus importante collection au monde de ce type de restes. La qualité de leur fossilisation et de leur préservation lui permet même de travailler au niveau de l’espèce pour 294 fossiles. Sur ces 417 fossiles (ou ensembles de fossiles) ayant servant de base à l'étude "A New Species of Nyanzachoerus (Cetartiodactyla: Suidae) from the Late Miocene Toros-Menalla, Chad, Central Africa" (Plos One, 2014, Boisserie J.-R. et al.), seulement 5 ont été mis au jour sur des sites découverts après le départ d'Alain Beauvilain le 30 décembre 2002. La tâche de celui-ci, en tant que géographe, était notamment de découvrir, le plus souvent à pied, de nouveaux sites fossilifères.
Pourquoi s'associe-t-il à ces reproches envers la qualité du travail de l’équipe de terrain du CNAR ? N’a-t-il pas pu soutenir sa thèse dès 2002 et d’être devenu rapidement directeur de recherche au CNRS ?

Il convient aussi de souligner la fréquence des passages sur le terrain de 1997 à mars 2002. Le site de TM266 a été découvert en juillet 2001 parce que le géographe Alain Beauvilain avait établi depuis 1997 la carte des sites et qu’il actualisait cette carte en permanence. Pour lui, il était évident que la vaste zone située en contrebas du plus important talus de toute cette région méritait une étude approfondie. Dès novembre 1997 ce talus était reconnu par Alain Beauvilain et le site de TM39 s’avèrera distant de 22 kilomètres de TM266. Du 6 au 10 février 1998, Alain Beauvilain et Fanoné Gongdibé découvrent les sites de TM63 et TM64. Ils ne sont plus qu’à 4 et 6 kilomètres de TM266. Des oppositions de principe se mettent alors en place pour privilégier des missions vers le cœur poussiéreux de la cuvette tchadienne. Faute donc de réussir à convaincre les paléontologues de son point de vue, Alain Beauvilain entreprenait cette mission de juillet 2001 avec le succès que l’on sait. De juillet 2001 à mars 2002 plus de cent sites fossilifères y sont inventoriés.

La particularité des sites fossilifères du Djourab est leur immense étendue liée à la planitude des lieux. Des dunes vives (barkhanes) y parcourent de vastes étendues gréseuses, planes, faisant qu’une même surface séparée par une dune donne lieu à l’enregistrement de deux sites, et autant de sites qu’il y a de dunes. Il faut aussi considérer que des fossiles sont alors sous la ou les dunes, d’où la nécessité de repasser fréquemment. C’est ce qui a été fait avec méthode jusqu’en mars 2002.

Deux sites fossilifères, TM254 le 16 juillet 2001 et TM Am Zao le 29 octobre 2001 (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

La vérification

"Qu'as-tu à regarder la paille dans l'œil de ton frère alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?" Jésus-Christ, Sermon sur la montagne.

Les auteurs de 'Postcranial evidence of late Miocene hominin bipedalism in Chad' ('Preuve postcrânienne de la bipédie des hominidés du Miocène supérieur du Tchad') ont donc cru utile d'adjoindre à leur étude leur description des conditions de travail sur le terrain telles que pratiquées par l'équipe du CNAR (Centre national d'appui à la recherche) dans une rubrique 'd'informations supplémentaires, chapitre 2.2 Contexte des découvertes'. Il importe donc de comparer leurs allégations avec la réalité des faits et même des bénéfices qu'ils ont tirés du travail de cette équipe.

Cette partie 2.2 exprime une opinion. Celle-ci doit être confrontée à la vérification des faits.

L'opinion

Postcranial evidence of late Miocene hominin bipedalism in Chad
Preuve postcrânienne de la bipédie des hominidés du Miocène supérieur du Tchad (at the page 25 of this .pdf)

Informations supplémentaires.

"2.2 Contexte des découvertes.
La Mission Paléontologique Franco-Tchadienne (MPFT, dirigée par Michel Brunet) a mené des missions de terrain dans le désert du Djourab depuis 1994. Sa première découverte majeure a été une mandibule partielle attribuée à une nouvelle espèce, Australopithecus bahrelghazali (1,2), trouvée dans le secteur fossilifère de Koro Toro (Pliocène supérieur). En 1997, Brunet a dirigé une équipe d'exploration dans la partie ouest du Djourab et a découvert un nouveau secteur fossilifère dominé par les affleurements du Miocène supérieur (Toros-Menalla, TM). De 1997 à 2001, la MPFT a documenté l'extension complète de cette vaste zone (environ 100 km le long d'un axe est-ouest) et a lancé son étude systématique. En juillet 2001, une équipe technique de quatre membres de la MPFT* a réalisé une enquête de reconnaissance chez TM et a atteint une zone particulièrement riche (site TM 266), à cette époque une surface de 1,5 km2 plus ou moins exempte d'accumulations de sable. L'équipe a recueilli un échantillon abondant de spécimens fossiles et a documenté photographiquement le travail, mais n'a pas effectué d'enregistrement précis des positions des spécimens les uns par rapport aux autres sur le site. Le crâne partiel TM 266-01-060-1 proposé comme spécimen holotype pour Sahelanthropus tchadensis (3), le fémur TM 266-01-063 et l'un des ulna (TM 266-01-050) figuraient parmi les spécimens collectés. Les participants à cette mission ont rapporté des informations contradictoires concernant les emplacements précis sur le site TM 266 des différents restes fossiles collectés au cours de cette mission. Les images utilisées pour discuter de la position d'origine du fémur et du crâne (4) n'incluent pas l'ulna TM 266-01-050, et ne présentent pas d'éléments contextuels permettant d'identifier l'emplacement et le moment de leur prise de vue. La plupart des spécimens observés sur ces photos, comprenant également divers restes cranio-dentaires et post-crâniens d'autres vertébrés, ne présentent pas la couverture de poussière et de sable habituellement observée sur les découvertes de surface dans le désert de Djourab : ils ont donc été photographiés après manipulation. Cela corrobore les affirmations des membres de l'équipe tchadienne selon lesquelles ces images n'ont pas enregistré la position initiale des fossiles et qu'elles ont été photographiées après que les fossiles aient été recueillis dans les environs. Étant donné le nombre minimum d'individus hominidés calculé pour TM 266 (six, dont trois adultes (4)), les suggestions selon lesquelles TM 266-01-060-1 et l'un des éléments postcrâniens nouvellement décrits appartiennent au même individu restent hautement hypothétiques.

À Ndjamena, l'équipe a grossièrement trié les 561 spécimens collectés au cours de la mission (141 pour TM 266) par rang taxinomique de haut niveau et a finalement stocké la plupart des spécimens post-crâniens comme étant de groupe «indet». Ce fut le cas pour le fémur TM 266-01-063 et l’ulna TM 266-01-050. Le matériel a ensuite attendu d'être examiné par des anatomistes qualifiés, ce qui ne s'est pas produit au cours des deux années suivantes. À l'époque, la MPFT accordait la plus haute priorité à d'autres tâches. Premièrement, l'étude du matériel craniodental et la caractérisation initiale de l'assemblage faunique de TM 266 ont occupé tout le temps de recherche et ont abouti à leur première description dans Nature un an après la découverte de TM 266 (3,6). Deuxièmement, plusieurs missions sur le terrain visaient à déterrer d'autres spécimens à TM 266 et dans les zones adjacentes dans le contexte de l'augmentation rapide de la couverture des sites à hominidés par les sables éoliens et de l'extrême érosion par le sable des spécimens de surface. De 2001 à 2003, malgré la faible densité de restes fossiles dans les sites fossilifères du Djourab, la MPFT a collecté plus de 7000 spécimens à TM, y compris de nouveaux spécimens craniodentaux attribués à Sahelanthropus (4).

Début 2004, avant un examen minutieux par des paléontologues qualifiés, divers restes post-crâniens découverts en juillet 2001 ont été sélectionnés pour la formation d'une étudiante en master en taphonomie, dont le fossile TM 266-01-063. À la recherche d'une détermination, l'étudiante a remis ce spécimen à Roberto Macchiarelli8, non membre de la MPFT. Macchiarelli a correctement identifié le fémur comme étant celui d'un hominin (7). En parallèle, la MPFT a identifié les restes ulnaires. Ultérieurement, l'existence d'un fémur d'hominidé provenant de TM 266 a été divulguée au public avant sa description formelle, nuisant à la capacité de la MPFT à préserver la nouveauté de sa divulgation pour une publication scientifique formelle. Depuis 2004, la MPFT a tenté de découvrir d'autres vestiges documentant l'anatomie post-crânienne des hominidés de TM, à ce jour sans succès.

*Dont trois techniciens tchadiens du Centre National d'Appui à la Recherche (CNAR, devenu CNRD), dirigés par un «assistant de coopération» de l'ambassade de France au Tchad.

Références

1. Brunet, M., Beauvilain, A., Coppens, Y., Heintz, E., Moutaye, A. E., Pilbeam, D. The first australopithecine 2,500 kilometres west of the Rift Valley (Chad). Nature 378, 273-275 (1995).
2. Brunet, M., Beauvilain, A., Coppens, Y., Heintz, E., Moutaye, A. E. Australopithecus bahrelghazali, une nouvelle espèce d'Hominidé ancien de la région de Koro Toro (Tchad). C. R. Acad. Sci. Paris 322, 907-913 (1996).
3. Brunet, M. et al. A new hominid from the Upper Miocene of Chad, Central Africa. Nature  , 145-151 (2002).
4. Beauvilain, A., Watté, J. P. Toumaï (Sahelanthropus tchadensis) a t-il été inhumé ? Bull. Soc. Géol. Normandie 96, 19-26 (2009).
5. Brunet, M. et al. New material of the earliest hominid from the Upper Miocene of  Chad. Nature 434, 752-755 (2005).
6. Vignaud, P. et al. Geology and palaeontology of the Upper Miocene Toros Menalla hominid locality, Chad. Nature 418, 152-155 (2002).
7. Callaway, E. Femur findings remain a secret. Nature 553, 391-392 (2018)."

Les auteurs
Franck Guy, chargé de recherches CNRS, directeur adjoint du laboratoire PALEVOPRIM, thèse « Variabilité de l'appareil manducateur chez les Hominoidea ( Mammalia, primates) actuels », université de Poitiers, 2002, directeurs Michel Brunet et Laurent Viriot.
Guillaume Daver, maître de conférences, université de Poitiers, thèse « Le complexe articulaire du poignet des Hominoïdes miocènes et plio-pléistocènes africains : approche comparative anatomo-fonctionnelle et morphométrique », Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 2007, directeurs Dominique Grimaud-Hervé et Gilles Bérillon.
Hassane Taïsso Mackaye, professeur, université de N'Djaména, thèse « Les Proboscidiens du mio-pliocène du Tchad : biodiversité, biochronologie, paléoécologie et paléobiogéographie », université de Poitiers, 2001, directeurs Michel Brunet et Pascal Tassy.
Andossa Likius, professeur, université de N’Djaména, thèse « Les grands ongulés du mio-pliocène du Tchad (Rhinocerotidae, Giraffidae, Camelidae) : systématique, implications paléobiogéographiques et paléoenvironnementales », université de Poitiers, 2002, directeurs Michel Brunet et Denis Geraads.
Jean-Renaud Boisserie, Directeur de recherches CNRS, directeur du laboratoire PALEVOPRIM, thèse « Nouveaux Hippopotamidae du Mio-Pliocène du Tchad et de l’Ethiopie : implications phylogénétiques et paléoenvironnementales », université de Poitiers, 2002, directeurs Michel Brunet et Patrick Vignaud.
Abderamane Moussa, thèse « Les séries sédimentaires fluviatiles, lacustres et éoliennes du bassin du Tchad depuis le Miocène terminal », université de Strasbourg, 2010, directeurs Philippe Duringer et Mathieu Schuster.
Patrick Vignaud, professeur, directeur du département géosciences, université de Poitiers, thèse « Les Thalattosuchia, crocodiles marins du mésozoïque systématique phylogénétique, paléoécologie, biochronologie et implications paléogéographiques », université de Poitiers, 1995, directeur Michel Brunet.
Clarisse Nékoulnang Djétounako, chef du Service de conservation et de valorisation des fossiles, Centre national de recherche pour le développement, thèse « Les collections scientifiques et leur valorisation : une politique de recherche et un enjeu socio-culturel. L’exemple du patrimoine tchadien et d’autres collections paléontologiques africaines », université de Poitiers, 2015, directeurs Patrick Vignaud, Géraldine Garcia et Dominique Moncond’huy.

La vérification : les faits

Il est grand temps de faire cesser la diffusion de fausses informations sur le point de devenir des légendes auprès de la presse.

- Concernant l’assemblage de fossiles sur le site. Le 17 juillet 2002, dans N’Djaména Bi-Hebdo Ahounta décrit la découverte du crâne. Il récidive en 2003 auprès de l’anthropologue néerlandaise Dorrit van Dalen qui, présente pour ses recherches au Tchad, porte son attention aux découvertes paléontologiques tant le sujet est d’actualité. Elle en publie un article dans Times sous le titre « Wind, student and chauffeur discovered Sahelanthropus. No paleontologist entered into it ».
« Comme les autres jours, les chercheurs s'étaient réveillés à 5h30 du matin et avaient commencé à marcher à 6h30. Djimdoumalbaye : «Nous marchons tous dans une direction différente. Au bout d'une demi-heure, j'ai vu entre les pierres noires quelque chose de rougeâtre. Une mâchoire, couchée avec les dents en l'air. Probablement du genre de porc que nous avions trouvé là plus tôt, pensai-je. Je me suis agenouillé, j'ai détaché l'os du sable et alors je tenais un crâne complet. Quand je l'ai retourné, j'ai regardé dans ces deux yeux. Cela avait l'air d'être un grand singe, âgé de 6 ou 7 millions d'années, car c'est l'âge du terrain où nous étions en train de chercher. C'était même tellement excitant que je suis resté seul pendant dix minutes pour contrôler mes émotions. Puis j'ai fait un signe à Fanoné, qui était le plus proche de moi. Il lui a fallu un certain temps pour me rejoindre. Puis il a regardé le crâne et a dit: « Ce n’est pas un singe, c’est un homme » ». 

En 2009, depuis le bureau du professeur Brunet à Poitiers, mis en situation de communiquer avec Nicolas Constans, alors journaliste scientifique au mensuel La Recherche, Ahounta change de version s’accusant d’une manipulation au cours de la matinée avant l’arrivée sur les lieux d’Alain Beauvilain. Des souvenirs plus exacts lui reviennent en janvier 2016 lorsqu’il accompagne un groupe de volontaires français visitant le nouveau Musée National ou lorsqu'il donne une interview à Dorrit van Dallen pour le Time. De toute façon, l’ombre longue portée tôt le matin sur la scène de collecte, jour de l’année où en ce lieu et à l’heure méridienne les rayons du Soleil sont quasi verticaux, indique parfaitement l’heure de la scène. S'il en fallait plus, l’enregistrement de la caméra vidéo, qui donne la date, l’heure et la minute de prise de vue, l’état de surface du sable sur les photographies sur lequel se marque chaque trace de pas ou de main, attestent de la rigueur du travail effectué sur le terrain.

- concernant « l'extrême érosion par le sable des spécimens de surface ».
Une belle légende. Les fossiles sont extrêmement durs, ce sont pratiquement des silex très résistants à l’érosion, le contexte géologique étant celui de sable et de grès. D'ailleurs Toumaï a eu le temps de recevoir une belle patine désertique... à droite comme à gauche. Cette exposition des fossiles en surface leur offre, après des décennies, un magnifique vernis désertique qui en font des pièces très esthétiques.
L’érosion éolienne présente d’ailleurs un gros avantage, celui de dégager la gangue qui entoure nombre de fossiles, qu’elle soit blanche, fine, très siliceuse et extrêmement dure à dégager, comme pour la mandibule à la molaire absente, qu’elle soit plus ferrugineuse comme pour la tête de Toumaï (voir les photographies aux différentes pages de ce site). Là encore il faut beaucoup de temps pour y aboutir.
Les variations thermiques quotidiennes, surtout en saison froide, sont plus destructrices. 

- concernant « plusieurs missions sur le terrain visaient à déterrer d'autres spécimens ».
Le mot ‘déterrer’ ne convient pas pour l’essentiel des fossiles qui sont collectés en surface. L'emploi du mot 'déterrer' ('unearthed') reporté à la moindre occasion est franchement abusif.Quant à la durée annuelle du temps passé sur le terrain le tableau précédent en montre la relativité.

- concernant le catalogage des fossiles « À Ndjamena, l'équipe … a finalement stocké la plupart des spécimens post-crâniens comme étant de groupe «indet ».
Ne pas confondre la détermination rapide effectuée sur le terrain et le classement effectué à N’Djaména, non pas par les non paléontologues de l’équipe du CNAR mais par les paléontologues en mission, soit uniquement pour l’étude à N'Djaména de ces collections, soit dans le cadre plus large des missions de terrain. Ces missionnaires étant logés au CNAR dans des logements voisins des collections auxquelles ils ont eu accès autant qu’ils le voulaient.

- concernant l’étude du matériel post-crânien avant 2004 : « À l'époque, la MPFT accordait la plus haute priorité à d'autres tâches. Premièrement, l'étude du matériel craniodental et la caractérisation initiale de l'assemblage faunique de TM 266 ont occupé tout le temps de recherche ». Le libre accès à toutes les collections de fossiles a permis d’affiner leurs travaux de thèse au-delà du matériel crânien et du site de TM266 ou voisins de celui-ci. Si Jean-Renaud Boisserie s’est limité par choix au matériel crânien de l’ensemble de la zone de Toros-Ménalla, alors qu’il a eu en main tous les fossiles, Fabrice Lihoreau, en 2003, détaille dans sa thèse les 185 fossiles ou groupes de fossiles qu’il a utilisés, dont 53 fossiles ou groupes de fossiles post-crâniens, astragales, calcanéum, métapodes, métacarpes, métatarses, phalanges. D’ailleurs pourquoi nier aujourd’hui l’exploitation du matériel post-crânien avant 2004 puisque son exploitation apparaît à la page 154 de Geology and palaeontology of the Upper Miocene Toros-Menalla hominid locality, Chad Nature, Vol 418, 11 July 2002, pp. 152-155.

A) 'De 1997 à 2001, la MPFT a documenté l'extension complète de cette vaste zone (environ 100 km le long d'un axe est-ouest) et a lancé son étude systématique. En juillet 2001, une équipe technique de quatre membres de la MPFT* a réalisé une enquête de reconnaissance chez TM.'...*Dont trois techniciens tchadiens du Centre National d'Appui à la Recherche (CNAR, devenu CNRD), dirigés par un «assistant de coopération» de l'ambassade de France au Tchad.

De janvier 1997 à mars 2002, l'équipe du CNAR a totalisé 642 jours sur le terrain tandis que les cosignataires de cet article ont totalisé 181 jours. Si ils peuvent qualifier les membres de l'équipe du CNAR de techniciens c'est que ceux-ci, en plus du travail de prospection des sites et de collecte des fossiles assuraient tout de la logistique, de l'amont (achat de nourriture, carburant, préparation du matériel, ...,) à l'aval (chauffeurs, mécanicien, cuisinier, ..., photographies et vidéos des sites et des fossiles) découvrant la quasi totalité des sites et collectant la plupart des fossiles. Pour leur découverte du désert, à mille lieux de leur environnement habituel, ces jeunes chercheurs ont été choyés par l'équipe du CNAR.

B) 'À N’Djaména, l'équipe a grossièrement trié les 561 spécimens collectés au cours de la mission (141 pour TM 266) par rang taxinomique de haut niveau et a finalement stocké la plupart des spécimens post-crâniens comme étant de groupe «indet». Ce fut le cas pour le fémur TM 266-01-063 et l’ulna TM 266-01-050. Le matériel a ensuite attendu d'être examiné par des anatomistes qualifiés, ce qui ne s'est pas produit au cours des deux années suivantes.'

L’équipe de terrain était constituée de deux Tchadiens titulaires d’une licence de sciences naturelles (Fanoné Gondibé, diplômé de l’université de Yaoundé et ingénieur, fonctionnaire du Ministère des Mines détaché au CNAR, et Ahounta Djimdoumalbaye, diplômé de l’université de N’Djaména, vacataire au CNAR), d’un Tchadien non diplômé (Mahamat Adoum, contractuel au CNAR) et d’un Français docteur d’État en géographie (Alain Beauvilain) qui a commencé sa vie professionnelle en milieu sahélo-saharien en 1970 au lycée franco-arabe de Tombouctou (République du Mali) après une maîtrise à Douentza en 1969.
Au cours de la mission de juillet 2001, c’est donc pour la première fois un fonctionnaire tchadien en service au CNAR qui a effectué le catalogage quotidien des pièces collectées puisque ces pièces relèvent du patrimoine de l’État tchadien. Dès le retour à N’Djaména, un registre officiel a été acquit et ce catalogage y a été reporté. Au cours des missions suivantes, ce registre a été complété directement et quotidiennement sur le terrain. Les fossiles y sont correctement décrits dans leur nature mais effectivement pas tous pour leur genre et leur espèce, ce qui est banal dans cette discipline.
Un géographe ou un licencié es sciences naturelles pouvait-il se permettre d’attribuer à la famille des Hominidés en plus d’une tête complète (crâne+mandibule –non publiée) un fémur et un cubitus (ulna aujourd’hui) sans provoquer la risée ?

Par contre le professeur Michel Brunet a pu fin août 2001 et sans limite de temps, autant que de besoin, consulter l’ensemble des fossiles ramenés à N’Djaména et tout particulièrement ceux de TM266. Il a donc eu en main l’ulna TM266-01-50, catalogué sur le terrain comme ‘cubitus en plusieurs morceaux’, mais n’a pas jugé opportun de l’exporter vers son laboratoire de Poitiers. Le bordereau d’exportation n° 8 du 27 août 2001, avec des fossiles de TM266 allant de TM266-01-05 à TM266-01-140 montre clairement ces deux faits (141 fossiles ont été collectés à TM266 en juillet 2001).

Le professeur Patrick Vignaud, co-auteur de cette publication, oublie que le maître de conférences Patrick Vignaud a participé à la mission qui, du 21 octobre au 4 novembre 2001, a collecté l’ulna TM266-01-358. Que n’a-t-il relevé les coordonnées GPS de ce fossile alors qu’il avait à son entière disposition deux GPS. De plus, unique paléontologue alors présent sur le terrain, il a présidé chaque jour au catalogage des pièces collectées. Il a donc défini le fossile TM266-01-358 comme un ‘cubitus Mammalia indet’. Ceci n’apporte pas de complément significatif au type de déterminations faites en juillet. Néanmoins, contrairement au professeur Michel Brunet, il a pris soin d’exporter avec lui ce fossile, pour preuve le bordereau d’exportation n° 13 du 6 novembre 2001.

Sur les 305 fossiles catalogués à TM266 au cours de cette mission d'octobre-novembre 2001, seulement 23 ont été définis au niveau de leur genre, soit 7,5%, dont 11 Hipparion (genre d'équidés anciens), et sur les 124 fossiles collectés à TM 267, 9 ont été définis soit 7,2%....

Par cette actuelle publication, le professeur Patrick Vignaud reconnaît que lui et le professeur Michel Brunet ne sont pas des anatomistes qualifiés, c’est-à-dire pas plus qualifiés qu’un docteur en géographie. C’est d’ailleurs pourquoi le laboratoire de paléontologie de l’université de Poitiers avait recruté en mai 2001 le professeur Roberto Macchiarelli. Il s’agissait de disposer au sein du laboratoire de paléontologie de l’université de Poitiers d’une expertise reconnue au cas où des fossiles de membres d’hominidés et/ou d’homininés seraient ramenés du désert tchadien. Pourtant le choix a été fait de ne pas associer ce professeur à la prestigieuse découverte du crâne de Toumaï en juillet 2001. Chacun en mesure aujourd’hui les conséquences.

Ce bordereau n° 13 mentionne un grand nombre de beaux fossiles, très intéressants scientifiquement car destinés à alimenter les travaux des jeunes paléontologues en cours de thèses à Poitiers, y compris les deux étudiants tchadiens (Mackaye Hassan Taïsso et Likius Andossa). C’était d’ailleurs une très grande fierté pour l’équipe de terrain de trouver des pièces magnifiques car ils savaient à quel étudiant chaque pièce parviendrait, tchadien ou pas.

Auparavant le directeur de recherches CNRS Jean-Renaud Boisserie et le maître de conférences à l’université de Montpellier Fabrice Lihoreau, alors doctorants en fin de thèse, étaient présents à N’Djaména de fin septembre à la mi-octobre 2001. Logés au CNAR, ils ont pu autant que de besoin avoir en mains les fossiles ramenés du Djourab en juillet. Que n’ont-ils corrigés les éventuelles insuffisances des membres de la mission de terrain de juillet, n’exportant que des fossiles concernant leurs propres travaux, pour preuve les bordereaux d’exportation n° 10 et 11 du 10 octobre 2001.

Réjouissons-nous que chaque chercheur reconnaisse dans ses écrits disposer de fossiles splendides et en nombre, par dizaines voire par centaines, y compris pour certaines espèces décrites en Libye ou en Afrique orientale avec des holotypes réduits à une unité et qui ont parfois disparu des collections ou qui n'étaient constitués que d'un fragment de dent fort abîmée.

2001 08 27 bordereau export n°8 Brunet.pdf

2001 09 13 bordereau export n°9 Likius.pdf

2001 10 10 bordereau export n° 10 Boisserie.pdf

2001 10 10 bordereau export n° 11 Lihoreau.pdf

2001 11 06 bordereau export n°13 Vignaud.pdf

2001 12 26 bordereau export n°14 Viriot.pdf

Enfin, essayer de montrer une éventuelle incompétence de l’équipe de terrain, qui n'a fait qu'appliquer les méthodes qui lui ont été prescrites, c'est oublier que début 2004, avant de partir dans le Sahara tchadien afin de reconstituer pour des besoins cinématographiques la mise au jour de Toumaï, en l’absence de tous les membres de l’équipe de terrain, l’autorisation est donnée à une étudiante, pour son DEA en taphonomie, de détruire le fossile TM266-01-063 et que c’est l’hésitation de celle-ci devant ce beau fossile qui amène le professeur Roberto Macchiarelli à avoir en main ce fémur d’hominidé.

Les autorités tchadiennes avaient-elles donné leur accord préalable à la destruction d’un fossile inscrit à l’inventaire du patrimoine de l’État tchadien et exporté sur bordereau officiel ? D’autres fossiles ont-ils subi ce sort ?

Enfin, s’il a déjà été constaté avec regret qu’aucun reste de gangue n’ait été conservé lors du ‘nettoyage’ du crâne privant Didier Bourlès, alors directeur-adjoint du CEREG, du gramme de matériau qui n’ait pas été perturbé (Le Monde, 5 septembre 2008) pour une tentative de datation par la méthode du Bérylium 10, la préparation de ce fémur, alors jugé sans intérêt scientifique, lui a ôté près d’un centimètre de son extrémité distale !

C) De juillet à décembre 2001, 52 pièces post-crâniennes, dont le groupe zoologique n’avait pu être déterminé sur le terrain, ont été cataloguées sur le site de TM266 en espérant que quelques unes d’entre elles pourraient appartenir à la tête trouvée, c’est-à-dire au bout du compte à des Sahelanthropus. Parmi ces pièces, 36 concernent des os longs (tibia, fémur, humérus et ulnas) sous forme soit de spécimens intacts, soit de diaphyses cassées.

Très surpris qu’aucun de ces os longs trouvés à proximité de la tête ne relève de l’appartenance au même individu que celle-ci ou à ses semblables, Alain Beauvilain s’en étonne dans le volume 100, septembre/octobre 2004 du South African Journal of Science, page 446 : Considérant l’excellent état de conservation du crâne de Toumaï, un examen approfondi de ces os pourrait apporter d’intéressantes informations car nous estimons probable que des fossiles post-crâniens d’un grand primate soient présents sur le site, quoique rien n’ait été rapporté jusqu’à présent à ce sujet’.

D) La plupart des spécimens observés sur ces photos, comprenant également divers restes cranio-dentaires et post-crâniens d'autres vertébrés, ne présenteraient pas la couverture de poussière et de sable habituellement observée sur les découvertes de surface dans le désert du Djourab : ils auraient donc été photographiés après manipulation.’

Habituellement observé ne veut pas dire partout. En bien des endroits de vastes surfaces sont totalement dégagées de 'poussière' et de sable. Un observateur attentif de la photographie voit bien la présence de sable, les empreintes de doigts dans celui-ci ainsi que les petites accumulations de sable dans les parties 'sous le vent' des fossiles.

D'une manière plus générale, si les fossiles étaient ainsi recouverts, personne ne les verrait. Il est vrai que Jean-Renaud Boisserie, qui n’a participé qu’à deux missions de terrain (en 1999 à l’Est du Bahr el Ghazal dans le secteur fossilifère de Kollé), a tenté de mettre au jour des fossiles à l’aide de l’un des deux souffleurs de feuilles acquis par l’université de Poitiers pour cet objectif. Casques sur les oreilles, il n’a pu que constater l’inutilité de l’opération et son fort potentiel destructif tandis que ses collègues collectaient des fossiles.

En effet, les fossiles, souvent de couleur sombre, se détachent sur un sol sableux jaune ou gréseux parfaitement blanc, et se voient de loin. C’est pourquoi le laboratoire de paléontologie de l’université de Poitiers a pu obtenir de la région Poitou-Charente le financement d’un ULM, produit dans cette région. En complément de l’aéroplane, il aura fallu employer des pilotes professionnels et, l'année suivante, acquérir une tente pour le protéger des vents de sable.

Alors que certains fossiles ont pu être ramassés sans même descendre de véhicule, était-il possible de le faire avec un ULM ? C'était théoriquement possible puisque cet engin de 175 kg est capable de se poser, en version biplace, sur 20 mètres et de décoller sur 60 mètres, ce que nous avons pu vérifier à plusieurs reprises sur l'itinéraire Salal-Kouba lors de sa livraison. Sauf que, dans le Djourab, l’ULM n’a pas permis de trouver de fossiles tandis que les conditions atmosphériques, dans une région très venteuse, ont limité grandement la vitesse de déplacement de l’aéronef face à la puissance de l'harmattan et ont créer des nuages de poussière inattendus. suscitant bien des inquiétudes. Néanmoins, dans ce secteur du Djourab, recouvert il n’y pas si longtemps encore par les eaux du méga lac Tchad, on ne ramasse pas des fossiles comme des coquillages’ (Michel Brunet, Le Monde, 11 juillet 2002)... mais combien de fois l'avons-nous vu faire plutôt 'comme le font des gamins dans un champ de champignons' (Le Père de l'Homme, Galam, 1998, 2e partie) ou 'comme des gamins lâchés dans un grand jardin bourré d'œufs en chocolat un matin de Pâques' (D'Abel à Toumaï..., page 56, livre écrit en période pascale). 

Le Monde, 11 juillet 2002, Hervé Morin

Qui sont ces religieux qui sont passés par là à pied et en ont laissé des écrits ?

Trois photographies de l'ULM : mars 1997, à KL ailes repliées ; février 1998 à KL dans sa tente ; mars 1999 - décembre 2002..., en entreposage à l'aéroport de N'Djaména (photographies Alain Beauvilain, droits réservés). Remis ultérieurement en état par un militaire excellent pilote, l'appareil a fini par chuter dans l'enceinte de l'aéroport de N'Djaména.

E) L’équipe…a documenté photographiquement le travail, mais n'a pas effectué d'enregistrement précis des positions des spécimens les uns par rapport aux autres sur le site.'

Les photographies n’enregistreraient donc pas la position des spécimens les uns par rapport aux autres ? Les photographies ne sont pas des dessins.

En l’absence de réaction et en raison de techniques de datation reposant sur des fossiles qui auraient été déterrés alors qu’ils ont été collectés en surface, Alain Beauvilain publie en 2009 avec Jean-Pierre Watté, docteur en archéologie, en français dans le Bulletin de la Société géologique de Normandie et des amis du Muséum du Havre et en anglais dans la revue Anthropologie, un article exposant les conditions exactes de lieu et d’heure de collecte des fossiles. Nous venons de le voir en haut de cette page, peu après, s’exprimant depuis le laboratoire de Paléontologie de l’université de Poitiers, en présence du professeur Michel Brunet, Ahounta Djimdoumalbaye expose à un journaliste scientifique un horaire différent suggérant une modification de la scène de prélèvement. Auquel cas, la mise en scène effectuée traduirait une manipulation scandaleuse exprimant un faible niveau d’intégrité scientifique. Nous l'avons vu, tel n’est bien évidemment pas le cas et ceux qui doivent leur ascension professionnelle, professeurs des universités, directeurs de recherche,… au travail de quatre hommes au cœur du Sahara tchadien pendant cinq-six ans pour les uns, neuf ans pour Alain Beauvilain, n’ont guère de reconnaissance en s’exprimant ainsi.

Par ailleurs et pour la première fois depuis le début du projet, l’emplacement de plusieurs des principaux fossiles d’un site a été relevé au GPS afin tout simplement de pouvoir retrouver leur emplacement au cours des missions successives en raison de la crainte de déplacements du sable, qui ne se sont pas produits au moins jusqu’en mars 2002, date du dernier passage d’Alain Beauvilain à TM266. Faire un pointage précis de chaque fossile n’était pas utile car, chacun le sait, les GPS même en position stationnaire indiquaient une position en permanence variable dans un rayon d’une dizaine de mètres et, au fil des années les positions (en fonction du nombre de satellites ou de logiciels différents ??). Par ailleurs et en tout cas avant 2003, aucun chercheur en mission au Tchad n'a relevé une seule fois la position d'un fossile qu'il a collecté alors que deux GPS étaient à sa disposition.

Il est par ailleurs mal venu de faire de telles remarques lorsque dans des publications scientifiques les coordonnées mentionnées ne sont pas, ici, précises ou que, là, le choix des sites ne paraît pas judicieux à un observateur averti, où encore que ces coordonnées soient publiées de manière erronée.

La scène, une tombe ?, qui a été photographiée avec soin, est de dimensions bien inférieures à celles de ces variations. Les données GPS de la mission de juillet 2001 n’ayant pas été effacées ont été consultées pendant les congés d’Alain Beauvilain afin seulement de noter la dernière qui était celle de la position du crâne mis au jour sans que personne ne s’interroge sur le nombre et le pourquoi des données proches.

En conclusion, nous ne pouvons que regretter qu’aucun nouveau fossile d’hominidé n’ait pu depuis dix-huit ans être collecté dans le secteur fossilifère de Toros-Ménalla dans le Sahara tchadien. Il est difficile de penser que seule l’équipe emmenée par le géographe Alain Beauvilain était capable d’en trouver comme c’est ce même géographe qui a amené les équipes sur tous les sites où ont été découverts des Hominidés, dont certains sont toujours en attente de publication. La zone fossilifère est immense, il faut se mettre à l’ouvrage avec méthode.

Qualifié de préposé, puis de logisticien et maintenant d’«assistant de coopération» de l'ambassade de France au Tchad ou encore 'chercheur de la vingt-cinquième heure', Alain Beauvilain était en 2001, au sein du Ministère tchadien de l’enseignement supérieur, en service au Centre national d’appui à la recherche (CNAR), le ‘coordonnateur des activités paléontologiques en République du Tchad’. Herbert Thomas, sous-directeur honoraire du Laboratoire de paléoanthropologie et préhistoire au Collège de France, consacrant les dernières pages de son livre 'D'où vient l'homme ? Le défi de nos origines' (Acropole, 2005) à la découverte de Toumaï note bien qu' 'en ce début du mois de juillet 2001 Alain Beauvilain et ses coéquipiers ont apporté l'essentiel sans qui, sans doute, tout le reste n'aurait jamais été'.

Ce qu'il faut retenir de près de vingt ans de polémique stérile c'est que sans l'intervention du professeur Roberto Macchiarelli suite aux doutes et aux questionnements d'une étudiante de DEA, Aude Bergeret, le fémur aurait été détruit puisque l'étudiante avait été autorisée à le faire au moment où les enseignants-chercheurs du laboratoire étaient au Tchad pour filmer la découverte de Toumaï. Conséquence directe, en 2017 ces enseignants-chercheurs n'auraient pas essayé de trouver d'autres fossiles postcrâniens puisque depuis seize années il était répété qu'il n'y en avait pas malgré les déterminations faites sur le terrain au moment de leur collecte.