Toumaï, l'aventure humaine

Le crâne de Toumaï, vieux de plus de 6 millions d'années, tel qu'il était lors de sa découverte, et jamais présenté au public, coiffé d'une croûte de grès noirci par le manganèse (Photo Alain Beauvilain, droits réservés).

239 pages, 23 photographies
Prix 2003 de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer (prix Robert Delavignette).

Hommage de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, Prix littéraire de la Ville d'Yvetot.

LE FIGARO, 11 mars 2003,  page 26
DOCUMENT Le 19 juillet 2001, un Français et trois Tchadiens découvrent notre plus vieil ancêtre.
En exclusivité, extraits et photos de leur récit.

La vraie histoire de Toumaï

Fabrice Nodé-Langlois

Géochroniques
Bulletin de la Société Géologique de France et du Bureau de Recherches  Géologiques et Minières, juin 2004.

Toumaï, l’aventure humaine

Cette aventure, c’est avant tout celle de l’auteur, géographe travaillant en Afrique depuis trente ans, et qui a beaucoup œuvré pour la promotion des sciences naturelles au Tchad. Une grande partie de ce livre est consacrée à ses missions sur le terrain dans le milieu hostile du désert tchadien, confronté aux températures extrêmes, à la difficulté des déplacements, aux tempêtes de sable, aux défaillances du matériel. Malgré tous ces obstacles, la grande satisfaction que procure la découverte est souvent au rendez-vous, et Alain Beauvilain sait en parler sans emphase inutile.
Si l’aventure se termine plutôt mal pour l’auteur, ce n’est pas à cause d’un environnement inhospitalier, mais bien du fait de la nature humaine dans certains de ses aspects peu attrayants. Lorsque les recherches paléontologiques prennent leur essor au Tchad dans les années 1990 ­ et Alain Beauvilain a bien contribué à cet essor ­ notre géographe constate que la cohabitation avec certains paléontologues venus de France ne sera pas aussi aisée qu’elle le fut avec des géologues, lorsqu’il s’agissait d’explorer les volcans du Tibesti ou les cratères météoritiques perdus au milieu du désert. Lorsque les enjeux scientifiques montent avec la découverte de reste d’hominidés, l’atmosphère de travail se dégrade, alors que se font jour les abus de pouvoir, la discourtoisie, la manie du secret. Le 19 juillet 2001, lors d’une mission sur le terrain avec trois Tchadiens, l’un d’entre eux, Ahounta Djimdoumalbaye, étudiant en sciences naturelles, découvre le crâne bien conservé d’un archaïque hominidé, qui deviendra mondialement connu sous le nom de Toumaï (puisqu’une mode discutable veut qu’on donne des surnoms aux spécimens paléontologiques), et qui sera présenté comme le plus ancien représentant connu de la lignée humaine (même si d’autres interprétations ont été proposées). Les choses alors tournent vraiment mal, car en somme le crâne n’a pas été trouvé par les « bonnes » personnes. En quelque sorte le scénario de la découverte n’est pas celui qui était souhaité dans certains cercles de la paléontologie française. Alain Beauvilain découvre alors les aspects un peu sordides du petit monde de la paléoanthropologie il lui faudra subir vexations, pressions administratives (voire politiques), réécriture de l’histoire, le tout sur un fond de soif de pouvoir et de gloriole médiatique. Chacun sait que les scientifiques ne sont pas plus des saints que les autres hommes, mais ce récit laisse indiscutablement un sentiment de malaise Certains regretteront peut-être qu’Alain Beauvilain n’ait pas jeté un voile pudique sur une affaire qui manque vraiment d’élégance, mais il n’est pas inutile d’étaler au grand jour de tels comportements, connus du milieu scientifique, mais souvent ignorés du public. Et si d’aucuns se sentent critiqués à tort, rien ne leur interdit de présenter leur propre version des faits.
La presse nous apprend que des tentatives ont été faites pour que ce livre, qui décidément dérange, soit retiré de la vente.
Hâtez-vous donc de le lire, il est édifiant.

E. Buffetaut, docteur ès Sciences (paléontologie), directeur de recherches au CNRS.

Historiens et géographes, 2004, n° 386
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (A.P.H.G.)

Alain Beauvilain, géographe, docteur es-lettres et maître de conférences à Paris X-Nanterre, a séjourné vingt-quatre ans en Afrique centrale, où il a mené ses travaux de thèse et enseigné de nombreuses années à l’Université de Yaoundé. Au lendemain des troubles dans le Nord du Tchad et de l’affaire Claustre, il a participé aux côtés de chercheurs locaux et d’enseignants français en mission, au repérage et à l’étude des gîtes fossilifères révélés par l’érosion dans les sédiments anciens de la cuvette tchadienne jusqu’à la découverte de ‘‘l’homme de Toumaï’’ à l’origine de ce livre. Conçu comme un récit détaillant, presque au jour le jour, la patiente recherche des gisements et la collecte des pièces les plus intéressantes sans rien nous masquer des difficultés de la tâche en milieu désertique, l’ouvrage nous mène ainsi patiemment d’une campagne à l’autre jusqu’à l’événement qui devait, en juillet 2001, récompenser cette quête collective : la mise au jour d’un crâne complet d’australopithèque, Sahelanthropus tchadensis, à l’ouest du grand Rift africain !
L’ouvrage, abondamment illustré, se développe en quatre parties. La première, une cinquantaine de pages, relate ‘‘ la découverte de l’homme de Toumaï ’’, insiste sur les circonstances de celle-ci et rappelle les menues trouvailles qui l’ont préparée depuis la révélation en janvier 1995 d’ ‘‘ Abel ’’, Australopithecus barhelghazali, dans le nord du pays, un bon quart de siècle après la mise au jour en 1961, par Yves Coppens, du ‘‘ Tchadanthrope ’’. Vient ensuite un chapître un peu plus étoffé sur la ‘‘genèse des recherches’’, occasion d’évoquer la lente progression de celles-ci et les efforts d’accompagnement menés en parallèle dans la capitale pour ‘‘ valoriser le savoir acquis et le restituer aux autorités et à la population tchadienne ’’ (p. 60 à 149). C’est ensuite, en troisième partie, ‘‘ la recherche des parents ’’, soit un nouvel examen, plus approfondi, du site de la découverte en quête d’autres témoignages d’une présence humaine et de ‘‘ marqueurs biogéochronologiques ’’ en nombre satisfaisant avec, en conclusion, quelques éléments d’interprétation proposés par l’auteur qui, on doit s’en souvenir, n’est pas un spécialiste de paléontologie.
Et l’ouvrage s’achève sur une cinquantaine de pages où sont évoquées les retombées immédiates de l’événement, sur le plan local et international, ainsi que les efforts de l’équipe des inventeurs pour éviter de se trouver proprement spoliée de la propriété de sa découverte. Car l’histoire devient, à partir de là, assez rocambolesque et, face à un risque évident de captation de notoriété, on comprend mieux les raisons de la description minutieuse des campagnes de fouilles successives qui fait la matière du livre. Le but est de témoigner, en effet, aux yeux du monde, de la qualité de l’effort fourni et du rôle tenu dans la découverte du fossile d’hominidé ‘‘ le plus ancien ’’ par une équipe soudée de chercheurs obstinés ruinant ainsi, de l’aveu même d’Yves Coppens, le scénario de l’‘‘ East Side Story ’’ qu’il avait pu échafauder sur la foi des nombreux fossiles humains jusque là découverts en Afrique de l’est.

Jean-Claude MAILLARD (1936-2020), docteur ès Lettres (géographie tropicale), professeur émérite Université de Bordeaux III Michel de Montaigne