Parmi les nombreux résultats des recherches paléontologiques menées dans l'erg du Djourab il faut souligner la mise en évidence de dépôts éoliens fossiles. Sur plusieurs centaines de km2 ces dépôts affleurent ou sont à peine cachés par une mince épaisseur de sable. Après le balayage de ce sable, le sol pourtant bien plan apparaît strié. En quelques heures le vent peut alors mettre en évidence avec une grande finesse la différence de dureté des couches de ces dépôts. En surface apparaissent alors des structures feuilletées tel des ‘mille-feuilles’. Ces structures sont celles de dunes fossiles.
Les fossiles collectés sur ces dunes fossiles étant datés par la biochronolgie de 6 à 7 millions d'années, ces structures attestent que le désert était là avant cette date.
Surface de grès à stratifications à TM 152, décembre 2000. Photographie Alain Beauvilain, droits réservés.
Les orientations de ces mille feuilles sont fortement contrastées, les mille-feuilles s’imbriquant les uns dans les autres. Ces zones sont particulièrement riches en fossiles.
Comment expliquer la genèse de ces structures ?
"Une dune n'est pas un simple tas de sable sans structure interne. Sur le versant en pente douce, les jours de grand vent, les grains de sable de toutes tailles peuvent monter en roulant et, seulement dans ces circonstances-là, les plus gros. Ils retombent sur le versant en pente raide, à l'abri du vent, où ils vont constituer une couche qui se révèlera plus dure que les autres. Les jours de vent modéré, poussière, grains petits et moyens sont mis en mouvement et formeront une couche sans gros grains, plus tendre. Les jours de petit vent ….
Il en est ainsi aujourd’hui ; il en a été de même dans le passé. Ces 'mille-feuilles' apparaissent lorsqu’une coupe tronque les anciennes structures des dunes et permet à l’érosion éolienne de mettre en valeur les différences de résistance des couches, pour peu que ces anciennes dunes aient été mises à l'abri de l'érosion éolienne ou ... lacustre pendant des millions d’années."
Surface de grès à stratifications croisées à TM 291, octobre 2001. Photographie Alain Beauvilain, droits réservés.
"À TM 266 et tout autour, les témoignages fossilisés de formations dunaires sont nombreux et s’ajoutent à ceux que nous avions déjà notés sur plusieurs dizaines de kilomètres au cours des missions antérieures. Ces surfaces ont presque toujours livré de nombreux fossiles.
Ici et là, des placages argileux marquent le prolongement de bancs d’argile, observables plus loin. Ils caractérisent la présence d’anciens lacs. L’épaisseur de l’argile, dans laquelle se rencontrent de nombreux fossiles de poissons, donne une idée de la profondeur que des lacs ont pu atteindre à cet endroit. Les fossiles de mammifères marquent la limite de ces anciens lacs. Les hippopotames se trouveront davantage dans le lac alors que les hipparions, les gazelles, les rhinocéros blancs seront dans la savane, ou dans la prairie, au-delà de la zone amphibie, domaine de la forêt-galerie, des suidés, des anthracothères, des proboscidiens" (Alain Beauvilain, Toumaï, l’aventure humaine, La Table Ronde, Paris, 2003, p. 155).
Ces dépôts obliques sont constitués de sable clair, propre, peu cimenté, aux grains de quartz arrondis et bien triés. Ils sont caractéristiques de formations dunaires désertiques soumis aux directions de vents changeants. Aujourd'hui l'harmattan ce vent de saison sèche est diamétralement opposé à celui de la mousson qui en quelques jours peut faire faire demi-tour à de petites dunes et amollir les grandes dunes. Pour les orghourd (singulier ghourd, dune pyramidale, étoilée, dominante et formée par des convergences de siouf (sif au singulier, partie sommitale des dunes) ces vents accroissent la multiplication des directions. Aujourd'hui les premiers orghourd se rencontrent à faible distance dans le Bodélé tandis que le Djourab est le domaine des barkhanes.
Les vents d'aujourd'hui ont-ils les mêmes orientations saisonnières que ceux existant au-delà de 7 Ma ? L'Emi Koussi, sommet du Tchad et du Sahara avec ses 3417 mètres influe nettement sur l'orientation de l'harmattan (voir les scènes Google Earth) mais c'est un édifice volcanique récent dont l'activité ne s'est produite qu'à partir de 2,4 Ma jusqu'au Quaternaire récent. La circulation atmosphérique a pu également être modifiée par les différents épisodes glaciaires ou lors de l'assèchement de la Méditerranée (assèchement messinien) entre 5,96 et 5,33 Ma voire encore par les mouvements tectoniques qui ont rehaussés l'Afrique Orientale.
Surface de grès à stratifications croisées à TM 267, octobre 2001. Photographie Alain Beauvilain, droits réservés.
Les vastes surfaces sableuses planes, recouvertes d'une mince épaisseur de sable mobile, semblent avoir atteint un certain profil d'équilibre. En fait, sur l'itinéraire d'une barkhane, dans la zone centrale de son pied et en présence d'un fort vent, un violent tourbillon peut se former et agir comme un puissant aspirateur qui arrache le grès avec force.
Grès à stratifications en pied de dune à TM 290, octobre 2001. Photographie Alain Beauvilain, droits réservés.
Fréquemment de très beaux fossiles se trouvent à la surface de ces grès à stratifications. Ces fossiles ne sont pas en place, in situ, puisqu'ils ont descendus progressivement depuis des niveaux supérieurs au fur et à mesure que l'érosion les a décapés.