Les Proboscidiens ('éléphants') au temps d'Abel et de Toumaï

Parmi les milliers de fossiles mis au jour, inventoriés et conservés au CNAR (Centre National d'Appui à la Recherche devenu CNRD, Centre National de Recherche pour le Développement), les plus spectaculaires sont ceux des proboscidiens ('éléphants') anciens. La thèse du Docteur Mackaye Hassan Taïsso, 'Les Proboscidiens du Mio-pliocène du Tchad : biodiversité, biochronologie, paléoécologie et paléobiogéographie' soutenue le 9 novembre 2001 auprès de l'Université de Poitiers, donne une description détaillée des fossiles, révèle la biochronologie et la paléoécologie des sites, et la paléobiogéographie des genres et espèces mis au jour.
De 1994 à 2001 (date de soutenance de cette thèse), la Mission Paléontologique Franco-Tchadienne a permis la mise au jour d'un ensemble de restes de proboscidiens se rapportant à seize espèces dont six nouvelles. L'ensemble forme une collection parmi les plus riches du continent africain.

Chapître III Biochronologie, Paléoécologie, paléobiogéographie.             Conclusion générale et bibliographie.             26 planches hors-texte.

Les photographies de cette page montrent 'in situ' quelques uns des fossiles de ces planches et, dans le champ visuel au-delà du fossile, le contexte géographique des recherches paléontologiques dans le Djourab, au cœur du Sahara tchadien.

En janvier 1994, dès la première mission, le site de KT8 révèle la richesse du Djourab en fossiles de proboscidiens. Sur ce même site se côtoient des dents parfaitement conservées d'Elephas recki et de Loxodonta africanavus.
(Photographie noir et blanc de François Beauvilain, photographies couleur d'Alain Beauvilain).

Elephas recki, voir thèse H.T. Mackaye, planche 25
(photographie Alain Beauvilain, droits réservés)

Loxodonta africanavus, voir thèse H.T. Mackaye, planche 23
(photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

Ce sont les sites de Kollé, prospectés de 1996 à 2000, qui offrent les fossiles les plus spectaculaires : défenses nombreuses et de grandes dimensions, os des membres, vertèbres, omoplates, dont l'intérêt scientifiques réduit laisse la place à un intérêt muséographique. Documents scientifiques déterminants, les dents sont heureusement nombreuses, avec des mâchoires complètes et souvent parfaitement conservées.

Les fossiles collectés en surface sont souvent encroûtés dans un ciment fortement coloré par le manganèse. Ceux mis au jour 'in situ' dans le grès ne sont pas encroûtés. Pour les fossiles en partie en surface et en partie pris dans le sédiment, seule la partie en surface est encroûtée. C'est une constante sur tous les sites fossilifères du Djourab. (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

KL6, janvier 1998 : mise au jour d'une défense. (photographies Alain Beauvilain). En janvier 1998, une belle défense du site de KL6 est soigneusement dégagée afin d'être acheminée à N'Djaména. Une main anonyme a, dans le passé, déplacé des éléments de cette défense. Sur ce secteur de Kollé, nous avons constaté en deux endroits des empilements de fragments de défense, comme les forestiers le font avec des bûches dans les forêts. Les nomades ne sont pas indifférents à ces pierres ressemblant à des os. Certains nous ont confiés que leurs enfants pouvaient jouer avec.

Cette défense a été exposée dans la salle de paléontologie du Musée national tchadien (ancien musée) ouverte en 1999. (photographie Alain Beauvilain).

KL12, janvier 1998, molaires de Stegodon kaisensis (voir thèse H.T. Mackaye, planche 9). (photographie Alain Beauvilain, droits réservés)

Les nombreux fossiles de dents de proboscidiens des sites de Kollé ont permis de déterminer huit espèces différentes (Anancus kenyensis, Anancus osiris, Loxodonta nov. sp. B, Loxodonta africana, Primelephas korotorensis, Selenetherium kolleensis, Stegodibelodon schneideri, Stegodon kaisensis), dont deux nouvelles, et six genres (Anancus, Loxodonta, Primelephas, Selenetherium nov. gen., Stegodon, Stegodibelodon), dont un nouveau. L'ensemble fournit des données scientifiques précieuses tant pour les deux espèces nouvelles que pour celles déjà connues.

KL5, janvier 1999 : mise au jour d'un maxillaire, puis d'une mandibule et enfin d'un fémur d'un Stegodon kaisensis 'stade Warwire'.
(photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

Des fossiles fondamentaux sur le plan scientifiques sont mis au jour quasi quotidiennement comme ici en janvier 1999 cette mâchoire complète (maxillaire ci-dessus, mandibule ci-dessous) d'un Stegodon kaisensis 'stade Warwire' (planche 8 de la thèse de H.T. Mackaye, qui dirige la mise au jour). (de gauche à droite, Fanoné Gongdibé, Hassan Taïsso Mackaye, Ahounta Djimdoumalbaye et Kaffou Way Warou).

Bien que parfaitement conservés, les grandes dimensions de ces fossiles les rendent fragiles pour un transport sur près de six cents kilomètres de piste. C'est pourquoi ils sont soigneusement emballés, y compris par la réalisation d'un plâtre. (Ahounta Djimdoumalbaye à gauche, Hassan Taïsso Mackaye à droite, photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

Le fémur, emballé et transporté avec soin, rejoint à N'Djaména la défense dans la nouvelle salle de paléontologie du Musée national tchadien (ancien musée)
(photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

KL, affleurement d'une colonne vertébrale de proboscidien en 1996 et en 1999. Les sites de Kollé recèlent encore un potentiel fossilifère très important, notamment en proboscidiens. L'exemple suivant est révélateur. Dès 1996 une séquence de colonne vertébrale est reconnue. Sa partie externe, encroûtée, est arasée par le vent tandis que, à proximité, d'autres fossiles de grandes dimensions émergent du grès. Ils ne présentent guère d'intérêt et le grès est trop dur pour qu'une fouille soit entreprise. Le site est néanmoins suivi à chaque mission. Par ailleurs, à peu de distance, la tentative de prélever un beau fémur placé en position verticale est abandonnée au bout d'une semaine, la fouille n'ayant dépassé que de peu la moitié du fémur. (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

KL, 17 juillet 2000, mise au jour d'une défense. Le passage le 17 juillet 2000, lors d'une mission consacrée au prélèvement de sédiment pour en extraire les micro-fossiles, montre l'affleurement d'une belle défense à proximité immédiate des vertèbres. Son extraction est aussitôt entreprise à des fins muséologique puis abandonnée lorsqu'il est constaté que l'extrémité de la pointe est absente. Le travail est alors rendu aisé par l'abondante pluie du 14 juillet qui a ameubli le grès au point que les roues des véhicules laissent la marque de leur passage. De nombreux os de ce proboscidien, dont la mâchoire complète, sont très certainement encore dans le grès. Il en est ainsi dans la plupart des sites fossilifères du Djourab. (Fanoné Gongdibé est seul sur la photographie ci-dessus, avec Ahounta Djimdoumalbaye sur la photographie ci-dessous ; photographies Alain Beauvilain, droits réservés)

La zone dite de Toros-Menalla, qui forme une bande orientée ouest-est longue de près de cent cinquante kilomètres sur vingt de large, a fourni également de très beaux fossiles sur des sites dispersés. Au total, des fossiles de neuf espèces, (Anancus kenyensis, Anancus petrocchii, Deinotherium nov. sp., Loxodonta nov. sp. A., Loxodonta nov. sp. C,, Primelephas korotorensis, Stegodon nov. sp. A, Stegodibelodon schneideri, Stegotetrabelodon syrticus), dont quatre nouvelles, appartenant à sept genres (Anancus, Deinotherium, Loxodonta, Primelephas, Stegodon, Stegodibelodon, Stegotetrabelodon) ont été mis au jour. Cette zone de Toros-Menalla n'a été parcourue de janvier 1997 à mars 2002 que par des missions nomades réduites à deux véhicules, une Nissan Patrol du projet CAMPUS Les variations et les aléas climatiques au Tchad et un pick-up Toyota de la MPFT en janvier 1997 puis les deux pick-up Toyota de la MPFT

TM29, mise au jour d'une demi-mandibule gauche d'Anancus petrocchii présentant la rangée dentaire M/2-M/3, novembre 1997.
(voir Thèse H.T. Mackaye, planche 5 ; (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

TM56, 8 février 1998, squelette sub-complet d'un Stegotetrabelodon syrticus. (clichés Alain Beauvilain). Le fossile, dont la croûte a été en grande partie décapée par les vents de sable, est comme souvent en grande partie en contre-bas d'un talus orienté au nord-est face aux vents dominants. Le squelette était au-dessus du niveau d'aplanissement du haut du talus et est descendu avec l'érosion. Par sa résistance à l'érosion, il forme de micro-buttes témoin. (photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

TM56, 8 février 1998, M/3 gauche (ci-dessus) et M/3 droite (ci-dessous) d'un Stegotetrabelodon syrticus (thèse H.T. Mackaye, planche 10 ; (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

Quatre dents ont été collectées en février 1998 et quatre autres, plus usées, en décembre 2000, le vent ayant suffisamment dégagé le sédiment gréseux pour les faire apparaître en presque trois années. Toutefois, bien que les Stegotetrabelodon possèdent quatre défenses, deux au maxillaire, deux à la mandibule. Il n'en a pas été trouvées. Cela reste peut-être à faire....

TM56, 8 février 1998. À l'exemple de Moussa Salé (prospecteur à compter de novembre 1997, photographie ci-dessus) et de Mahamat Oumar (chauffeur-mécanicien et prospecteur depuis mars 1996, photographie ci-dessous), les 'petites mains' du projet ou 'les combattants de la science' (selon l'expression de Moustapha Djarab dans la fournaise d'avril 1998), comme les scientifiques, sont heureux et fiers que leurs efforts contribuent à l'avancée du savoir et à la valorisation de leur pays (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

TM88, février 1999, mise au jour de deux rangées dentaires P3/-M3/ gauche et droite d'un Deinotherium nov. sp. A sur deux fragments de maxillaire. Le bonheur est encore plus grand lorsque le chercheur en charge des proboscidiens découvre et dégage lui-même les premiers fossiles de deinothère mis au jour par le projet. De plus, en place dans le sédiment et donc non encroûtés, ces fossiles d'une nouvelle espèce dans ce genre sont parfaitement conservés. (de gauche à droite Hassan Taïsso Mackaye, Mahamat Oumar, Mahamat Adoum ; photographie Alain Beauvilain, droits réservés).(thèse H.T. Mackaye, planche 1).

TM127, squelette partiel de Stegodibelodon schneideri, janvier 2001 (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

TM127, mandibule sub-complète de Stegodibelodon schneideri. Janvier 2001. Thèse H.T. Mackaye, planche 13.
De gauche à droite Fanoné Gongdibé et Likius Andossa (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

TM127, mandibule sub-complète et M3/ droite et gauche de Stegodibelodon schneideri. Janvier 2001. Thèse H.T. Mackaye, planche 13.
(photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

voir aussi la photographie de la mandibule de Stegodibelodon schneideri conservée dans la Galerie de paléontologie du Muséum national d'histoire naturelle de Paris, collectée en 1965 par Yves Coppens sur ce qui deviendra le site TM9.

TM266, 19 juillet 2001, molaires d'Anancus kenyensis repérées par Mahamat Adoum. (Mackaye et al., New material of Anancus kenyensis...). Fossiles encore partiellement encroûtés et apparemment en place à près de cent trente mètres et en contrebas d'environ deux mètres de Sahelanthropus tchadensis, (photographie Alain Beauvilain, droits réservés).

Octobre 2001, P3 droite d'un Deinotherium issue du site TM 271. (photographies Alain Beauvilain, droits réservés). Cette dent (et les huit autres) sont issus d'un même parallélépipède de grès d'une trentaine de m3 situé à cheval sur la bordure d'un talus. Après une première dent collectée sur le sable, le passage répété sur le site (situé en ligne droite à 1800 mètres de la mise au jour de Sahelanthropus tchadensis et à près de vingt kilomètres du site de TM88 qui a livré en février 1999 Deinotherium nov. sp. A) a permis l'observation des fracturations successives du bloc de grès en blocs de plus en plus petits jusqu'à sa disparition totale tandis que des dents de déinothère étaient progressivement mises au jour. Elles sont dans un état impeccable, sans encroûtement comme attendu à l'exception de la présence partielle sur certaines d'un ciment blanc très dur qui se retrouve sur d'autres fossiles d'autres sites. Par contre il n'a pas été trouvé de défenses qui chez les deinothères sont les incisives de la mandibule et qui sont courtes et recourbées vers le bas. Les déinothères sont les troisièmes plus grands mammifères terrestres connus qui aient jamais existé.

TM266, octobre 2001. En attendant que la mer monte, repos sur la plage avec la satisfaction du travail bien accompli. Pour le château de sable, descendre de la dune pour retrouver le sable humide du 'forage' réalisé avec Philippe Duringer. (photographie Philippe Duringer).

P.S. : le travail n'est jamais fini, la preuve, ci-dessous, cette molaire de déinothère collectée le jour suivant. Reste à trouver tant à TM88 qu'à TM271 les défenses....

Octobre 2001, M1 droite d'un Deinotherium issu du site TM 271 (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).

Octobre 2001, rangée dentaire droite complète d'un Deinotherium issu du site TM 271. (photographies Alain Beauvilain, droits réservés).