Djourab, cabinet de curiosités,
les empreintes de pas ou ichnites.

Le Sahara est l'un des grands livres de l'histoire de notre planète, la Terre.
Toutefois, de ce livre, l'alizé du nord-est, appelé harmattan, en tourne ici inlassablement les pages. Le Djourab est l'une des régions où son pouvoir érosif est le plus fort car ce vent, qui peut être violent, s'y arme de grains de sable. Les voisins du Djourab, Pays Bas de la dépression du Borkou et Bodélé, forment la région du monde qui émet le plus de poussière. Ainsi la falaise de l'Angamma, où le dénivelé atteint la centaine de mètres, a été formée par érosion éolienne en une dizaine de millénaires.
Malheureusement l'harmattan ne se contente pas de tourner les pages de ce grand livre. Il les ouvre puis les efface soigneusement. Autrement dit pour lire toutes les pages d'une histoire qui s'étire sur au moins une dizaine de millions d'années, il faudrait y installer une veille permanente. Les paléontologues aujourd'hui déchiffrent certaines écritures d'un alphabet très particulier car constitué de fossiles. Ici constitués de silice, ces fossiles savent résister au temps descendant en suivant l'érosion des couches géologiques. D'autres écritures sont bien plus fragiles disparaissant rapidement et à jamais. Il faut alors les saisir dans l'instant où elles se découvrent.
Très localement, parmi les animaux qui ont été fossilisés, certains de leurs contemporains ont laissé leurs empreintes, celles de leurs pas. Bien sûr, ce n'est pas Laetoli... mais personne n'a cherché à ce que cela le soit.

Ainsi ces structures sédimentaires en forme de galettes de diatomite compactée dans les couches du Miocène supérieur. Chaque galette a quelques centimètres de haut. Ces structures sont interprétées comme étant des empreintes de pas de grands vertébrés, le tout formant une piste de locomotion. (Mathieu Schuster, Sédimentologie et paléoécologie des séries à vertébrés du paléolac Tchad depuis le Miocène supérieur. Thèse, université Louis-Pasteur, Strasbourg, 2002, 152 pages, p. 30). Au lointain, apparaît un amas de fossiles. (Photographies octobre 2000, Alain Beauvilain, droits réservés).






A partir de 2001, des scientifiques des Émirats Arabes Unis ont étudié plusieurs ensembles d'empreintes de pas que la population locale attribuait à des dinosaures. Il s'agit en fait de traces de pas de proboscidiens qui appartiendraient à des Stegotetrabelodon syrticus emiratus. Ces empreintes sont conservées sur un grand affleurement calcaire entre les dunes de sable. La piste la plus importante, regroupant treize pistes parallèles avançant dans deux directions opposées, mesure environ 170 m de long. Elles traversent celle (290 mètres de long) d'un gros individu passé précédemment à une date évidemment non déterminable. De très nombreux articles, films et sites internet traitent de ces empreintes. Leur intérêt pour l'étude du comportement social des Stegotetrabelodon est important. (voir aussi en Éthiopie les  Fossil Trackways of the Baynunah Formation).

Cet amas est constitué par les restes laissés en place d'un Stegodibelodon schneideri (Il y en avait deux. Une grande partie du squelette du premier a été prélevée par Yves Coppens fin 1965 et sa mandibule est exposée dans la Galerie de l'évolution au Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Ce qu'il en reste sur place est au second plan de la photographie ci-dessous (voir Tchad, parmi les fossiles du Djourab). (Photographies octobre 2000, Alain Beauvilain, droits réservés).

La défense supérieure de ce second individu "montre une légère courbure ; elle accuse 1,66 m en projection et 1,82 m en développement ; elle a 155 mm de diamètre à la base" (Yves Coppens, Compte-rendus Académie des Sciences de Paris, Série D, 1972, page 2964).

Ailleurs d'autres empreintes sont en creux.

En effet, en janvier 2001, avec Cécile Blondel et Laurent Viriot, nous avons eu le bonheur de trouver de très nombreuses empreintes de divers mammifères. Leur densité et le fait que ces empreintes indiquent deux directions diamétralement opposées paraissent indiquer une voie de cheminement vers un point d'eau. (Photographies janvier 2001, Alain Beauvilain, droits réservés).

D'orientation pratiquement sud-nord, cette voie est étroite, une quinzaine de mètres de large. Il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, sur son côté est, les traces disparaissent rapidement, effacées par l'érosion éolienne, tandis que sur son côté ouest elles disparaissent sous le terrain sédimentaire que l'érosion n'a pas encore dégagé. Cela aurait été une action à suivre et à documenter pleinement. Tel n'a pas été le choix fait par certains paléontologues.

De retour dès février 2001, après avoir acquis un plâtre extrêmement fin, Fanoné Gongdibé a pu choisir et entreprendre le moulage de deux de ces empreintes. (Photographies février 2001, Alain Beauvilain, droits réservés).

Photographies février 2001, Alain Beauvilain, droits réservés.