Musée national tchadien,
la salle de paléontologie
Le Musée national tchadien a occupé de novembre 1964 à 2010 une belle villa coloniale qui fut l’une des premières résidences des gouverneurs du Tchad avant de devenir la mairie de Fort-Lamy. Son plan est typique avec un péristyle et des arcades pour protéger les pièces habitées de la chaleur. Le bâtiment, qui existe toujours, est l’un des derniers monuments historiques de N’Djaména.
Depuis 2010 le Musée national tchadien occupe un bâtiment moderne, spacieux situé face au Palais du 15 janvier qui abrite l’Assemblée nationale.
L'état du musée en 1985 est celui-ci : "l'état actuel du musée est tragiquement lamentable. Situé dans l'une des zones où les combats ont longtemps fait rage, le bâtiment porte toutes les traces de mois de bataille. Aux impacts des balles, innombrables, aux brèches nombreuses, au toit crevé, s'ajoute le spectacle désolant de salles pillées où restent quelques objets oubliés, quelques panneaux explicatifs et poussiéreux (et dépassés), quelques vitrines modernes, insolites (mais vides) dans ce cadre vieillot et dévasté. On retrouve et devine la destination des salles : préhistoire, protohistoire, paléonthologie, ethnographies régionales, etc. mais plus à l'état de souvenirs à travers quelques photos jaunies des fresques du Tibesti, quelques instruments de musique , armes , costumes, squelettes d'animaux, etc." Sauvegarde du patrimoine culturel national par Charles Nugue, Rapport technique, UNESCO, décembre 1985.
Au milieu des années 1990, si le bâtiment avait été remis en état il ne restait quasi rien des importantes collections fruits des travaux des époux Lebeuf et de leurs équipes tchadiennes, alors que le colonel Chapelle était le directeur adjoint de l’Institut national tchadien des sciences humaines et le conservateur du musée. Les pièces les plus intéressantes de ces collections avaient été largement pillées lors de la guerre civile et ‘exfiltrées’ par des connaisseurs hors du continent en passant par Kousseri.
Le Musée national tchadien en 2011 (capture d'écran).
1996, quelques fossiles très récents, déposés 'en vrac', faisaient partie des objets exposés, dont cette mandibule d'Hexaprotodon (un hippopotame) (cliché Alain Beauvilain, droits réservés).
1996, des carcasses d'animaux de grande taille, témoignages bien expressifs de la riche nature tchadienne, éléphant, hippopotame, girafe, étaient montées sous les arcades (cliché Alain Beauvilain, droits réservés).
Dans la cour, des bâtiments abritaient les Archives nationales.
Aussi après la réussite du Jardin scientifique et le succès des premières missions paléontologiques dans le Djourab, il paraît possible d'y réaliser une salle consacrée à la paléontologie dans les mêmes conditions de financement, c'est-à-dire en faisant appel au mécénat. Toutefois, il ne s’agit plus de demander à diverses sociétés de fournir gracieusement leurs services mais de trouver l’argent nécessaire pour acquérir les équipements devant abriter de précieux fossiles originaux avec un maximum de sécurité. Des vitrines au verre épais sont coûteuses.
L’objectif étant d’abriter un patrimoine prestigieux, avec le docteur Abakar Adoum Haggar il nous paraît que motiver les quelques banques de la place sur un projet sérieux et valorisant est réalisable. Je commence donc les prospections par la BTCD, filiale de la Société Générale, pour présenter le projet. Son directeur est séduit et s’engage à y prendre part. Visiblement le directeur du CNAR m’avait préparé le terrain. Les autres banques s’associeront sans hésiter à ce projet y trouvant à juste titre un motif de fierté nationale. Reste à trouver une société en mesure de s’investir dans ces travaux. La société ITRALU et son directeur Jean-François Salgues s’engagent à les réaliser au prix de revient des matériaux.
L’accord du ministère de la Culture est obtenu et les travaux vont pouvoir être engagés. Ils s'achèveront en 1999 alors que le CNAR est dirigé par le docteur Baba Elhadji Mallah.
Dès l’origine du projet, il semble fondamental que le fossile du Tchadanthropus uxoris soit abrité dans cette salle du musée car si l’intérêt scientifique de cette pièce est fort relatif le Tchadanthropus fait partie incontestablement de l’histoire du Tchad. Son retour au pays était un argument très sensible dans la présentation du projet auprès des directeurs de banque, les recherches paléontologiques en cours devant encore faire leurs preuves.
Malheureusement à son courrier au professeur Yves Coppens, le docteur Abakar Adoum Haggar reçoit fin mai 1996, à en-tête du Collège de France, une réponse qui l'étonne. Il en prend acte et répond à la mi juin 1996. Il n'aura ni de retour épistolaire, ni de retour de fossile. Fort heureusement, le professeur Brunet obtiendra une copie du Tchadanthropus. Ultérieurement une interview d’Yves Coppens par RFI nous apprendra que ledit fossile est tout simplement conservé dans le bureau de ce professeur.
Dans un musée de quatre pièces nous allons disposer de la plus grande, l'ancienne salle des mariages et ancien salon des gouverneurs. Il faut donc bien choisir les fossiles à exposer... et qui ne sont pas encore trouvés ! L’ambition étant de s’adresser aux scolaires, il apparaît opportun de choisir dès le terrain des pièces de taille imposante pour marquer les esprits.
6 février 1998, Fanoné Gongdibé initie le dégagement d'une défense de Proboscidien (cliché Alain Beauvilain, droits réservés) (voir aussi cette autre photographie).
Au Musée si les démarches et les travaux de préparation de la salle prennent quelque temps, cela permet de trouver le 6 février 1998 une très belle défense in situ. Visiblement nous ne sommes pas les premiers car quelques ‘bûches’ ont été entassées et un petit monticule de débris de grès est tout proche. C’est d’ailleurs la seconde fois que sur les sites de Kollé je trouve un tel arrangement. Je vois tout de suite l’usage qu’il est possible d’en faire. Sa structure paraît bien fragile. Mesurant 5,8 mètres la défense est déjà fractionnée en plusieurs éléments qui ne demandent qu'à éclater. Elle aurait donc du mal à être acheminée par la piste sans plus de brisures. Fort heureusement, un vol de Transall était programmé pour les jours suivants.
Mahamat Oumar, par ailleurs excellent chauffeur-mécanicien, va s’atteler à l’extraire du grès. L’opération est à la fois délicate et ardue car le grès sec est dur comme du béton. D’ailleurs à proximité, ‘l’extraction’ d’un fémur d’éléphant, observé en position verticale, a été abandonnée après plusieurs jours de travail (cliché Alain Beauvilain, droits réservés) (voir aussi cette autre photographie).
Bien emballés et placés dans des cantines, la défense peut partir en toute sécurité pour le CNAR en profitant d’un vol de Transall de l’Opération Epervier (clichés Alain Beauvilain, droits réservés).
Confiée aux bons soins de la société ITRALU, son directeur, Jean-François Salgues, va mettre toute sa motivation et son talent pour la consolider, la reconstruire et la positionner (cliché Alain Beauvilain, droits réservés) (voir aussi cette autre photographie).
L’année suivante, le 18 février 1999 sur le site de KL5, un superbe fémur de Proboscidien in situ en position horizontale, est mis à son tour au jour (cliché Alain Beauvilain, droits réservés). Hassan Taïsso Mackaye, alors doctorant préparant une thèse sur les Proboscidiens, assure son dégagement et fait ses premières observations. Son existence est apparue lors des travaux de dégagement tout proche d'une mandibule complète d'un Stegodon kaisensis 'stade warwire' (planche 8), une pièce exceptionnelle qui sera plâtrée pour son transport. La défense doit appartenir à ce même animal.
Ce fémur bénéficiera aussi d’un vol de Transall à la fin des missions de l’année et rejoindra la salle du Musée.
Naturellement la copie de Tchadanthropus uxoris est placée dans une vitrine (voir aussi cette autre photographie) ainsi que différents autres fossiles avec le souci de montrer les différences entre espèces au sein d'un même genre : série de dents de Proboscidiens, crocodiles à museau court et à museau long,
TéléTchad réalise un petit film pour son émission du samedi après-midi, 'Salut les enfants', destinée à la jeunesse (copie écran).
et de très nombreux membres du corps diplomatiques comme ici, en mars 2002, les ambassadeurs de trois pays arabes et leurs conseillers.