Les Services de Renseignement et d'Action


Les Services de Renseignement et d'Action

un extraordinaire exemple de citoyenneté,

par le Baron Roger Coekelbergs, Capitaine ARA réseau Luc-Marc,

Président national de l'asbl RUSRA-KUIAD vzw

1.- Les débuts

28 mai 1940, la capitulation. Le pays est plongé dans un climat de tristesse et de découragement. A nouveau, c’est l’occupation allemande et pour combien de temps encore.

La plus grande armée jamais réunie dans notre pays est détruite. Des colonnes de prisonniers de guerre partent vers l’Allemagne. Dans le sud de la France, le sort de millions de réfugiés est incertain et inquiétant.

En Belgique, les secrétaires généraux, successeurs de nos ministres adoptent une politique du moindre mal qui les amène sans arrêt à de nouvelles concessions vis-à-vis de l’occupant.

L’avenir est sombre. Et pourtant tout espoir n’est pas perdu. D’Angleterre filtrent les premières informations. Le gouvernement belge en exil s’est engagé avec les alliés à combattre jusqu’au bout.

Au-dessus de la Manche, une formidable bataille aérienne est gagnée par la R.A.F. (Royale Air Force). Hitler a définitivement perdu tout espoir de débarquer en Angleterre. Les américains finiront bien un jour par intervenir.

Le 11 novembre 1940 voit naître les premières manifestations anti allemandes. Les premiers journaux clandestins s’annoncent timidement. Les premiers prisonniers Belges et Juifs découvrent l’enfer de Breendonk. Beaucoup se lèvent, prêts à combattre l’oppression, gens ordinaires, simples citoyens décidés à se surpasser.

Au début, l’amateurisme est évident et conduit à de nombreuses arrestations, même à des condamnations à mort. On recherche la liaison avec Londres. Le mot « Intelligence Service » est un mot magique, un but à atteindre.

Sans arrêt se forment de nouveaux groupes, les futurs réseaux. Ils rassemblent des renseignements sans très bien savoir comment les envoyer à Londres, problème que la Sûreté de l’Etat se charge de résoudre. Ainsi nait et se développe l’armée de l’ombre des services de renseignements, une partie des forces résistantes et combattantes qui, à la Libération, permettent au gouvernement belge de s’asseoir à la table des vainqueurs.

2.- Les Agents de Renseignement et d’Action : qui étaient-ils ?

Hommes, femmes, adolescents, ils viennent de toutes les classes sociales, de partout dans le pays. Toutes les professions, toutes les opinions sont présentes. Intellectuels, ouvriers, agriculteurs, croyants, non croyants, unis dans la solidarité du combattant. Je ne parlerai pas de patriotisme mais d’un profond désir de liberté, de chasser l’occupant, de se retrouver chez soi sans inquiétude. Un sentiment qui les rapprochent, égaux dans le danger, le sacrifice et pour certains, même la mort.

Plus que l’amitié, une identité profonde les unit dans le respect de l’autre. Il faut faire quelque chose. Ayant personnellement vécu la tourmente, les souvenirs se pressent en moi : d’abord ceux qui y sont restés, arrêtés, fusillés et même décapités, et puis les autres. Nous nous connaissions sous nos noms d’emprunt. Nos identités mutuelles étaient très souvent volontairement cachées, sécurité oblige.

Immédiatement après la guerre, lors de réunions du souvenir, organisées par la Sureté de l’Etat, quel plaisir de nous découvrir l’un ou l’une et l’autre. Je me souviens avoir recherché un agent féminin de premier plan opérant remarquablement dans notre réseau. On l’appelait « Mercure ». Je la retrouve et découvre la baronne de Heusch, née Anne-Marie Vandenbosch Sanchez de Aguilar. Que ceci me permette, outre à mes amis disparus, de rendre un vibrant hommage à ces combattantes de l’ombre, hélas trop souvent oubliées.

3.- Un peu d’histoire et quelques statistiques

Conscient de l’ampleur du mouvement qui se développe dans le pays occupé, Ganshof Van der Meersch, Haut-commissaire à la Sûreté de l’Etat durant la guerre a l’idée de le légaliser. Il est à l’origine des Services de Renseignement et d’Action (S.R.A.), appellation qui identifie les réseaux en pleine croissance, et peut-être aussi le plus formidable rassemblement citoyen de notre histoire.

Leurs membres, Agents de Renseignement et d’Action (A.R.A.) majoritairement des amateurs, sont de simples civils, ainsi que des militaires ayant échappé à l’emprisonnement en Allemagne, ou des réfractaires ayant évité toute sorte de réquisition de la part de l’ennemi.

Après la guerre, la Sûreté de l’Etat est chargée des enquêtes préalables à la reconnaissance du titre de A.R.A. Il faut justifier une participation active, continue et importante à l’action clandestine.

Sans être intégrés dans l’armée, les A.R.A. sont légalisés comme « militaires ». Leur temps de présence au combat est reconnu « service au front ». Plus de 50.000 dossiers sont ouverts : 129 services ou réseaux, 18.716 A.R.A. reconnus dont 5.266 avec un « grade militaire » (1.539 officiers et 3.727 sous-officiers), 13.450 sont reconnus comme « auxiliaires », 10.000 « occasionnels » reçoivent une « lettre de remerciements ». 4.000 Agents ont été arrêtés et 1.817 reconnus « à titre posthume » car morts au Champ d’Honneur, Enfin, les Agents partis de Grande Bretagne sont au nombre de 297 dont 286 parachutés.

L’association regroupant les A.R.A. est fondée à Bruxelles le 30 septembre 1945. Elle devient « Royale » le 25 février 1998. La Royale Union des Services de Renseignement et d’Action regroupe actuellement les rares survivants A.R.A., les veuves et orphelins des A.R.A. et les sympathisants qui se reconnaissent dans ce mouvement citoyen. L’association est nationale et porte le nom de « asbl RUSRA-KUIAD vzw ».

4.- L’avenir : que voulons-nous ?

Au-delà du souvenir que nous souhaitons cultiver par devoir de mémoire, nous voulons faire revivre cette armée de citoyens que sont les A.R.A. et aller les chercher parmi leurs descendants et bien naturellement les sympathisants.

Animés du respect de l’autre, du sens du compromis et prêts au sacrifice nécessaire, ils sont les défenseurs de la démocratie, ennemis et à l’affût de toute forme d’extrémisme. Le citoyen est le pilier de la démocratie. Il choisit ses dirigeants, les encourage ou les sanctionne suivant le cas. Ne l’oublions jamais, le jour où le citoyen dérape, l’état, les finances, la justice sont condamnés à l’oubli et à perdre leur sens.

En collaboration avec la Sûreté de l’Etat, nous réunir, nous concerter, identifier les problèmes tant au niveau local, national ou même planétaire, en parler, si possible rechercher des solutions, voilà notre programme. Colloques, contacts personnels et ouverture à l’information, tel est notre mode d’emploi.