PLAIDOYER POUR UNE ECOLE NOUVELLE
Plaidoyer pour une nouvelle donne scolaire
A la suite des travaux de la commission chargée de la « refondation de l’école, je me permets quelques remarques concernant le contenu de ce rapport affligeant par ailleurs.
Refonder l’école ne serait-ce pas redonner à l’école son sens premier et donc retrouver les fondements et les fonctions propres à cette institution ? les difficultés des apprenants ne sont-elles pas gommées au nom d’une idéologie ? les moyens pour lutter contre l’échec scolaire ne sont-ils pas des leurres du fait d’une non réflexion sur les statuts des élèves et les moyens en formation des enseignants ?
Quelle est la fonction première de l’école :
Permettre à tout individu de s’approprier les savoirs propres à vivre dans une société, puis à lui permettre d’évoluer harmonieusement dans celle-ci, de lui permettre d’intégrer également les changements qui tout au long de sa vie modifieront ses habitudes , ses comportements, ses rapports aux savoirs, ses rapports aux autres.
De cette définition découlent des objectifs opérationnels qui se déclinent tout au long de la vie : ce sont des études et des formations qui amèneront à l’adaptabilité de la personne ; ces objectifs de deux ordres : transversaux et spécifiques se segmentent traditionnellement entre les divers ordres d’enseignement et la formation continue, parfois sous forme d’approfondissement, parfois sous forme de nouvelle approche, parfois encore sous forme de découverte, mais aussi sous forme de base qui se dilue au fil du temps.
Quelles sont les fonctions adjacentes de l’école ?
Le terme adjacent étant pris ici au sens de conséquences induites par les apprentissages développés, je pense que l’instruction et l’esprit critique développés précédemment auront une influence sur la société, on note actuellement l’implication de l’école dans le respect de l’environnement, dans la notion de développement durable, mais également dans la connaissance du Code de la route, de la connaissance de son corps. Cependant les pans éthique et morale , sens du travail, de l’effort, de l’implication dans la société sont vus au travers de prismes étroits voire déformants, pollués par les modèles économiques développés, par la primauté du gain , par la médiatisation d’éléments dramatiques ou frauduleux , par l’usage immodéré de recherches contestables sur internet, par l’attrait de jeux de rôle ou de jeux d’arcades dans lesquels l’individu n’est plus que virtuel, la prise risque n’étant plus une variable d’ajustement
LES BASES DE L’ECOLE PRIMAIRE : les raisons de l’échec
LIRE, ECRIRE, COMPTER sont les bases qui permettront à tout individu d’acquérir une certaine autonomie
Apprendre à lire est une tâche extrêmement difficile , l’enfant doit apprendre à décoder des symboles , des signes, à les assembler et doit leur donner du sens pour lire. Cet apprentissage qui débute dès la maternelle doit être poursuivi tout au long du primaire, cela suppose du temps et des répétitions, or, les programmes sont tels que cette tâche de longue haleine se limite à environ 6 à 7 heures par semaine , sur une année scolaire en faisant abstraction du fait que les élèves sont également en manque de vocabulaire.
L’écrit autonome est étrangement absent des activités scolaires alors qu’il figure expressément au programme, on peut donc s’interroger légitimement sur ce problème. Doit-on considérer qu’un élève ne peut valablement écrire que s’il possède les rudiments de l’orthographe, de la grammaire, du vocabulaire (c’est hélas une hypothèse vérifiée qui se traduit dans les faits « en seconde, on ne peut pas avoir plus de 13 à un devoir de français -propos d’enseignants ») ou cette absence proviendrait-elle du fait que la correction d’un écrit est particulièrement long (entre le premier jet de l’élève, sa correction, la reformulation , la seconde correction et l’écrit définitif, une copie de 15 lignes demande environ 2 fois10 minutes et des explications orales ; dans une classe de 25 élèves : 8heures de travail).
Quant à l’enseignement des mathématiques, il s’agit là du parent pauvre de l’éducation. Bien trop souvent les enseignants suivent le manuel sans trop se poser la question de la cohérence et des difficultés rencontrées par les élèves ; tout le travail effectué au niveau des évaluations et les résumés de la base de données ne sont pas partie prenante dans cet enseignement.
Une erreur encore plus importante se manifeste en géométrie : la conception actuelle repose sur le mot et l’énonciation alors que la géométrie est d’abord une observation de l’objet physique, la nomenclature viendra dès que le besoins s’en fera sentir c’est-à-dire lorsque l’on passera de la description au codage : exemple les droites D et D’ sont parallèles se traduira en « raccourci « par D//D’ ou lorsque l’on souhaitera lever une ambiguïté : le carré lequel s’il en existe 2 ou 3 dessinés au tableau.
Les autres domaines d’apprentissage :
Les programmes ont défini une quotité annuelle qui hélas se traduit le plus souvent par une répartition hebdomadaire, ce qui est une erreur fondamentale.
Les sciences
Exercer son esprit critique, mettre en place la démarche expérimentale, tenir un cahier d’expérience sont des éléments qui doivent se différencier au niveau de la durée : mettre en place des expérimentations nécessite au minimum 2h consécutives alors que la validation et la conclusion se résolvent en 30 minutes, le questionnement ne prenant que le temps nécessaire de la copie ou de la recopie des questionnements individuels – mais cette phase n’a pas à apparaitre en classe, la recherche pouvant faire partie de ce qui est demandé à la maison par oral ou par écrit.
Par ailleurs, certaines séquences peuvent être magistrales, être menées à partir d’une vidéo, d’un article de journal, d’une émission de radio, de la lecture d’un livre ….. donc une approche plurielle dans laquelle lecture et écriture sont liées .
L’histoire, la géographie et l’instruction et l’éducation civique
Les problèmes sont voisins de ceux exposés en sciences , cependant la différence importante provient de la qualité de la compréhension de lecture de l’élève et de ses capacités à croiser les informations. Un travail très approfondi peut se mettre en place à partir du groupe, à la seule condition que le groupe soit homogène , que les tâches soient bien définies au départ, que tous possèdent le matériel nécessaire et que…..les élèves puissent échanger à haute voix, ce qui implique un travail dans des locaux autres que la classe traditionnelle.
Dans ces domaines, outre les compréhensions ainsi que les expressions écrites et orales apparaissent les mathématiques sous l’aspect découverte mais aussi applications (en particulier tout ce qui concerne les mesures, les graphiques , la proportionnalité).
Comment remédier aux échecs scolaires en primaire ? des solutions
L’éducation nationale par du lemme suivant : l’enseignement est dispensé à tous avec les mêmes modes de fonctionnement , l’individualisation survient lorsque l’élève n’est plus un apprenant entrant dans la norme (norme du programme, norme de l’âge, norme de la langue)
Les échecs scolaires peuvent s’intégrer dans quatre grandes catégories :
Des causes exogènes :
Ce sont des éléments qui tiennent à la nature même de l’individu : un manque est décelé .
Ainsi pour les élèves de maternelle, l’acquisition du vocabulaire est fondamental, c’est le rôle de l’institution que de pourvoir à ce manque. Il faut revenir à la notion de vocabulaire fondamental qui consiste pour un individu quelconque à posséder dans une langue environ 1000 mots pour se faire comprendre et comprendre l’autre, le décodage et le codage ainsi que l’association de phonèmes doit être acquis sur environ 150 mots à la fin de l’école maternelle.
Si ce cadre ne peut être acquis, des classes d’adaptation pour les 1ère et 2ème année du primaire devraient se mettre en place, classes fermées c’est-à-dire classes où les élèves en petit effectif (8 à 10) récupèrent les bases absentes et peuvent ensuite effectuer un cursus en CE2.
Un autre cadre devrait être ouvert pour les élèves non francophones ; une erreur idéologique monumentale a supprimé ces classes afin d’intégrer au plus vite les élèves dans leur classe d’âge alors qu’ils ne possédaient pas les rudiments de la langue française. Ces classes temporaires fermées en première année devraient avoir une suite dans laquelle les élèves non francophones pourraient parfaire leurs acquisitions dans les spécificités du français, en particulier l’expression écrite et la syntaxe.
Il existe également des élèves pour qui les programmes et leurs objectifs ne pourront être atteints dans le temps imparti aux apprentissages : les classes spécialisées existantes sont un des moyens de pallier à leurs difficultés à condition que le cursus puisse être poursuivi à l’issue du primaire et être couronné par un diplôme professionnel attestant du niveau atteint
Des causes provenant de la mise en place des programmes
Ainsi que les programmes le préconisent, des passerelles entre les disciplines doivent exister. Ces cohérences ne sont pas toujours mises en place dès la classe de CP. Pourquoi ne peut-on pas utiliser dans les manuels de lecture des textes scientifiques, des textes historiques ou à portée géographique afin de rendre à la lecture, l’écriture et les mathématiques leur fonction utilitaire et ainsi illustrer les enseignements de base ?
Ce problème se retrouve également en collège et en lycée : la cohérence entre les disciplines, les passerelles existantes sont à remettre en place afin de permettre à l’élève d’acquérir de différentes manières un savoir et surtout de se l’approprier.
Pour ce faire, il serait nécessaire qu’à partir du CM1 et jusqu’en 5ème ces enseignements soient dispensés par 2 enseignants par classe et non par un seul enseignant en élémentaire et 4 professeurs en collège.
Un autre point concernant les programmes : leur pérennité.
Actuellement les programmes ont une durée de vie limitée voire très limitée, ce qui a pour conséquence un manque de lisibilité au niveau professoral : pour qu’un programme s’applique, il doit être assimilé par les enseignants durant une période d’environ 3 voire 4 ans, or la pérennité actuelle est d’environ 5 , 6 ans ce qui se traduit par des livres en inadéquation avec les programmes et des enseignements qui ne respectent pas les directives gouvernementales.
Des causes provenant de la formation des enseignants
La nécessité de conduire une classe d’âge au niveau le plus élevé c’est-à-dire à un niveau Baccalauréat et le développement des sciences cognitives nécessitent une formation initiale des enseignants ainsi qu’une formation continue dignes de ce nom. On peut remarquer depuis un très grand nombre d’années que l’enseignement de la lecture au CP était peu dispensé de même que la connaissance spécifique de l’école maternelle. Quant aux mathématiques le niveau trop faible des enseignants ne permet pas de comprendre le sens des erreurs des élèves.
Le moyen serait la mise en place d’une licence spécifique sur les métiers de l’enseignement et de l’éducation qui se différencierait entre le secteur éducatif et le secteur scolaire avec des maitrises spécifiques.
La formation continue devrait par ailleurs être différenciée : une formation obligatoire de remise à niveau préalable à la mise en place de nouveaux programmes et un approfondissement des connaissances dans les domaines pédagogiques. Il est anormal qu’un enseignant de primaire ne comprenne pas les erreurs de mesurage des élèves, qu’un enseignant de collège ou de lycée n’ait pas à sa disposition la panoplie des erreurs possibles concernant les fractions et les identités remarquables, ce qui permettrait de remédier immédiatement à la difficulté.
Des causes liées à la non individualisation des enseignements
Une des pistes intéressantes serait la mise en place dès le CP de parcours individualisés, c’est à dire partir du fait que tous les élèves peuvent avoir des compétences et des attitudes différentes selon les disciplines.
Partir de ce lemme signifie qu’il est nécessaire
De découper les programmes en noyaux évalués et en acceptant qu’un élève soit de niveau N dans une discipline, N+2 dans une autre et N-1 dans une troisième
De ne plus considérer la classe comme une entité ou un modèle figé mais au contraire de considérer les élèves comme appartenant à un groupe de compétences acquises et à acquérir suite à des évaluations mises en place. Dans ce système, chaque élève peut alors évoluer à son propre rythme, l’homogénéité tant décriée est mise en place pour satisfaire aux besoins de chacun et non aux nécessités du programme.
Le problème du redoublement
S’il est vrai que redoubler s’avère de très nombreuses fois comme négatif (ressenti de l’élève, de la famille, des camarades), les solutions proposées jusqu’à présent ne permettent pas à un enfant en difficulté de remédier à ses lacunes. Dans le cadre où l’élève est considéré comme ayant des aptitudes différentes selon les matières, le redoublement n’a plus aucun sens, le groupe classe n’existant plus.
Les disciplines artistiques et l’éducation physique
Si les rythmes scolaires visent à limiter le nombre d’heures de classe à 5, il est nécessaire de s’interroger sur le devenir de l’élève après la classe, n’est-ce pas à ce niveau que devraient se combiner les activités artistiques et l’éducation physique, activités artistiques sous la conduite d’un enseignant spécialisé et activités plurielles de découverte des arts, activités physiques sous la conduite d’un éducateur ayant pour objectif la polyvalence sportive (je parle bien ici d’activité physique et non d’activité de club sportif) ?
Ces actions devraient se développer avec l’aide des municipalités comme c’est le cas par ailleurs dans un certain nombre de domaines, bien que les « animateurs » n’aient pas toujours la formation requise. Un recentrage serait nécessaire afin que les projets éducatifs municipaux et éducation nationale soient cohérents.
Roger BASTIEN