La Chute

Temps 1156, Champ opératoire orbital 3460#45, jour deux de l'hyperdemie heptocoquus sempervirans, 3 millions de morts :

Déploiement des troupes de leurres génétiques dans la soupe de tripaille qu'est devenue la cité principale, la moitié de la cargaison est à peine fini, plus de 67% de déficiences corporelles et mentales significatives. Le temps a manqué pour leur culture, on a donc raflé deux des villes de moyenne importance pour procéder à une réécriture partielle du code génétique de la population avec un hypervirus affaiblie, capturé lors de la campagne de vaccination stellaire du premiers Rappel, un de nos seul avantage décisif. Sur 800 000 "volontaires", la conversion nous a rapporté 500 000 lorcybs en mode ultra violence disséminés sur le champs opératoire afin de concentrer en poches ciblables les infectés de l'hyperbacilles. Il n'y a pas de civiles à protéger, seul l'arrêt de l'hyperdemie compte.

Temps 1204, Subdivision 6790 du champ opératoire, scheck point glandulaire 34, 35 leurres génétiques, un hyperdoktor, 50 conscrits corpusculaire décérébrés et myoconditionnés :

Le bio-obus frappa la position sans le bruit caractéristique de vagissement prénatal, surprenant tout le monde.

Le choc provoqua instantanément l'explosion du sacrum hypertrophié et fortement chargé en résidus digestif, rompant les parois de la vessie et du système gastrique, assurant une miction instantanée des fluides corporelles. L'acidité du gruau merdeux atteint des taux inédits tandis que la force cinétique propagea dans tous les sens une substance digne du meilleur napalm associé au pire des acides. Un magma de merde, d'acide et d'urine brulante où flottent des morceaux de métal et de corps est tout ce qui reste de la zone. Un macrophage de combat est propulsé depuis l'orbite pour colmater la brèche et récupérer ce qui peut l'être dans cette soupe biologique : blessés, mourants, résidus de matériels, fragments génétiques ennemis.

Temps 1218, Surgerie embarquée du macrophage de combat Ceilos chirales :

« Suture ! »

Le corps du conscrit 1450987 fut secoué de spasmes.

« Antalgique, injection orbitale en salve, 50 CC ! Veuillez éviter la lobotomie, on doit procéder à une extraction neurale d'informations tactiques. »

Il pousse un hurlement étouffé.

« Posez le palm sur la dure-mère, non, pas de sédatif, obturer les fonctions vocales et myorelaxé les muscles au maximum, tout en maintenant ses processus conscient. »

Temps 1220, Surgerie embarquée du macrophage de combat Ceilos chirales :

« Palm posé…extraction en cour… Attention ! Il convulse »

Trois mains et une pince manipulatrices se saisissent rapidement du conscrit 1450987. Ils le maintiennent durement quelques instants, le temps que l’anticorpsiste Major le surdose en myorelaxant.

« Mais qu’est-ce que c’est que ce boulot, les Achirs sont à peine posées ! »

Le crâne est durement touché. Un bout de plaque osseuse a volé sous l’impact de l’insertion des agrafes chirurgicales que tout le monde appelle Achir sur un Champ Opératoire. Le cerveau n’est pas encore en contact avec l’air ambiant de la surgerie de combat, mais de nouveaux chocs pourraient changer la donne. Si la barrière hémato-encéphallique tombe, les infos sont foutues.

« Procéder à une illumination corticale directe, puissance 250 Watts, en lumière athermique. Vous ferez deux balayages pour être sûr. Dans le même temps, remplacer le chémodule de com par le mod véhicule. »

Les anticorpsistes surgiens se pressent pour exécuter les ordres. Mais aux derniers mots qu’ils entendent, ils se retournent rapidement vers le A-Major, fronçant le regard sous leur masque d’opé.

« Ne me lancez pas ces regards ahuris, je sais qu’il va y passer ! De toute façon, son cortex supérieur est déjà déliquescent suite au cryptage à effet retard qui enserre ses fonctions neurales. Oui, vous ne vous tromper pas, ceci est réservé aux opérations de terrain de type auto-terminaison. »

L’exécution des ordres reprennent rapidement, le spectre de la Sixte Directive planant au-dessus de la table de surgerie.

« Si l’illumination athermique ne donne rien, une fois le chémodule véhicule d’installé et mis en fonction par injection massive de l’agent purge présent dans les tube-culture 3 et 10 ici présent, vous passerez en stroboscopique thermique 1000 Watts sur fréquence 1000 Hertz. Son cerveau va fondre plus rapidement qu’une glace au soleil, mais nous aurons sa carte neurale quoi qu’il en coute. Assurez-vous de récupérer l’intégralité des exudats de chémotransfert. »

Les A-surges s’activent fébrilement, découpant directement au bioct machoire le chémodule du conscrit ainsi qu’une bonne partie de son torse. La surgerie est ponctuée des souffles étouffés des hommes, par les claquements secs des côtes qu’on découpe, et par le froissement spongieux des chairs qu’on arrache. Le couffin biotech fonctionne à plein régime et perfuse directement via ses fibrilloducs d’énormes quantités de synthé-sang. Le bip métronomique du rythme cardiaque monitoré transperce la salle, vrillant progressivement le crâne du A-major qui trouve le temps difficilement long.

« Ajouter des bacs de récupération supplémentaires, vous aller être un peu juste avec les exudat une fois le protocole lancé. »

Les hommes s’interrompent à peine un instant devant ces paroles.

« Ne soyez pas surpris, je sais très bien que l’illumination athermique sera un échec au vu du faible taux de réussite. Nous ne pouvons tout simplement pas passer outre… »

Traque :

La soupe nutritive lui arrivait jusqu’au cou.

« Quel galère ! », pensa-t’elle. Quelle idée farfelue lui a pris d’essayer de rattraper cet enfant ? Après tout, ce n’était pas à elle de corriger les bourdes des autres ! Il n’aurait jamais dû se trouver là, en pleine zone de conversion Lorcyb, les leurres génétiques, troupes de choc involontairement volontaire des Réponses Immunitaires Militarisées. Elle non plus d’ailleurs…

Depuis qu’elle avait prononcé son serment d’Hyperpocrate, il y a 5 ans, c’était sa cinquième RIM, pratiquement une par an, dont deux rechute planétaire ! Le rythme de prolifération Macrobienne était alarmant. Tous les Anticorpistes donnaient le meilleur d’eux-mêmes et ceci suffisait à peine…

« Alors ma vielle Edna, tu vas te sortir de là comment ? » se demandât elle tout haut entre deux mouvement saltatoire lui permettant tout juste de se maintenir hors du liquide visqueux dans cette hypercuve. Elle le vit du coin de l’œil, se retournant prestement. L’enfant glissait sur la paroi verticale de la cuve d’un mouvement amiboïde aussi écœurant que fluide laissant apparaître ses organes internes tous plus déformés les uns que les autres. Arrivé tout en haut, il se retourna à peine, mû par un appel invisible, son corps parcouru d’un spasme alors que sa peau perdait sa transparence masquant la réécriture organique massive que la contamination macrobienne lui imposait. Il devait avoir à peine 10 ans, la blouse blanche des lorcyb en devenir en moins, un teint de cadavre frais mais en pleine possession de ses moyens.

« Infectée ! On est infectés ! », le terme claqua dans l’esprit d’Edna aussi vite qu’un Weapan lourd crachait les antidotes de combat en hypersalve-seconde dans un checkpoint glandulaire. Cette chose avait passé sans encombre l’ensemble du dispositif de la RIM, le champ opératoire, les check-points glandulaires, les centres immunitaires opérationnels, les centres phagocytaires, les centres lymphocytaire, et la zone de dermo-confinement. Il ne restait qu’elle et le no-man's-land de sécurité avant qu’une macro-infection ne les prennent à revers…

L’enfant-spore bougeait rapidement, mais sous le coup d’une vague d’adrénaline, Edna s’était extraite du gruau de conversion. Ses muscles souffraient sous l’effort et les substances géo-actives mais c’était le cadet de ses soucis si elle ne le choppait pas rapidement. Il ne semblait pas se presser de fuir, il semblait même l’attendre.

« Il cherche un autre porteur souche ! », l’évidence la fulgurant alors qu’elle était presque sur lui, voyant que ses chairs flasques se retournait comme un gant perdant leur cohésion tissulaire, emportant grossièrement le squelette, qui dépassait çà et là de la masse, comme un boulet accroché à la patte d’un de ces anciens bagnard de la lointaine Terre. Elle roula durement à gauche sur le carrelage blanc hyperspitalier en céramo-bêton. Le magma cellulaire qu’était devenu l’enfant spore chût sur son ancienne position un poil trop tard dans un bruit spongieux accompagné de multiples chocs osseux. Elle se releva, s’armant de son bioct dont la lame à UV apporta une note de couleur au milieu de ce blanc et gris entêtant. Deux mégafibrille infectieuses composé de chair, de peaux, de muscles et de tendons étrangement mêlés rebondirent sur le sol dans la direction d’Edna qui taillada l’air devant elle. L’éclat des UV stoppèrent net la progression des mégafibrilles. Il semblait hésiter, Edna, elle aussi. Elle ne vît pas les trois autres mégafibrilles préhensives uniquement composées de nerfs et de muscles blancs, camouflage habile exploitant au mieux les possibilités de l’environnement immédiat.

Un coup bref dans les jambes pour la faire tomber, deux autres pour lui immobiliser son bras armé, les choses n’allèrent pas plus loin toujours à cause de l’éclat des UV. Edna s’accrochait avec la force du désespoir à son bioct, faible rempart face à sa viralisation imminente.

Les tréfonds de l’enfant-spore furent secoués rapidement comme par quelqu’un qui battait l’eau pour faire le plus d’écume possible, exhalant une mousse écarlate à forte expansion faite des tissus viscéraux associée à une odeur insupportable de merde. La tension musculaire était à son comble dans tout le corps d’Edna qui luttait pour se relever et échapper à cette étreinte inflexible tout en essayant de se prémunir de cette nouvelle menace. Elle perdait du terrain, lui ajustait sa position imperceptiblement. L’enfant-spore éructa un projectile osseux, puis un autre, et encore un autre. Chaque fois qu’elle en esquivait un, elle devait concéder du terrain vers les mégafibrilles infectieuses. L’enfant-spore prenait son temps en mécanique rodée à l’expansion macro-épidémique.

C’est au bord de l’épuisement, que les substances de l’hypercuve de conversion provoquèrent une réaction immunitaire massive chez Edna. Son corps céda à une fièvre mortelle arquant ses muscles dans des mouvements erratiques. Elle bavait une écume blanche autant qu’elle la pleurait, découvrant dans une colère désespérée les affres d’un choc allergique majeur aux fluides lorcyb.

Le bioct fut perdu.

Dans le vacillement des UV, les mégafibrilles infectieuses frappèrent de concert injectant massivement les séquences recodantes d’un mégalo-virus encore inconnu à ce jour.

Edna connu le calme écrasant de l’infection dans l’œil d’un cyclone de douleur balayant son corps. Elle ne sentie pas ses dents grincer à se rompre sous la pressions de ses muscles, pas plus que la fournaise de ses poumons en partis noyés dans l’écume allergique et les fluides méga-viro, encore moins le raclement des os de ses doigts sur le sol qu’elle griffait violemment à s’en arracher les chairs, ni les remugles fécaux et de pus qu’elle laissait derrière elle tel la trace d’un indicible mollusque. Il n’y avait rien que le sentiment de perte douloureusement froid de ce qui faisait d’elle un être humain. Au fur et à mesure qu’elle se perdait elle-même et que le virus convertissait son corps et son esprit à ses besoins, elle ressentit de plus en plus nettement l’ampleur de l’infection, carte spatiale rougeoyante parcourue fébrilement d’insignifiantes masses globuleuses des cellules saines de l’Humanité...

Son corps craquelé enfla telle une boursouflure immonde, entrant en résonnance avec l’enfant-spore qui avait repris un semblant de cohérence. Dans le silence relatif des chair subissant de trop nombreuses transformation, une capside de gras, de derme et de peau se forma vers les ultimes instants de la viralisation devant la transformer en un nouvel agent infectieux. L’enfant-spore s’approcha un peu, ses récepteurs membranaires décelant une anomalie s’apprêtant à éliminer toute mutation non-favorable à la souche virale.

Trop tard.

Un poing puissant ruisselant d’anticorps fracassa la capside et le tronc supérieur de l’enfant-spore qui se liquéfiait déjà au contact de l’éruption des fluides matriciel. Des dizaines de dendrites d’adhérence de formèrent sur la peau d’Edna, assimilant avidement ce surplus nutritif et ces composés génétiques viraux renforçant son efficacité à chaque endocytose. La fébrilité de l’instant retomba presqu’aussitôt, tout avait été consommé.

« Je…JE…JE SUIIIIIIIS… !!! » hurla Edna avant qu’une ombre n’engouffre tout.

Le bruit du goutte à goutte lui permis de se focaliser sur quelque chose venant peu à peu interrompre les aléas de sa confusion, son esprit toujours embrumés de sommeil, ses membres raides et lourds, sa bouche pâteuse, les sons douloureusement clairs, l’odeur forte de nettoyant hyperspitalier, le contact abrasif de vêtement qui n’étaient pas les siens. Elle prit conscience d’une autre présence bien trop lentement sentant ses réactions bridés par quelques tranquillisants.

« Vivante ! Tout à fait, A-Sergent ! » Lança l’autre. Le A-Major entra dans la lumière de la salle de monitoring qui fit briller les galons d’un uniforme fatigué de la division Barbet. Le A-Sergent Edna Pracels pris conscience des murs de la cellule de confinement/terminaison que tout anticorpsiste désigne sous le nom de vélyze. Un frisson glacé parcouru son échine lorsqu’elle senti le regard inflexible de cet officier.

« Nous avons à parler de notre avenir et celui de cette RIM » repris le A-Major. « Et décider, si je peux laisser vivre un lorcyb non conditionné » pensa-t-il pour lui-même.