Tableaux singuliers

Le tableau gauche ci-contre en est-il un ? Affirmatif, sa forme est :

λ / μ = [9 8 6 6 5 4 1] / [9 8 3 3 2 1 1].

La forme interne μ doit être inférieure à la forme externe λ (au sens de l'inclusion des diagrammes), mais rien n'interdit qu'on ait l'égalité μ [ i ] = λ [ i ] pour certains indices i.

Voilà qui est troublant, un tableau aurait donc une infinité de formes possibles ? Oui et non, car tous ces tableaux sont heureusement équivalents du point de vue du jeu de taquin. En effectuant une suite de réductions de haut en bas on translate simplement le tableau vers la gauche — pour le vérifier avec l'animation Flash, cliquez (alt-clic) sur les cellules numérotées en rouge dans l'ordre de leurs numéros, et vous obtiendrez un résultat semblable à celui-ci :


De même une suite de réductions de droite à gauche translate le tableau vers le bas :


Il y a des règles symétriques pour les dilatations : une suite de dilatations de bas en haut translate le tableau vers la droite, et une suite de dilatations de gauche à droite translate le tableau vers le haut.

Au passage vous remarquerez sans doute que réduire un creux vert qui n'a pas de voisin numéroté le fait simplement disparaître. Un usage judicieux de alt-clic ou de shift-clic permet ainsi de supprimer une cellule verte.

L'image ci-contre illustre une autre configuration singulière : ces deux malheureuses cellules isolées forment-elles un tableau ? La réponse est à nouveau oui, voici ci-dessous deux illustrations qui le prouvent, le tableau de gauche est de forme :

λ / μ = [6 5 5 1] / [5 5 5 0].

Le tableau de droite est minimal si on fixe la position des cellules numérotées 1 et 2, et sa forme est :

λ / μ = [6 1 1 1] / [5 1 1 0].


En regardant la figure initiale (celle où les deux cellules sont seules et isolées) on peut se demander comment les règles du jeu de taquin empêchent par exemple la cellule numéro 1 de glisser au-dessous de la cellule numéro 2, en passant discrètement loin d'elle. Autrement dit comment ces deux cellules peuvent-elles contrôler leur position respective à distance (et cette distance peut être arbitrairement grande) — nouvel avatar de la fameuse question concernant la terre et la lune : la lune tourne autour de la terre, et pourtant comment sait-elle que la terre est là ? Mais le miracle se répète, faisons glisser la cellule numéro 1 vers le bas au moyen des réductions numérotées (en rouge) 1 et 2 :


Maintenant la cellule située en-dessous de la cellule numéro 1 n'est plus un creux, on ne peut pas continuer à faire glisser la cellule numéro 1 vers le bas, il faut d'abord faire glisser la cellule numéro 2 vers la gauche, etc. Notez bien que l'animation Flash ne vous empêche pas du tout de continuer la glissade fatale de la cellule numéro 1 vers le bas, car elle ne contrôle pas si vous cliquez sur un creux : it's a feature, not a bug.