L'innovation médicale à Rouen :
l'exemple de Jean Pillore
Par Jean-Luc Maupas
Par Jean-Luc Maupas
Alors que 2024 s’éloigne, le Groupe d’Histoire des Hôpitaux de Rouen doit rappeler aux érudits que cette année marquait le tricentenaire de la naissance d’un «maître en chirurgie» qui a tenu une place éminente dans la communauté des chirurgiens de Rouen du XVIIIe siècle.
Sa vie peu commune, une première mondiale chirurgicale, l’initiation d’une dynastie médico-chirurgicale locale de plus d’un siècle placent Jean Pillore parmi les chirurgiens les plus remarquables de notre histoire médicale normande, son souvenir s’impose
Dans l’histoire des hôpitaux de Rouen, il n’était que l’assistant préféré de Le Cat …. Mais dans l’histoire de la chirurgie normande sa place est éminente.
En bref : L’un des deux ou trois membres les plus influents de la « Communauté des chirurgiens de Rouen » de la deuxième moitié du dix-huitième siècle ...et le premier opérateur reconnu d’une coecostomie .
A quinze ans il monte à Paris ; à dix-huit ans il découvre Rouen, recommandé à un Le Cat débordé par sa suractivité.
« Maître en chirurgie » en 1753, Pillore exercera son Art en ville et en province jusqu’à la Révolution.
Au premier plan par son activité et sa notoriété, la charge de « Chirurgien-chef » lui sera refusée deux fois :
A la mort de Le Cat en 1768, son gendre David occupe la place.
A la mort de David en 1784, Laumonier est préféré à Pillore qui a déjà soixante ans.
Candidat, Pillore excipait la réalisation de « cinq cents grandes opérations » - l’histoire de la chirurgie mondiale a retenu une première : la dérivation digestive du Sieur Morel, maître de Poste du Vert Galant, occlus par un cancer digestif bas, en 1776. L’observation écrite de ce geste fut présentée en 1839 à l’Académie Royale de chirurgie, trente-cinq ans après la mort de Pillore en 1804.
Mais le nom de Pillore ne disparaissait pas alors de la médecine rouennaise ; de ses douze enfants l’un était chirurgien, l’autre médecin.
Ce dernier, Henri exerçant sous l’Empire et la Restauration aura lui-même un fils, également prénommé Henry.
Henry Pillore, après son internat à Paris, sera médecin des hôpitaux, professeur à l’école de médecine, chef de service à la maternité. Sa notoriété, son aisance financière seront acquises, mais, en 1855, une salmonelle emportera à 47 ans le médecin renommé, décédé sans enfant.
Sa générosité posthume inhabituelle permettra d’édifier, à l’hospice général, une « Maternité Pillore» .
Au siècle suivant, dans ces mêmes locaux, sera créé le service des maladies de l’appareil digestif, confié au Pr Geffroy, et connu de tous comme le « service Pillore ».
Par commodité, « l’association paritaire de formation médicale continue pour les maladies de l’appareil digestif et de la nutrition » sera baptisée en 1988 « Association Pillore. » Elle est toujours active.
En 1988, ses membres m’avaient questionné : « Pourquoi Pillore, qui était Pillore ?….ma rencontre avec Jean Pillore et sa descendance ne fut pas décevante..., une dynastie médico-chirurgicale rouennaise au premier plan pendant plus d’un siècle, dont le souvenir doit être conservé , d’autant plus que Jean Pillore est l’ascendant direct de Marcel Duchamp , figure majeure de l’Art Moderne.
Jean Luc MAUPAS
Pour en savoir plus :
Jean Pillore , maître en chirurgie au XVIIIe siècle, Académicien injustement oublié.
Précis analytique des travaux de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, 2015 premier semestre 2016 (vol. 1), 115-134