Des femmes inspirantes
Sœur Marie-Ernestine (1819-1910)
Fondatrice de l’Atelier refuge des jeunes filles libérées
Par Marie Françoise Guyard
Fondatrice de l’Atelier refuge des jeunes filles libérées
Par Marie Françoise Guyard
Aglaé Eugénie Morin naît à Saint Saëns le 4 juillet 1819. Son père boucher est un ancien soldat de Bonaparte. Sa mère, fille de tanneurs, élèvera dix enfants.
En Août 1840 elle prend l’habit au couvent de la Congrégation du Sacré Cœur de Jésus à Saint Aubin lès Elbeuf dont les sœurs se consacrent principalement aux pensionnats et à l’instruction des enfants. Trois mois plus tard, elle qui n’a que 21 ans, est affectée au quartier des jeunes filles de la prison de Rouen.
Sous la Monarchie de juillet le climat est éprouvant dans cette prison de Bicêtre, fait d’exaltation et de violence, dans un contexte de grande misère sociale (épidémies de choléra, grande crise industrielle).
Peu à peu, l’expérience venant, Sœur Marie-Ernestine parvient à se faire aimer. Très vite elle se soucie de l’avenir des jeunes filles qui sortent de prison, engageant le temps et les moyens dont elle dispose pour leur procurer un logement et un travail.
Sous la révolution de 1848 elle fait preuve de courage et de fermeté dans la poursuite de ses missions. C’est au cours de cette année qu’elle parvient à créer au 33 route de Darnétal, avec le soutien de l’abbé Podevin, vicaire de Saint Vivien et aumônier des prisons et celui du préfet, ce qui sera « la maison d’éducation correctionnelle, agricole, industrielle et ménagère pour les jeunes filles détenues et de patronage de jeunes filles libérées ».
A partir de 1861 l’abbé Podevin rejoint la fondatrice. L’établissement s’agrandit progressivement au plan architectural pour héberger jusqu’à 400 jeunes filles, au 33 route de Darnétal incarcérées ou hébergées dans deux secteurs séparés ; elles suivent un programme d’instruction primaire et travaillent dans des ateliers de confection. Des terres agricoles sont acquises, 48 ha, puis en 1873, 175 hectares : la ferme de la Grand-Mare. Y sera construite une ferme modèle pouvant héberger cinquante personnes (détenues et six religieuses les encadrant) et disposant de tous les communs nécessaires aux activités d’une ferme moderne polyvalente.
A la mort de l’abbé, en 1882, Sœur Marie-Ernestine poursuit seule, jusqu’à sa mort à 92 ans, leur œuvre commune : permettre à des jeunes filles au début de vie chaotique, d’acquérir une éducation et des règles morales leur permettant ensuite de s’insérer dans la société.
L’œuvre de Sœur Marie-Ernestine, reconnue et récompensée de son vivant (une rue porte son nom) a servi d’exemple pour améliorer la législation de prise en charge des enfants délaissés et délinquants.
Elle est inhumée au cimetière de Bonsecours.
Marie-Françoise Guyard, GHHR 2 novembre 2023
Pour aller plus loin :
Marc Boulanger Une grande figure rouennaise du siècle dernier Sœur Marie-Ernestine Fondatrice de l’Atelier-Refuge des jeunes filles libérées (1819-1910) Ed Bertout Luneray
Jean-Claude Vimont Des milliers de jeunes filles au travail forcé dans l’Atelier-Refuge de Rouen Presses Universitaires de Rouen et du Havre p153-168