De Brosses
Voici comment ils peuvent fournir à tant de nouveautés, soit en pièces, soit en voix : un poëme lyrique une fois composé, est un bien commun appartenant à tout le monde ; les musiciens compositeurs ne sont pas rares ; quiconque d’entre eux veut travailler s’empare d’un poëme publié, déjà mis en musique par plusieurs autres, auquel il fait une nouvelle musique sur les mêmes paroles. On s’empare surtout des opéras du Métastase ; il n’y en a guère sur lesquels les plus fameux maîtres n’aient travaillé tour à tour. Cette méthode est utile et commode ; on devrait en user de même parmi nous, où les opéras manquent souvent par la faute du poëte, n’étant pas possible de faire de bonne musique sur de mauvaises paroles.
De plus, quoique dans ce genre dramatique les paroles soient subordonnées à la musique, elle contribuent infiniment à faire réussir la pièce, dont elles font réellement le fond et l’intérêt. Voyez si nos meilleurs opéras ne sont pas ceux où sont les meilleures paroles : Armide, Thésée, Atys, Roland, Thétis, Tancrède, Iphigénie, l’Europe Galante, Issé, les Éléments, les Fêtes Vénitiennes, etc. Je voudrais que Rameau prît tout uniment des poëmes de Quinault ou de Lamotte ; il ferait des opéras différents de ceux de Lulli ou de Campra, son génie étant différent du leur ; il ne les égalerait pas dans la partie du récitatif ; mais il serait supérieur à d’autres égards. […]. (p. 359-360)
Métastase est grand plagiaire ; il pille de toutes mains, les Corneilles, Racine, Quinault, Crébillon et tout ce qu’il peut attraper ; pensées, sujets, situations, tout lui est bon. Mais il rend très-bien ce qu’il s’est approprié […]. (p. 375)
Le Président De Brosses en Italie. Lettres familières écrites d’Italie en 1739 et 1740.
Deuxième édition. Éd. M. R. Colomb. Tome II. Paris, Didier, 1858. Lettre L, à M. de Maleteste.