L'appétit

L'appétit en général est l'inclination de tout être vers son bien. Un des faits les plus évidents dans l'univers est celui de la propension à l'action. Tous les mouvements sans exception apparaissent doués de finalité. La poursuite d'un objet désiré est agréable; l'accomplissement d'un devoir opposé à nos goûts est pénible.

Tandis que la connaissance est objective, spéculative et statique, l'appétit est un fait subjectif, affectif et actif.

L'objet formel de l'appétit naturel est le bien physique poursuivi inconsciemment; celui de l'appétit sensible est le bien concret apprécié par la connaissance sensible; celui de la volonté est le bien jugé tel par la raison.

Si l'objet formel apparaît comme bien concret (utile ou agréable), il suscite l'attrait; s'il apparaît comme mal concret (nuisible ou pénible), il suscite la répulsion.

L'inclination au bien est fondamentale, le mal ne cause qu'aversion et la difficulté ne peut que contrarier ou diminuer l'intensité de ses manifestations.

Dans l'ordre intellectuel, il y a le besoin de connaître, la curiosité; le besoin de manifester sa pensée, de parler, de vivre en société; le besoin d'aimer ses proches, sa patrie, de se dévouer; dans les âmes religieuses, le besoin de prier, etc.

Dans l'ordre sensible, les mêmes besoins de connaître et de sentir se retrouvent, mais avec une nuance marquée d'égoïsme et d'utilitarisme : besoin de voir, d'entendre, d'imaginer, etc.; besoin de jouir, sous ses diverses formes.

L'appétit peut s'opérer avec l'aide de la raison et se transformer en passion.

La passion est une inclination affective devenue dominatrice et exclusive et fixée dans une habitude. La passion se caractérise par sa force organisatrice qui la rend exclusive, éliminant les autres tendances ou se les subordonnant pour dominer toute la vie.

L'attrait ou l'amour au sens le plus large du mot est la disposition affective fondamentale par laquelle l'appétit se tourne avec complaisance vers son bien. Aimer c'est vouloir du bien à quelqu'un.

La répulsion ou la haine est la disposition affective par laquelle l'appétit se détourne avec répugnance de son mal.

Le désir est le mouvement par lequel l'appétit de jouissance se porte vers un bien saisi comme absent. Le désir est une sorte de jouissance anticipée. Il se définit par l'absence du bien, ce qui accentue son caractère actif.

L'aversion est le contraire du désir : c'est un mouvement par lequel l'appétit de jouissance se détourne du mal considéré comme absent.

L'espoir est un mouvement par lequel l'appétit de lutte se porte vers un bien, absent ou futur, et difficile, mais apprécié comme accessible. L'espoir est une tendance persistante vers le bien, une sorte de désir renforcé par l'obstacle jugé surmontable.

Le désespoir en est l'opposé dans l'ordre du bien : il est donc lui aussi un mouvement d'appétit de lutte, mais par lequel on se détourne d'un bien absent ou futur dont la difficulté le fait apprécier comme inaccessible. Le désespoir survient lorsque la difficulté apparaît comme insurmontable.

La crainte est le mouvement par lequel l'appétit de lutte se détourne d'un mal considéré comme important, encore absent, bien qu'imminent, qu'on estime incapable d'être surmonté, mais capable d'être évité. La crainte est un état d'âme plus affectif, plus passif par rapport à l'audace.

L'audace est l'inverse dans l'ordre du mal : mouvement d'appétit de lutte par lequel on se porte vers un ennemi redoutable, encore absent, qu'on estime capable d'être vaincu. L'audace est un mouvement psychique avant tout actif, ferme et net à cause de son énergie; il s'accompagne et se renforce en général d'un espoir, celui d'obtenir la victoire qui apparaît spontanément comme un bien futur, difficile mais possible.

La colère est le mouvement par lequel l'appétit de lutte se dresse contre ce qui nous inflige actuellement un mal, pour en tirer vengeance, c'est-à-dire pour lui infliger un mal semblable. La colère naît dans l'homme avec l'idée de vengeance lorsqu'il s'estime lésé dans ses droits.

L'émotion peut se définir comme étant le mouvement affectif produit par le manque d'équilibre entre les tendances d'un sujet et les excitations ou objets extérieurs.

Le mouvement appétitif s'achève soit par l'étreinte du bien qui procure le plaisir et la joie, soit par la résignation au mal qui procure la douleur et la tristesse.

L'objet formel de l'appétit naturel est le bien physique poursuivi inconsciemment; celui de l'appétit sensible est le bien concret apprécié par la connaissance sensible.


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