Vie de Saint Fortunat

Craponne

Né en Italie du Nord, près de Trévise vers 530, il est connu sous le nom de Venance Fortunat et fait des études littéraires à Ravenne. Atteint d’une grave maladie des yeux, il demande sa guérison par l’intercession de Saint-Martin de Tours, ce qui lui est accordé. En remerciement, il décide de partir en pèlerinage à Tours pour lui rendre grâce. En réalité, il part pour un vaste tour de Gaule, durant lequel il bénéficie de la généreuse hospitalité des seigneurs des villes qu'il traverse, sensibles à la grandeur de la culture italienne qu’il traduit si bien par les poèmes qu’il compose pour eux.

Au bout de trois années de voyage, après avoir été reçu à Tours par l’évêque, il arrive à Poitiers. Là, il rencontre Radegonde, épouse de Clotaire 1er roi des Francs, qui vient de quitter la cour pour fonder le monastère de Sainte Croix (Radegonde avait reçu en 569, de l’Empereur de Byzance, une relique de la Croix du Christ). L'arrivée de la relique dans le monastère, dont il devient Intendant, donne l'occasion à Venance Fortunat d'écrire les poèmes les plus marquants de son œuvre, tels le Vexilla regis (voir ci-dessous) et le Pange lingua, reconnus par l'Eglise comme des textes liturgiques. Fortunat est probablement ordonné prêtre en 576.

A la mort de Radegonde en 584, Fortunat part à Metz à la cour du roi Childebert II, et comme lors de son premier voyage il fait l'éloge de ses hôtes à travers ses poèmes. A son retour à Poitiers, il quitte l'Intendance du monastère, et il devient évêque de Poitiers vers 600, peu de temps avant sa mort qui survient en 601.

En revanche, on ne connaît pas l’origine du pèlerinage qui s’est déroulé pendant des décennies à Craponne, durant lequel on invoquait son nom pour la guérison des enfants malades, qualifiés alors de «débiles». Certains cas de guérison lui ont d’ailleurs été attribués. Quoi qu’il en soit, faisant l’éloge des plus humbles comme des plus grands de son temps, de simples fruits ou de la sainte Croix, ou guérissant des enfants malades, c’est à l’acceptation de la diversité du monde et de ses différences que nous invite Saint Fortunat.

HYMNE : Vexilla Regis / Les étendards du Roi

L'hymne du Vexilla Regis a été écrite par Mgr Saint Venance Fortunat (530-609). Avec le Salve Festa Dies, elle est encore considérée comme l’une des plus grandes et des plus belles hymnes liturgiques de l’Église Latine. A 25 ans, la Reine Sainte Radegonde s’était retirée dans un couvent qu’elle avait bâti près de Poitiers ; elle cherchait quelques reliques pour sa chapelle quand l’empereur Justin II et l’impératrice Sophie lui envoyèrent un morceau de la vraie Croix sur laquelle s'est opérée la Rédemption du monde. Pour célébrer l’arrivée de la sainte relique, la Reine demanda à Mgr Fortunat de créer une hymne pour la procession d’accompagnement jusqu’à la chapelle. Lorsque les porteurs du Saint Fragment se trouvèrent à 3 kilomètres de la ville, Venance, entouré d'une grande foule de fidèles, dont certains portaient bannières, croix et autres emblèmes sacrés, s'avança à Sa rencontre. Tout en marchant, ils chantèrent cette hymne composée spécialement à cette occasion (hymne chantée pour la première fois le 19 novembre 569 !). Aujourd'hui, l'Église chante traditionnellement cette hymne pour le "Temps de la Passion", le Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, le Vendredi-Saint et pour la Fête de la Croix Glorieuse (Exaltation de la Sainte Croix au 14 septembre) :

1) Vexilla Regis prodeunt, fulget Crucis mysterium,

Les étendards du Roi s’avancent, et la lumière de la Croix resplendit de son mystère,

Qua vita mortem pertulit, et morte vitam protulit.

Où la vie a subi la mort, produisant, par la mort, la vie.

2) Quæ vulnerata lanceæ, mucrone diro, criminum

De Son Coeur transpercé par la pointe cruelle de la lance, Il laisse

Ut nos lavaret sordibus manavit unda et sanguine.

Ruisseler l’eau et le sang afin de nous laver de notre crime.

3) Impleta sunt quæ concinit David fideli carmine

Voici qu’est accompli ce que chantait David dans son psaume plein de foi,

Dicendo nationibus regnavit a ligno Deus.

Proclamant : « Sur les nations, c’est par le bois que règne Dieu. »

4) Arbor decora et fulgida ornata Regis purpura,

Arbre splendide de lumière orné de la pourpre royale,

Electa digno stipite tam sancta membra tangere.

Tronc choisi qui fut jugé digne de toucher des membres si saints.

5) Beata, cuius brachiis pretium pependit sæculi :

Arbre bienheureux dont les branches supportent pendu le salut de ce siècle :

Statera facta corporis tulique prædam tartari.

En échange de ce Corps, l’Enfer a été dépouillé.

Pour les deux dernières strophes, les fidèles se mettent à genoux

6) O Crux ave, spes unica hoc Passionis tempore ! (14 septembre = in hac triumphi gloria !)

Salut ô Croix, unique espérance dans les temps de ta Passion (14 septembre = dans la gloire de ton triomphe !)

Piis adauge gratiam reisque dele crimina.

Offre la grâce aux hommes pieux, et lave les péchés des coupables.

7) Te, fons salutis Trinitas collaudet omnis spiritus :

C’est Toi, Trinité Suprême, source de notre salut, que loue tout esprit :

Quibus Crucis victoriam largiris adde præmium. Amen.

Par la Croix vous nous fîtes vaincre, donnez-nous aussi la couronne. Ainsi soit-il.