Exemple : L’arbre Mojo se meurt, il faut trouver le responsable. (M) Le héros dispose d’un courage sans faille et d’amis qui le guident (C), il brise donc les maléfices du sorcier (P) et le royaume d’Hyrule est sauf (S).
Là encore, une bonne histoire n’expédie pas des phases de l’intrigue. Pour répondre aux attentes du joueur, il faut le surprendre, et donc ne pas y répondre dans un premier temps.
Meaningful gameplay et scénario émergent
Notre propos est le suivant : une bonne intrigue propose des intrications dans le programme narratif lui-même, de sorte que chaque phase du programme narratif contient son propre programme narratif, et donc son lot de rebondissements, ce qui permet en soi de ne pas les zapper ni donner une sensation de lourdeur avec des propos à rallonge. Une bonne intrigue de jeu vidéo va plus loin : elle donne du sens au gameplay (meaningful gameplay) et restitue une narration qui passe par le jeu sans l’interrompre (scénario émergent). Ainsi, le pragmatique et le cognitif ne correspondent plus strictement à des phases d’information et des phases d’action, mais les deux à la fois. Exit la cinématique suivie du gameplay, du briefing suivi de l’exécution : cela permet d’inventer des mécanismes de jeu qui ont plus d’impact car ils ont plus de sens.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’évacuer totalement les phases de pure narration et de gameplay, mais de les faire coïncider pour renforcer leur effet, comme c’est le cas dans la phase de manipulation de D00M 4. Mais dans un jeu idéal, meaningful gameplay et scénario émergent sont une seule et même chose.
Exemple : blessé (M) au lieu de ramasser des coeurs comme dans OOT, le joueur peut être amené, comme dans Breath of the Wild, à regagner de la vie en chassant, cuisinant puis mangeant, ce qui inclut de la narration dans le gameplay (C, P et S consistants, et pas expédiés dans une action abstraite de ramassage de bonus).
Note : pour le faire bien, il ne faut pas le faire à moitié, c’est-à-dire en faisant semblant de l’inclure dans le gameplay alors qu’en fait, ce n’est que de la représentation passive, c’est-à-dire non réellement interactive. Skyrim, contre-exemple absolu en terme de meaningful gameplay ou même scénario tout court (c’est mon avis et je le partage), a voulu distinguer la nourriture de l’alchimie à l'inverse des opus précédents - mais sûrement de peur de rebuter le joueur, la cuisine est pratiquement inutile, de sorte qu’elle est totalement inconsistante et se contente de faire acte de présence dans le gameplay. Résultat ? On a beau se taper 50 steaks de mammouth par jour, on a l’impression d’avaler du vent, puisque ça n’influence que très peu la mécanique du jeu. L’idée du barbare vorace fait un flop monumental, et le joueur qui n’a pas le courage de pallier au système de jeu avec son imagination va se contenter de boire des potions trouvées dans les coffres, et on en revient aux bonus de santé mentionnés plus haut.
Ainsi, pour rendre une phase du jeu consistante, on peut se figurer qu’elle correspond à une phase du programme narratif, qui peut elle-même être déclinée en un programme narratif tout entier.
Un rebondissement simple, purement scénaristique, donne du sens aux actions des joueurs : la phase de sanction, souvent négligée puisqu’elle dresse un bilan des actions du joueur en un débriefing de fin de niveau, tableau de score, etc, peut se transformer en nouvelle motivation.