PUBLICATION DU 19 NOVEMBRE 2023

Qu’est-ce que les Journée de l'Economie (JECO) ?

3 minutes

Si des conférences sur l’économie ne vous procurent aucune forme d’excitation, vous n’êtes sûrement pas seul. En effet, l’économie est parfois perçue du grand public comme une matière non seulement complexe et inintéressante mais surtout comme décorrélée de nombreux enjeux sociétaux. Pourtant, comme les autres sciences sociales, cette discipline réfléchit non seulement depuis quelques siècles à des modèles de sociétés multiples mais permet également de réfléchir à différents futurs. Les JECO, « Journées de l'Économie » se tiennent tous les ans à Lyon depuis 2008 et proposent à un large public un panel varié de conférences au sujet de la discipline économique. Elles font le pari de proposer gratuitement des débats et des interventions de qualité pour permettre à tous d’être en mesure de comprendre de grands principes fondamentaux et de suivre les débats actuels. Pendant quelques jours, les différents intervenants explorent des sujets techniques et actuels tout comme ils reviennent sur des approches plus large des sciences humaines à travers l’histoire de la pensée économique. Les conférences annuelles se sont tenues du 13 au 16 novembre dans différents espaces, souvent au sein des universités lyonnaises. Le thème de cette année était : « surmonter nos fragilités » en explorant notamment trois spectres : l’impact de l’inflation sur nos quotidiens, la lutte contre le dérèglement climatique et le rôle de l’Europe.

La fondation Innovation et Transition

 

"Les JECO sont organisées par la fondation « Innovation et Transition ».

“La Fondation Innovation et Transitions a pour ambition, en liaison avec le monde socio-

économique, de favoriser le progrès de la connaissance et de l'innovation en portant des

actions soutenues par un ou plusieurs acteurs du territoire."1


C’est un organisme privé qui a été reconnu d’utilité publique par le Conseil d’Etat. Pour cela elle devait répondre à trois critères essentiels :

-          C’est une organisation à but non-lucrative, cela signifie qu’elle ne cherche pas à générer de profit.

-          La gestion de la fondation est désintéressée, ses membres ne tirent aucune forme de bénéfice.

-          Enfin la fondation bénéficie au plus grand monde en organisant des évènements publics et gratuits.

« Innovation et Transition » fait appel à des chercheurs, des enseignants, des travailleurs du monde économique et des membres de diverses institutions pour faire progresser la connaissance et le savoir dans la discipline économique. 

 

Le comité scientifique

Pour l’organisation des conférences, un comité scientifique est chargé de l’organisation sur le plan intellectuel. Ainsi, il sélectionne les sujets qui seront traités, choisit les invités et réfléchit à la forme que prendront les interventions. Ce comité est dirigé par Philippe Aghion, un économiste français au parcours impressionnant. En effet, il étudie successivement les mathématiques à l’ENS de Cachan puis l’économie à Paris I et à Harvard. Depuis, il travaille principalement en tant que chercheur ou professeur. Ses travaux sont majoritairement macroéconomiques, cela signifie qu’il étudie l’évolution de grands agrégats comme l’emploi, la dette, le chômage mais il investit particulièrement les notions de croissance et d’innovation. A ses côtés, on retrouve Marie Claire Villeval en tant que Vice-présidente qui est directrice de recherche au CNRS et Alain Trannoy, enseignant, en tant que Vice-président.

 

La cellule de pilotage

S’il est évident qu’un comité scientifique est nécessaire pour assurer la qualité intellectuelle des débats, l’ampleur du projet nécessite également une équipe d’organisation, des partenaires et des mécènes pour obtenir des financements. En effet, trois acteurs partagent le rôle de Mécène Officiel. On retrouve « l’Institut de la Recherche » de « La Caisse des Dépôts », une institution financière publique ; le groupe « Apicil » un groupe français de protection sociale et « l’Insee » un institut national chargé de produire des études et des statistiques sur l’économie française. Cependant ce ne sont pas les seuls mécènes de l’organisation, on peut également trouver des acteurs du monde du transport tels que « Keolis » ou « Transdev » et du monde de l’éducation comme l’ENS ou l’université Lyon II. 


Si vous n’étiez pas à Lyon la semaine dernière, pas de panique ! Toutes les conférences sont disponibles en replay sur le site des JECO à l’adresse suivante : https://www.journeeseconomie.org/


Sources :

1: citation issue du site de la Fondation Innovations et Transitions (https://www.fondation-fit.org/


Zélia MILOT

Les Journées de l'Économie : le green deal, un défi européen ?

 6 minutes 

Cette semaine, à l’occasion de la 16ème édition des Journées de l’économie (JECO), l’équipe de l’Eclipse s’est déplacée à Lyon pour assister aux conférences de la crème des spécialistes en la matière. Des économistes, des chefs d’entreprise, des experts de l’administration, des journalistes, des acteurs sociaux, des responsables politiques et plus de 250 intervenants, venus partager leurs recherches et leurs expériences auprès de 40 000 participants, à travers 65 conférences. 

Nous tenons à remercier avant toute chose le système universitaire Côte d’Azur pour nous avoir permis d'accéder à cet événement ainsi que la Fondation Innovation et Transition de Lyon pour avoir, cette année encore, organisé et mené à bien ces journées. 


Pour en savoir plus sur les JÉCO : article "Qu'est ce que les JECO ?"


Cet article se présente comme un bilan de la conférence abordant le Green Deal Industriel en mettant en relief l’implication de l’Europe. Cette dernière s’est déroulée comme une interview, encadrée par la modératrice Sophie Pedder. L’objectif est de donner une vision globale de l’avancement du plan industriel du pacte vert en Europe, en prenant en compte les relations internes à l’Europe - plus précisément à l’Union européenne - et les relations externes. 


Pour avoir accès à la bibliothèque virtuelle des JÉCO : http://www.touteconomie.org/conferences




Le Green Deal industriel ; un défi européen ? 

La conférence en 7 points clés


Où en est l’Europe dans la transition écologique ?


L’industrie est mise cul par-dessus tête”. Les mots de l’économiste Sébastien Jean sont directs et limpides. 

Une révolution importante et brutale est à opérer, que les acteurs privés ne peuvent pas assumer. Des paris risqués sont en jeu, des infrastructures sont à construire, sans oublier l'objectif final du Green Deal soit la neutralité écologique d’ici 2050. Le rôle des Etats dans cette transition n’est donc absolument pas négligeable - même s’il n’est pas exclusif pour autant.

Il s’agit pour les pays membres de l’Union Européenne de trouver des accords et une ligne de conduite commune pour parvenir à un développement de technologies et de produits à zéro émission nette.


L’intervenant pose alors la question d’un potentiel retard vis-à-vis des États-Unis. 

De l’autre côté de l’Atlantique, nous pouvons voir le gouvernement américain subventionner jusqu’à 26 dollars par MWh consommé par une entreprise dans le cadre de la loi sur la réduction de l'inflation. Cette loi s’inscrit d’ailleurs comme la législation en faveur du climat la plus décisive de l'histoire du pays. Mais doit-on pour autant en conclure que le Green Deal européen avance à reculons ?

L’Europe, comme à son habitude, mise une grande partie de la réussite de ce projet sur les programmes communautaires. Chaque pays a entamé son débat sur la transition écologique à l’échelle nationale, mais sonne maintenant l’heure de travailler ensemble. Jusqu’à présent, les chiffres mènent à penser que le progrès est lent mais certain : la capacité de production d’énergie éolienne et solaire renouvelable dans l’UE a augmenté de 25 % par rapport à 2020.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen prévoit également qu’”un meilleur accès au financement permettra à nos principales industries de technologies propres de se développer rapidement”. Or, ces financements existent.


Les moyens déployés par l’UE sont-ils suffisants ?

S’il est certain que ces financements existent, sont-ils suffisants pour entamer et mener à bien la transition écologique promise aux européens ?

Les Américains ne seraient-ils pas, une fois de plus, sur la bonne voie pour nous devancer dans l’accomplissement de cette transition ?


Si on se compare avec quelqu’un, il faut se demander si on a fait tout ce qu’il faut pour être comme lui.

L’ancienne députée européenne Sylvie Goulard intervient sur cette question en prenant soin de reposer le cadre de l’enjeu à travers le paradoxe de Bossuet.

Les gouvernements se lamentent ici de problèmes dont ils ne traitent pas les causes. Tout d’abord, pour ne pas comparer l’incomparable, l’Union Européenne, bien que partenariat de plusieurs Etats, n’a en aucun cas  une structure étatique comparable à celle des Etats-Unis d’Amérique. Ensuite, l’Europe possède des atouts historiques notables en ce qui concerne l’évolution de la pensée économique : pendant des décennies, elle s’est battue, et se bat encore, pour l’ouverture économique malgré les politiques protectionnistes des Etats. 

De plus, il est nécessaire de mentionner que les financements des Etats-Unis proviennent majoritairement d’acteurs privés, alors que les fonds européens dépendent de l’argent public. 


Zoom sur l’Allemagne


C’est la directrice de l’axe de travail Politique Économique de l’Institut Franco-Allemand Eileen Keller qui prend la parole sur ce sujet.

Un point sur la montée du parti écologique allemand (Die Grünen) s’impose. En 2019, lors des élections européennes, les Grünen obtiennent 20,5 % des voix, ce qui les propulse au rang de deuxième force politique au sein de l’Union Européenne. 

Le grand projet de transition écologique allemand, qui est source de tensions  avec la France, stipule la fameuse sortie du nucléaire. Ce projet n’est pas sans conséquences : on remarque qu’en Allemagne le prix de l'énergie explose, entre 2019 et 2023 il a triplé. Ajoutez à cela la forte dépendance allemande au gaz russe et vous obtenez la face cachée du Green Deal : l’incapacité, ou du moins la forte difficulté des pays à trouver un consensus. 

Les barrières de la transition écologique allemande peuvent être recensées en trois points : un contexte géopolitique aujourd’hui moins propice aux exportations, une main d'œuvre peu qualifiée et une structure bureaucratique opaque. 


Le conflit franco allemand sur le nucléaire 


Eileen Keller continue sur sa lancée en expliquant que les politiques énergétiques des pays sont nationales et donc toutes légitimes en un sens. Seulement, elles ne sont pas nécessairement cohérentes.

L’objectif est donc de reconnaître ces divergences de fond et de faire des compromis. Encore une fois, on observe que la seule façon de parvenir aux objectifs fixés se loge dans la recherche du consensus européen.


Pour Sébastien Jean, la problématique est régionale ; on constate que le prix du gaz varie énormément d’une région du monde à une autre.

En ce qui concerne Sylvie Goulard, essayer de garder un marché intérieur où chacun décide pour lui-même ne reviendrait qu’à abîmer la relation franco-allemande. “La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas”. Il s’agirait de commencer à mettre en place des actions à la hauteur des débats politiques. 


Les comportements paradoxaux des Etats ne nous mènent-ils pas à un monde à l’envers ?


La concurrence internationale est aujourd’hui tendue, complexe et ne fait pas que des gagnants. Les différents pays du monde n’en sont pas moins interdépendants. 

Il est certain qu’une révolution de la transition écologique est en cours, mais c’est un phénomène dont chaque État cherche malheureusement à s’emparer pour ne pas dépendre d’un autre. 

Pour reprendre les mots de Sébastien Jean : “L’ouverture est une condition sine qua non de l’efficacité économique” et par extension, de l'efficacité du Green Deal.

Les inquiétudes du Senior Advisor chez Vitale & Co Fabrizio Pagani portent plus sur le fait de n’obtenir ni les financements européens, ni les programmes communautaires.


Des politiciens trop déconnectés de la réalité ?


Cette question a eu le mérite de mettre d’accord les quatre intervenants. Il s’agit ici d’une forme de guerre invisible, mais relativement à toutes les autres guerres que l’humanité à connu, nous ne pouvons pas simplement signer un accord ou faire se rencontrer des dirigeants.

Il y a  un acteur inédit dans ce conflit, un acteur avec lequel on ne peut pas négocier : le temps. La transition écologique est une véritable course contre la montre. Personne n’a le pouvoir de rallonger le délai de l’humanité pour réparer ses erreurs.

Les politiciens ne sont donc pas déconnectés de la réalité même si leur engagement environnemental laisse amplement à désirer. 


Les points positifs et conseils des intervenants.


La thématique environnementale cause sur notre génération tout particulièrement beaucoup d'anxiété : on voit même émerger des néologismes comme “éco-anxiété”. Chose dont les intervenants avaient conscience et raison pour laquelle cette conférence s'est terminée sur une prise de parole successive dans le but d'énumérer des points positifs.


Sébastien Jean : On se bat pour quelque chose de possible.


Eileen Keller : Nous sommes moteurs de changement dans les perceptions et nourrissons une réelle volonté d’agir.


Fabrizio Pagani : On constate une réelle prise de conscience des entreprises qui commencent à agir.


Sylvie Goulard : Engagez-vous ! Soyez plus que des consommateurs.


Loi sur la réduction de l’inflation aux US

Le Green Deal Industriel