PUBLICATION DU 19 NOVEMBRE 2023

Les riches, ces grands philanthropes 

Petit aperçu historique de la philanthropie américaine 

Dans de nombreux journaux, il peut être assez courant de retrouver des classements. Mais pas n'importe quel classement, il s'agit de celui « des hommes les plus généreux ». En haut du podium, cela peut varier, mais souvent, ce sont les noms de personnalités connues du grand public qui ressortent, tel que Mark Zuckerberg (2015), Bill Gates (2020)... en bref, des personnalités connues, mais surtout des personnalités riches. Si cette observation peut certes surprendre, mais surtout dans un premier temps redonner foi en l'humanité, il est peut-être décevant de constater que les raisons de ces multiples donations n'ont pas réellement pour but de se mettre au service d'autrui, mais qui au contraire entre dans une stratégie capitaliste d'accumulation de richesse. Cela peut vous sembler paradoxal ? C'est normal, on parle quand même de faire des dons qui nous permettraient de gagner encore plus d'argent. Pour tout vous expliquer, laissez-moi remonter le temps et vous donnez un aperçu de ce que je nomme comme étant la philanthropie américaine.

Si on doit donner un point de départ à cette idée, ce serait en 1891, aux Etats-Unis avec la parution d'un article d'Andrew Carnegie. Cet homme, issu d'une modeste famille écossaise, est parvenu à devenir l'un des plus grands millionnaires américains de son siècle en ayant construit la Carnegie Steel Company, l'entreprise industrielle la plus grande et la plus rentable au monde dans les années 1890. Il est le parfait archétype du personnage partant de rien et qui a su s'enrichir grâce au système américain : l'American Dream dans toute sa splendeur. C'est alors que Carnegie, grand penseur, s'interroge : Pourquoi lui ? Pourquoi possède-t-il une incroyable richesse et pas un autre ? Il donne une réponse à ces questions dans son ouvrage en 1981: L'évangile de la richesse. Cet ouvrage, véritable référence pour les millionnaires et milliardaires américains de cette époque, affirme que les inégalités sont parfaitement naturelles et légitimes. En effet, la richesse serait le principal marqueur de la capacité d'un Homme qui serait de facto supérieur aux autres. L'héritage n'est pas pris en compte puisqu'il devrait être supprimé selon l'ouvrage. Les personnes riches possédaient alors le devoir de mener des projets philanthropiques, comme construire des hôpitaux par exemple, financer des écoles... En d'autres mots, ils seraient en quelque sorte responsables des plus pauvres qui eux, ne seraient pas assez capables de se débrouiller tout seul. C'est ainsi qu'Andrew Carnegie va faire le don d'un million de dollars à l'université de Chicago qui accepte généreusement. Ce don sera loin d'être le dernier pour le millionnaire, ce qui lui valut le qualificatif de philanthrope. Qualificatif qui figure par ailleurs en première place dans ses activités sur sa page Wikipédia. C'est que cela doit sûrement être le cas.

Mais concrètement, qu'est-ce qu'un philanthrope ? Plus largement, qu'est-ce que la philanthropie ? Terme apparu au XVIème siècle, et issu tout droit du grec phileîn, « aimer » et anthrôpos, « homme », il désigne l'Amour de l’humanité. Il s'agit donc d'une personne qui par son attitude et ses actes s'attache à améliorer la condition de ses semblables.

A présent, en ayant connaissance de cette définition, on pourrait émettre quelques critiques à son emploi pour Carnegie. Car après tout, est-ce réellement philanthropique de s'allier consciemment et de financer la campagne présidentielle d'un homme (ici, il s'agit de McKinley durant les années 1890) pour contrer un autre (William Jenny Brian) afin de l'empêcher de mettre en place une politique sociale plus avantageuse pour le plus grand nombre au détriment des plus riches ? Est-ce réellement philanthropique de tirer sur ses ouvriers afin de les empêcher qu'ils ne forment un syndicat en 1892 à Homestead, faisant ainsi sept morts ?

En réalité, un philanthrope, un homme généreux, c'est un homme qui donne de l'argent et puis c'est tout. Peu importe les actions dans l'ombre au final. Encore mieux, peu importe leur but. En effet, tant qu'il y a des associations pour aider les plus démunis et des gens qui sont là pour les financer, le but de ces riches philanthropes n'est qu'un minuscule détail.

Seulement, est-ce toujours un détail si la philanthropie devient un moyen pour les grands groupes et ces riches personnes d'échapper aux mesures fiscales instaurées par l’État ?



En effet, un des rôles de l'Etat est de freiner les débordements du capitalisme, notamment en y interdisant les monopoles et en instaurant de lourdes taxes chez les groupes et personnes les plus riches. C'est ce que fait le Sénat étasunien au début du XXème siècle en mettant en place un lourd impôt sur les 4% de la population la plus riche d'Amérique. Un homme appartenant à ces 4%, il s'agissait de J. D. Rockefeller, fondateur de Standard Oil, détenteur ainsi de 90% du pétrole américain. Il acquiert sa richesse notamment en faisant faire faillite à ses concurrents à coup de corruption, en s'appropriant des terres, en les polluant et en faisant monter les prix. Cela lui valut d'être détesté de son temps par une importante partie de la population étasunienne. Mais c'était avant qu'il ne se lance lui aussi dans la philanthropie, attribuant cette nouvelle pratique à l'altruisme et aux bons conseils de sa mère, et faisant don de 600 millions de dollars, mais surtout en créant une association caritative privée : Foundation Rockefeller en 1913. Avec cette association qu'il finance lui-même, dans le but selon lui de « promouvoir le bien-être de l'humanité dans le monde », Rockefeller échappe aux impôts. Encore mieux, il lui était permis de demander des dons à une population étasunienne, dont la majorité cumulée n'avait pas le tiers de sa richesse. Ainsi, cette association lui permit de payer moins d'impôts qu'un simple secrétaire, de redorer son image et également de faire diversion lorsque lui, ou un membre de sa famille, était proche de faire un scandale. Ce fut le cas par exemple après le massacre de Ludlow (avril 1914) mené par son fils où, il créa à partir de la fondation le département des relations industrielles, visant à mieux comprendre les mouvements sociaux. On oublia bien vite l'auteur initial de ce massacre et le nom Rockefeller sera lié à sa fondation qui elle-même fera référence à ce département.

« Âgé de 97 ans, Rockefeller vient de mourir. Créateur de la gigantesque Standar Oil et autrefois surnommé l'Homme le plus riche du Monde, Monsieur Rockefeller a gagné le droit de se faire appeler le plus grand philanthrope du Monde. » NewYork Times, 30 juin 1937.


Durant notre siècle, la philanthropie et les associations caritatives continuent d'être de parfaites niches fiscales pour les millionnaires, voire milliardaires. En France, selon les annexes de la loi de finance 2024, la réduction d'impôt pour les dons caritatifs présenterait un coût d'1,77 milliard d'euro à l’État. En effet, en échange de dons caritatifs, les donateurs bénéficient d'une réduction d'impôt de 66% ou 75% du montant donné. Montant donné la plupart du temps à des associations privées, parfois appartenant à des millionnaires et milliardaires. Également, dans l'Hexagone, la pratique du mécénat culturel reste celle qui attire le plus l'attention des dons derrière les projets à vocation sociale. Pour expliquer dans les grandes lignes, que ce soit par amour de l'art ou de la culture en général, il peut s'agir soit de financements de rénovations du patrimoine, souvent en passant par une association privée. Ou bien encore, ce mécénat peut consister à faire sous forme de don le rachat d’œuvres d'art, œuvres qu'il leur est possible par la suite de prêter ou bien de louer à des musées.

Ainsi, les associations restent l'un des meilleurs moyens pour réduire les impôts des plus riches, mais également et surtout, comme on l'a vu, de participer à la construction d'une bonne image du philanthrope. Ce fut notamment le cas de Bill Gate, le cofondateur de Microsoft et l'un des plus riches et puissants du Monde. Au début de sa carrière, le milliardaire en devenir n'était pas très aimé de ses compatriotes américains, dû à l'image stéréotypée de l'entrepreneur qui ne cherche que son propre intérêt. Marchant sur les pas de ses prédécesseurs, il créa la fondation Bill & Mélinda Gates dont l'objectif est d'améliorer à l'échelle mondiale les soins de santé, l'extrême pauvreté et élargir l'accès à l'éducation. Elle reste un des principaux acteurs du mouvement de l'altruisme efficace avec des dotations qui s'élèveraient à 50,7 milliards (31 décembre 2017). Cela lui permet également d'agrandir son cercle d'influence, notamment en faisant des partenariats avec certaines presses qu'elle finance, comme c'est le cas de Monde Afrique ou The Gardian.

Ainsi, si je devais émettre une conclusion sur tout ceci je dirais qu'il y a deux caractéristiques à l'Homme puissant. La première, c'est qu'il voudra le rester. Or, de nos jours, la concentration de richesse fait la puissance. Donc, il faut trouver des moyens pour concentrer le plus de richesse. L'autre caractéristique est que l'Homme puissant est orgueilleux et possède une haute estime de lui-même, ainsi, il voudra que les autres l'estime également et l'aime tout autant. Donc, quoi de mieux que de donner une part infime de son argent à quelques associations, mieux, en créer une afin de se faire aimer en se montrant comme un bienfaiteur, et, dans le même temps, concentrer encore plus de richesse afin d'échapper aux impôts sur le revenu. Les œuvres caritatives n'ont alors pas pour but premier d'améliorer le bien être collectif, mais de servir de moyen dans la recherche de l'intérêt individuel. Car après tout, c'est ça le Rêve Américain !


Sources : 

Comment fonctionne le partenariat entre « Le Monde » et la Fondation Gates

Niche fiscale ou philanthropie sincère, les vraies raisons du mécénat (lepoint.fr)

Les dix hommes les plus généreux du monde (ouest-france.fr)

Les 25 Donateurs Les Plus Généreux Des États-Unis - Forbes France

Andrew Carnegie prétendait soutenir les syndicats, mais les a ensuite détruits dans son empire de l'acier | HISTOIRE | Li Linguas


Chloé D.

PUBLICATION DU 30 OCTOBRE 2023

Les corbeaux : de funèbres charognards en carence affective. 

 7 minutes

Alors que les couleurs automnales viennent embraser le paysage, les cris perçants et rauques des corbeaux semblent pour une fois en accord avec l'ambiance d'Halloween qui approche à grands pas. Saison de pluies, mais également des mystères, du lugubre et de la Mort, elle me paraît être le décor idéal pour m'interroger avec vous sur un fait étrange ayant frappé plusieurs communes en France, faisant même la une de quelques médias tels que BFMTV en mai 2023. Faites attention mesdames et messieurs : « En France, les corbeaux sèment la terreur et attaquent les passants » (je cite Soirmag). En effet, en Haute-Savoie pour commencer, particulièrement à Annecy, ces oiseaux de malheur se mettent à s'en prendre aux habitants, venant même à leur causer quelques blessures. 

« Il m'a fait très mal puisque je saignais », a confié Andrée, une retraitée de la commune d'Annecy sur BFMTV.  

Les plaintes, même si elles ne font plus les unes ( étant donné que les attaques ne se font plus aussi violentes que celles de Mai 2023 à Annecy) , ne s'amenuisent pas pour autant, et la période des feuilles mortes et des citrouilles ne semblent pas faire exception.  

Mais pourquoi donc ces soudaines attaques ? Certains médias supposent (et probablement à raison pour certains cas) que la cause viendrait de l'abattage de certains arbres dans la ville. Les corbeaux freux, faisant partie des corvidés sont des oiseaux intelligents qui comme nous, n'hésiteraient pas à attaquer ceux qu'ils considéreraient comme des agresseurs. Seulement, ce cas de figure ne se retrouve pas dans tous les cas d'attaques de corbeaux. Serait-ce le coups d'un mauvais sort ? D'une persécution divine ? D'une vengeance ? (peut-être, qui sait...). 

Et si en vérité, l'explication se révélait bien moins mythique que cela et que ces funèbres oiseaux noirs étaient tout simplement en manque d'affection et d'attention ? Que de perfides coupables, seraient-ils en réalité d'éperdues victimes de nos actes encore une fois ?  

Laissez-moi donc vous éclairer en vous racontant en quelques lignes l'Histoire de ce charognard nuisible dont le simple croassement pourrait en faire frissonner quelques-uns.  Il est vrai que le corbeau dans nos sociétés occidentales n'a jamais eu très bonne réputation dans nos cultures et nos croyances. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Au contraire,  dans les anciennes croyances païennes, le corbeau était considéré comme un médiateur entre le monde des Dieux et celui des Hommes, et par extension entre le monde des Morts et celui des Vivants. Ainsi donc, selon Strabon,  en Grèce  ce sont les corbeaux qui déterminent l'emplacement du centre du Monde (l'omphalos) se situant au temple de Delphes. Ce temple est celui du dieu Apollon. L'oiseau est donc considéré comme un symbole solaire. C'est le cas également à Rome où il était l'attribut du dieu Mithra, dieu pour lequel on célébrait chaque année la renaissance au moment d'une solstice d'hiver. De plus, il possède également un rôle de messager, remplissant ainsi des fonctions véritablement prophétiques. On ne peut ici que faire référence à Hugin et Munin, les corbeaux du dieu viking Odin qui sont les yeux et les oreilles de celui-ci, jouant un rôle primordial et loin d'être négatif dans les croyances scandinaves. Ainsi, dans les sagesses des vieux mythes, la symbolique du corbeau est quasi omniprésente et n'est en aucun point rattachée à cette image « d'oiseau de mauvaise augure » qu'on a l'habitude de lui attribuer de nos jours. Seulement, c'était sans compter l'émergence et la diffusion du christianisme et de la Bible. En effet, le corbeau faisant partie de ces animaux qui prenaient beaucoup trop de place dans les religions païennes (au même titre que l'ours, le loup et même le bouc) : le diaboliser et en faire un attribut du Mal, permettaient d'inciter les païens à abandonner leur croyances au profit du christianisme. L’Église s'approprie alors ce rôle de médiateur entre le Monde des morts et celui des vivants, laissant au corbeau celui du péché et porteur de mauvaises nouvelles (vous connaissez sans doute l'épisode du Déluge dans la Genèse où Noé avant d'envoyer la colombe envoie un corbeau afin de trouver une terre, corbeau qui ne revint jamais, paresseux et égoïste).  

En plus de cela, nous avons tenté durant des siècles de le faire disparaître à cause de son image négative imposée par le judéo-christianisme, mais surtout parce qu'ils pillaient et se nourrissaient des semences des agriculteurs. Seulement, l'animal est malin. Malin, mais également sociable et doué d'une forte empathie ! De la même manière que nous les Hommes, les corbeaux aussi pour survivre, ont dû s'associer entre eux. Ils ne sont donc pas si différents de nous sur ce point, et possèdent une forte capacité d'adaptation. Ainsi, de nos jours, à cause de nombreuses déforestations, mais également parce que nous les chassons de plus en plus dans les plaines, de nombreux corvidés se mettent à migrer et à s'installer dans nos villes. Il n'est donc plus surprenant de croiser la route d'un de ces oiseaux dans les rues de Nice, près du campus de Saint Jean d'Angély. Corvidé qu'on qualifie comme étant des nuisibles (i.e animal pouvant occasionner du tort et des dégâts), et sûrement à raison puisque que comme on l'a vu plus haut, ces oiseaux se mettent à attaquer les passants.  

Seulement, il est faux d'affirmer que les corbeaux dans leur globalité commettent ces agressions. En réalité, il y a deux choses à savoir sur ces attaques. La première est qu'un corbeau possède une excellente mémoire et est capable de différencier différents individus entre eux. De ce fait, un corbeau est incapable d'oublier un visage, surtout le visage d'un individu qui lui cause du tort (auquel il n'hésiterait pas à attaquer s'il le revoit, sans pour autant s'en prendre aux autres). Seulement, les plaintes déposées au sujet des corvidés ne concernent en réalité qu'une partie des corbeaux, ceux qui sont, dès leur plus jeune âge, recueillis par des humains et abandonnés ensuite. En effet, on retrouve de plus en plus de corbeaux, et par conséquent de jeunes corbeaux dans nos villes. Il arrive donc (il suffit de traîner un peu sur les réseaux) que certains individus recueillent ces jeunes corbeaux pour au départ les soigner et les garder jusqu'à l'âge de jeunes adultes. Or, un corbeau est très joueur en plus d'être empathique, l'être humain va donc vouloir le garder, jouer avec lui, prendre soin de lui comme un enfant... Jusqu'au jour où il va le relâcher car cela reste un animal sauvage. D’autant plus qu’ un corvidé mine de rien est un animal demandant beaucoup d'entretien et d'attention. Seulement ce qu'on ignore, c'est que le jeune oiseau, ayant grandi parmi les hommes, devient incapable de s'identifier aux autres corbeaux avec qui il pourrait entretenir une vie sociable. Par comparaison, c'est comme si, du jour au lendemain, on abandonnait un enfant à la rue sans lui donner aucune explication ni aucune leçon de survie. Il sera alors incapable de se débrouiller seul et en manque cruel d'affection. Le cas de ces jeunes corbeaux abandonnés est plus nombreux qu'on ne le pense, et ce sont eux qui, dans une incompréhension et un mal-être total, vont devenir violents envers les Hommes, leur causant plus ou moins de lourds dommages.  

Je suis donc bien d'accord avec vous, les corbeaux peuvent nous causer du tort, parfois à nous en faire faire des cauchemars et quelques points de sutures, mais qu'est-ce en comparaison de ce que nous leur infligeons ? D'un autre côté, il semblerait qu'il relève de la nature humaine de vouloir tout catégoriser dans des petites cases : ce qui est « bon » et ce qui est « mauvais ». C'est vrai, un animal qui nous donne de l'affection est une bonne compagnie comme le chien, qui nous nourrit comme la vache ou qui nous amuse comme un jeune corbeau est forcément bon. Par contre, un animal qui traîne dans nos rues, qui fouille nos poubelles, qui croasse, qui jacasse et qui parfois nous dérange et nous attaque est forcément mauvais. C'est le cas des nuisibles comme les corbeaux.  

L'Homme est doué pour donner des définitions complexes aux nombreux substantifs qu'ils créent, laissez-moi donc, en cette fin d'article, vous en donner une de ce qu'est véritablement un nuisible. 

Nuisible, n.m : animal avec lequel il peut nous arriver de partager le même espace, mais qui serait inutile, non pas dans l'organisation de la biodiversité ni même l'ordre de la nature, mais pour nous dans le sens où nous ne lui en trouverons aucune, dans notre esprit illuminé d'être humain.   

Sources :  

https://www.bfmtv.com/societe/haute-savoie-des-dizaines-de-corbeaux-attaquent-les-passants-d-un-quartier-d-annecy_AN-202305100369.html

https://www.etudes-revelations-bibliques.com/article-les-corbeaux-108946772.html

https://menviking.fr/blogs/viking-mythologie-nordique/corbeau-mythologie-nordique-viking

Les corbeaux sont-ils si intelligents que ça ? | Sorbonne Université (sorbonne-universite.fr) Le Corbeau, de Michel Pastoureau  

Mécanique du vivant : Le corbeau , France Culture 

Chloé D.  

Rêver plus tard ou agir au présent ?

7 minutes

Le soir du 6 avril 1994, l’avion du président rwandais Habyarimana est abattu par un missile au-dessus de l’aéroport de Kigali. Cet attentat marque le début du génocide rwandais. 


Le 7 avril 1994, les exactions et les exécutions commises par les Hutus sur les Tutsis se comptent déjà par milliers. Alarmés par les tirs et les hurlements qui se font entendre dans toute la capitale, Tutsis et opposants au gouvernement Hutu craignent pour leur vie et se réfugient par milliers dans les postes militaires des Nations Unis alentour. 2000 d'entre eux y parviennent en rejoignant l’École Techniques Officielle de Don Bosco (ETO) où sont cantonnés 92 soldats belges de l’ONU. Immédiatement, les casques bleus accueillent les civils en danger et barricadent l’enceinte de l’école alors que les milices Hutus Interahamwe assiègent le site en brandissant en l’air leurs machettes et armes à feu. Hélas, les réfugiés ne seront sous la protection des forces militaires que 5 jours puisque le 11 avril vers 13h, les casques bleus de la Mission des Nations-Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) reçoivent l’ordre de quitter l’ETO pour l’aéroport de Kigali ;  abandonnant aux tueurs Hutus les Tutsis qui s’étaient réfugiés auprès d’eux. À 14H30, la quasi-totalité des 2000 civils dont 400 enfants sont assassinés. C’est le massacre de l’École Technique Officielle de Kigali. 

Cet épisode du génocide rwandais est considéré comme étant l’un des plus tragiques et violents. 


Pour ma part, il semble être l’un des plus révoltants car l’obéissance des casques bleus de l’ETO aux injonctions onusiennes les a menés à devenir des témoins passifs du génocide. 


Ce passage de la guerre civile rwandaise m’intéresse beaucoup de par son côté tragique mais surtout parce qu’il soulève une question fondamentale : faut-il respecter les ordres à tout prix ?

Je me suis posé longtemps cette question dans tous les sens possibles et vu que je ne 

manque d’imagination je me suis laissé à imaginer une issue différente à celle que l’on connaît du massacre de l’ETO pour le simple plaisir du rêver. 


Dans ce sens, qu'elle aurait pu être l’issue de la situation si le capitaine Luc Lemaire par exemple, avait agi différemment et dépassé ses ordres ?


En effet, étant le militaire le plus gradé sur le site, il aurait eu le pouvoir d’influer sur le futur des 2000 civils en se révoltant face aux sommations de sa hiérarchie pour continuer à protéger l’ETO. Il lui aurait incombé d’ailleurs, de ne pas se soumettre à des ordres, certes légaux, mais illégitimes car contraires aux droits de l’homme ; et ce malgré le risque de perdre ses soldats et d’endurer des sanctions. 


Premièrement c’est l’aspect juridique et moral qui aurait pu l’obliger à rester à l’ETO. En effet, selon le paragraphe 17 des règles d’engagement, le capitaine était obligé, en tant que militaire et du fait de la situation, d’user de la force pour empêcher et arrêter toutes formes de crimes contre l’humanité. Ici, il s’agissait surtout de faire respecter le droit international et notamment les conventions de Genève de 1948 et 1949 qui l’obligeaient de prévenir tous les crimes de génocide et de guerre. 

Deuxièmement, il aurait pu faire le choix d’enfreindre les ordres du Secrétariat des Nations Unies pour des raisons stratégiques. En effet, continuer de tenir l’ETO par la force aurait fait état d’une démonstration de force militaire qui aurait eu deux conséquences. 

D’abord, cela aurait pu faire reculer les génocidaires les moins déterminés ; ensuite, l’attitude du détachement de la MINUAR cantonnée à l’ETO aurait pu influencer la communauté internationale en lui montrant que les génocidaires n’étaient en réalité, pour la plupart, que de simples civils armés non entrainés pouvant être rapidement neutralisés. Cela aurait pu d’inciter le Secrétariat des Nations Unies à accorder plus de liberté aux casques bleus en élargissant le mandat de la MINUAR comme le demandait sans cesse  le lieutenant-général et un homme politique canadien, Roméo Dallaire. Plus encore, cela aurait pu inciter la communauté internationale à intervenir plus tôt. 


Pour ces diverses raisons, faire le choix en la personne de Luc Lemaire d’enfreindre les ordres onusiens et ne pas quitter l’ETO le 11 avril 1994 aurait peut-être permis de sauver 2000 hommes et stopper la progression d’un génocide qui sera qualifié plus tard du « plus rapide de l’histoire ».

En rêvassant de la sorte, je me suis rendu compte de quelque chose. Une idée m’est apparue comme une illumination. 


Il semble plus simple de rêver que d’agir concernant le génocide rwandais sachant qu’il s’inscrit dans le passé. Les faits historiques s’inscrivent dans le temps de manière très précise. Pourtant, bien que l’imagination soit fondamentale dans n’importe quel domaine, c’est la concrétisation de l’idée qui importe et cette dernière ne peut se faire que dans le présent, éventuellement dans le futur mais jamais dans le passé. Il est important de se rendre compte de cela, surtout actuellement où le monde se brise de plus en plus faisant surgir violemment la douleur de tous. 


Par rapprochement, doit-attendre que le conflit israélo-palestinien, le conflit entre l'Arménie et l’Azerbaïdjan et tant d’autres soient terminés ainsi que des exactions soient commises pour laisser cours à son imagination et rêver de fins différentes à ces conflits que celles du sang ?

Doit-on rêver plus tard ou agir au présent ?


Léo Di Giorgio

23/10/23

Zoom sur l’expérience de Milgram :  quand l’obéissance a une autorité dite légitime trouve une explication.

 7 minutes

Contexte

C’est dans le début des années 1960 que le psychologue social Stanley Milgram débute une expérience connue sous le nom d’expérience de Milgram ou d’ « étude de l’obéissance à l’autorité ». Issu d’une famille juive ayant fui l’Europe nazie durant la Seconde guerre mondiale, Stanley Milgram se demande comment des milliers de soldats allemands ont pu participer à la Shoah malgré les souffrances infligées dont ils avaient conscience. Étaient-ils victimes d’un lavage de cerveau ? Rejoignant ainsi les propos de Hannah Arendt dans son Rapport sur la banalité du mal (Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal, 1963), le psychologue démarre son expérience sur des citoyens américains volontaires afin d’observer leur niveau d’obéissance à une autorité qu’ils jugent légitime. 

C’est par le biais d’annonces dans le journal local que Stanley Milgram recruta des volontaires pour participer à une expérience présentée comme une étude scientifique sur l’efficacité de la punition lors du processus de mémorisation. La participation à l’expérience est rémunérée quatre dollars et 0,50 cents pour couvrir les frais de déplacement, sachant qu’en 1960, le salaire mensuel moyen était de 100 dollars. 


Principe

Imaginez : vous venez pour participer à l’expérience présentée dans le journal que vous lisez tous les jours. En plus de cela, elle est rémunérée. Ainsi, vous vous retrouvez donc dans une sorte de salle d’attente avec un autre individu, probablement un deuxième participant. Un homme en blouse blanche vous accueille et vous explique ce qui va suivre. Chaque participant va tirer un rôle au sort : élève ou professeur. L’élève va devoir apprendre une liste de mots par cœur et si lorsqu’il récite cette liste, il commet une erreur, alors il se verra recevoir une décharge électrique. Le professeur, lui, est en charge de lire les listes de mots à l’élève et de lui décerner la punition en cas d’erreurs. Plus l’élève fera d’erreurs, plus le voltage sera élevé.

 Bien que l’expérience ait connu plusieurs variantes, la plus répandue est celle où l’élève et le professeur ne sont pas dans la même pièce. L’élève est donc installé sur une chaise électrique, et dans la pièce voisine, le professeur est assis face à une machine qui est censée envoyer les décharges électriques. Bien sûr, ils peuvent communiquer. Afin que le professeur soit au fait de ce qu’il s’apprête à infliger à son élève en cas de faute, le scientifique lui envoie une décharge du voltage minimal proposé par la machine. L’expérience peut alors commencer. 

Le professeur énonce donc les mots que l’élève doit mémoriser et réciter à son tour. Lorsqu’il commet une erreur, il reçoit une décharge. S’il refait une erreur, il reçoit une nouvelle décharge, plus forte cette fois. Et ainsi de suite. Dans le compte rendu des expériences est précisé que le professeur s’est toujours retourné au moins une fois vers le scientifique qui prenait des notes derrière lui afin de chercher du soutien ou une éventuelle aide pour stopper l’expérience. Le scientifique tenait toujours le même discours : « Veuillez continuer, l’expérience n’est pas finie », bien que l’élève fît part de la douleur qu’il ressentait et de son besoin de cesser l’exercice. 

Mais voilà : il n’y a en réalité qu’un seul des deux participants qui vient réellement pour participer à une expérience, le professeur. Le scientifique et l’élève sont tous deux complices, les décharges reçues sont fictives, tout comme les plaintes de l’élève proviennent d’enregistrements réalisés auparavant. Tout l’enjeu de l’expérience repose donc sur les choix que vont faire les différents professeurs et jusqu’à quel point suivront ils les directives du scientifique (ici en tant qu’autorité légitime). 


Résultats et analyses

En 1974, Milgram publie ses analyses dans Soumission à l’autorité, et revient sur les résultats de l’expérience. Sur 636 sujets (donc 636 professeurs), le pourcentage d’obéissance maximum avoisine les 65%. C’est-à-dire que sur 636 individus, environ 65% d’entre eux ont décerné la décharge électrique la plus forte. La conclusion de Milgram est que l’obéissance est un comportement dit inhérent à la vie en société, car elle permet l’intégration sociale. Cela implique également un changement dans son propre fonctionnement. Si la société a des règles, elle a par conséquent une autorité chargée de les faire appliquer, une autorité à laquelle on doit obéir. Pour le psychologue social, ce qui est dangereux c’est l’obéissance aveugle. L’exemple le plus parlant est bien évidemment celui des soldats allemands sous le régime nazi car le fait d’obéir à une autorité déresponsabilise les actions menées car chacun n’est donc plus qu’un petit rouage dans une grande machine. Enfin, l’expérience a aussi permis de mettre en lumière la nervosité et la tension que rencontraient les participants. Selon Stanley Milgram, la tension est le signe que l’individu n’approuve pas ce qu’il est en train de réaliser. Tant qu’il maîtrise son niveau de tension il obéira. Sinon c’est le début de la désobéissance. 

Cette expérience met donc en exergue plusieurs idées sur l’obéissance. En effet, selon les conclusions tirées par notre psychologue, l’expérience démontre une obéissance humaine inconditionnelle à l’autorité, quelle que soit la désapprobation et la conscience du participant. L’obéissance répondrait alors à plusieurs critères : un conditionnement dès l’enfance, une volonté de faire plaisir à l’individu auquel il faut obéir, une crainte de la réprimande en cas de désobéissance, un certain confort dans la docilité par rapport à la résistance, ainsi qu’un certain conformisme pour une meilleure intégration sociale.


Critiques et controverses

L’expérience de Milgram a connu de vives critiques au sein de la communauté scientifique, dans la mesure où sa mise en place n’était pour certains pas très éthique ni déontologique. En effet, le participant est « dupé » car il ne sait pas qu’il est le seul véritable participant, que l’élève est complice et que les décharges sont des leurres. De plus, encore aujourd’hui, les résultats avancés par Milgram semblent discutables et sont discutés. Gina Perry, psychologue australienne qui s’est penchée sur ces derniers, avance dans son ouvrage Behind the Shock Machine. The Untold Story of the Notorious Milgram Psychology Experiments (en français : Derrière la machine à électrochocs. L’histoire non dite de la célèbre expérience psychologique de Milgram), que le taux d’obéissance globale de 65% mentionné plus haut ne serait en réalité basé que sur une variante de l’expérience où l’élève ne se plaignait pas. Ceci n’est qu’un argument de la psychologue concernant la fausse réalité présentée par Milgram. Le récit du père de cette expérience ferait aussi l’impasse sur plusieurs aspects comme l’étendue de la désobéissance des participants : « En réexaminant les résultats, on voit que lorsque les sujets étaient clairement confrontés à l’idée que les chocs faisaient du mal, ils arrêtaient. ». De même, plusieurs participants ne croyaient pas en la réalité des décharges. 

Que conclure alors ? Le succès de cette expérience vient peut-être de son caractère novateur et de la réponse qu’elle pouvait apporter au contexte historique post Seconde Guerre mondiale. Il est donc tout de même important de toujours chercher à vérifier l’information que l’on nous donne, encore plus quand elle nous satisfait et nous rassure.


Attention : Cet article ne se veut pas être un compte rendu complet sur les tenants et les aboutissants de l’expérience de Milgram. De nombreuses recherches et analyses sont disponibles sur Internet à ce sujet. Le but était ici de présenter de manière assez simplifiée l’expérience en elle-même, le contexte qui l’a fait naître ainsi que la controverse et les critiques que cette dernière a pu susciter. Si le sujet vous intéresse, le film Experimenter réalisé par Michael Almereyda, sorti en 2015, relate de façon plutôt abordable la biographie de Stanley Milgram et les expériences qu’il aura pu mener au cours de sa vie, dont celle présentée en amont. Cependant, le film ne remet pas en cause l’expérience puisque les résultats présentés par Milgram n’y sont pas discutés. 


L.S.F. 


Bibliographie 


https://www.letemps.ch/societe/lart-lelectrochoc-mensonges-lexperience-milgram

https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram

https://psychotherapie.pagesjaunes.fr/astuce/voir/664115/experience-de-milgram 

https://philosophie.ac-normandie.fr/spip.php?article615 



PUBLICATION DU 15 OCTOBRE 2023

Éveiller les Consciences : Octobre Rose, Plus qu'une Couleur 

11 minutes

    En octobre, le monde se pare de rose et dans cet éclat de couleur une cause universelle se profile, embrassant l'espoir et la solidarité. Octobre Rose ne se limite pas à la teinte douce qui la caractérise, mais incarne un mouvement puissant pour la sensibilisation et la lutte contre le cancer du sein. Derrière chaque ruban rose, se cache, une histoire, un combat, une détermination à changer les destinées. 

Dans cet article, plongeons-nous dans cette campagne d'envergure, au-delà des apparences, pour découvrir les nuances et les enjeux qui marquent Octobre Rose.




Aux origines d'Octobre Rose…


    L'histoire d'Octobre Rose débute en 1985 aux Etats-Unis lorsque l'American Cancer Society s'associe avec l'entreprise Imperial Chemical Industries pour sensibiliser au dépistage du cancer du sein. Leur idée est de promouvoir la mammographie comme moyen efficace de dépistage précoce, et de mobiliser la communauté autour de cette cause. 

Pour ce faire, ils ont un projet : mener une campagne nationale d'un mois, du 1er au 31 octobre. Le Breast Cancer Awareness Month voit le jour. 


Si aujourd'hui le ruban rose est utilisé pour symboliser ce mois de lutte, ce ne fut pas toujours le cas…


Tout d'abord, nous pouvons nous interroger sur l'utilisation du ruban. Pourquoi faire le choix d'un bout de tissu pour représenter une campagne ? Et bien figurez-vous que dans les années 90, le Ruban se popularise comme symbole de soutien. 

Soutien aux militaires pendant la guerre du Golfe avec des rubans jaunes, soutien aux personnes atteintes du VIH avec des rubans rouges qui deviennent symbole international de lutte contre le sida…  


Quant à la sensibilisation au cancer du sein, et bien non, à l'origine les rubans n'étaient pas roses ! Ils étaient en réalité d'une teinte pêche claire. 

On doit l’apparition  de ses derniers à Charlotte Haley, femme militante, survivante du cancer du sein. 

En 1991, elle souhaite mettre en lumière le manque de financement fédéral pour la prévention du cancer ; elle distribue alors dans des supermarchés et envoie des milliers de cartes avec des rubans faits mains couleur pêche. On peut lire sur ces dernières : "The National Cancer Institute annual budget is $1.8 billion, only 5 percent goes for cancer prevention. Help us wake up our legislators and America by wearing this ribbon.” ["Le budget annuel de l'Institut national du cancer s'élève à 1,8 milliard de dollars, dont 5 % seulement sont alloués à la prévention du cancer. Aidez-nous à réveiller nos législateurs et l'Amérique en portant ce ruban".]

Son message prit une certaine ampleur aux Etats-Unis. 


A la même période, fin 1990, la Susan G. Komen Breast Cancer Foundation commence à introduire le rose dans sa campagne en distribuant des visières de cette couleur aux femmes participant à la "Race for the Cure". Bien que cette fondation soit la première à utiliser le rose comme symbole, ce n'est pas elle qui le popularise. 

Cela se produit en 1992 lorsque le magazine Self s'associe à Estée Lauder


En 1991, le Self Magazine crée son premier numéro pour couvrir le Breast Cancer Awareness Month. Dans ce dernier est présenté Evelyn Lauder ; vice-présidente du géant de la cosmétique Estée Lauder, elle a aussi survécu à un cancer du sein. 

L'année suivante, lors de l'élaboration du second numéro consacré à ce mois de sensibilisation, elle est de nouveau sollicitée.

Mais cette fois-ci, la rédactrice en chef du magazine, Alexandra Penney et elle-même veulent aller plus loin que l'écriture d'un simple article. 

Elles ont dès lors, l'idée de créer un ruban représentant la lutte contre le cancer du sein. 

A ce moment-là, elles ont écho de l'action de Charlotte Haley et de ses rubans pêches. Les deux femmes la contactent, et lui proposent alors de s'associer à leur propre campagne. Mais cette dernière, ne voulant commercialiser son militantisme, décline l'offre.

Cependant les dirigeantes d'Estée Lauder et de Self Magazine se refusant à abandonner leur projet, passent outre. Pour le mener à bien, elles doivent dorénavant seulement trouver une autre couleur pour le ruban. Elles sélectionnent la teinte "150 Pink". 


Il est ici important de souligner que ce choix ne découle pas uniquement de l'association féminine de cette couleur, bien que cela y contribue. 

En effet, Margaret Welch, directrice de la Color Association of the United States, justifie ce choix en déclarant qu'effectivement “Pink is the quintessential female color,” ["Le rose est la couleur féminine par excellence"] mais que d'un autre côté le rose "Is playful and life-affirming, calming, and stress reducing. Pink, is in other words, everything cancer notably is not.”  ["Est une couleur ludique et vivifiante, apaisante et réduisant le stress. En d’autres termes, le rose est tout ce que le cancer n’est pas."]


Cette année-là, plus de 1,5 million de rubans roses sont distribués !  200 000 pétitions sont également créées, en faveur du ruban rose, exhortant la Maison Blanche à investir davantage dans la recherche sur le cancer du sein.


Quant à la France me diriez-vous ? 

Il faut attendre 1994 pour qu'elle se mobilise à son tour !
Et c'est une nouvelle fois à Estée Lauder que nous devons cet engagement. 

Animée par la volonté de porter cette lutte à l'échelle mondiale, elle cherche à répliquer le partenariat réussi, entre les industries cosmétiques et les magazines féminins, en France. 

Elle s'engage ainsi avec le magazine Marie-Claire et de leur collaboration naît l'association Le Cancer du sein, parlons-en !, qui devient Ruban rose en 2020. 

Son concept ? Mobiliser des fonds et les réattribuer à travers diverses distinctions, notamment le prestigieux Prix Ruban Rose instauré depuis 2003.



Des chiffres alarmants…


   Si la campagne Octobre Rose représente un véritable enjeu sociétal c'est tout bonnement car les statistiques liées au cancer du sein mettent en évidence l'urgence de la situation.

Le cancer du sein demeure l'une des menaces les plus graves pour la santé des femmes à l'échelle mondiale :
- Une personne sur huit est touchée par cette maladie; 

- Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes à travers le monde ce qui représente près de 2,3 millions de nouveaux cas diagnostiqués en 2020 ;

- C'est le cancer le plus meurtrier chez les femmes avec 685 000 décès imputables à cette maladie chaque année...   




Octobre Rose : entre Sensibilisation & Action


   L'objectif premier d'Octobre Rose est de promouvoir le dépistage précoce du cancer du sein car il est scientifiquement prouvé que plus la maladie est détectée tôt, meilleures sont les chances de guérison. 

Pour ce faire, la sensibilisation est l'étape cruciale de la Campagne qui met donc l'accent sur l'importance des mammographies régulières et des auto-examens. 

En encourageant les femmes à préserver leur santé, Octobre Rose joue un rôle crucial dans la lutte contre le cancer du sein. Mais en sensibilisant, la campagne brise aussi les tabous entourant cette maladie en encourageant les femmes à parler ouvertement de leur expérience.

Dans cette phase de sensibilisation, les médias jouent d'ailleurs un rôle clé, en diffusant par exemple des informations sur la maladie ou en mettant en lumière des histoires de survivantes inspirantes. 


Mais Octobre Rose ne se limite pas à sensibiliser. C'est également un mois d'action où de nombreuses initiatives voient le jour pour collecter des fonds destinés à la recherche et au soutien des femmes malades. Des événements sportifs, des ventes de produits solidaires, des conférences et des ateliers sont ainsi organisés dans le monde entier. 

A Nice, a d'ailleurs eu lieu le rendez-vous annuel du  "Jogging rose" et de la "Marche rose" le 8 octobre dernier. Réunissant pour cette édition 3100 participant·e·s, il a permis de récolter plus de 37 000e qui ont été reversé à l'association SOS Cancer du Sein




L'impact culturel de la campagne


   Depuis sa création, la campagne "Octobre Rose" s'est imposée comme phénomène culturel incontournable. En effet, axée sur la sensibilisation et la prévention du cancer du sein, cette initiative a pourtant réussi à transcender les frontières médicales pour devenir un mouvement social et culturel à part entière. 

Octobre Rose a effectivement donné naissance à une vague d'activisme créatif mêlant art, musique, mode et bien d'autres formes d'expression. Des artistes renommés, des designers et même des musiciens ont prêté leur talent pour soutenir la cause, créant ainsi des œuvres emblématiques qui continuent d'inspirer et d'éduquer. Des événements tels que les défilés de mode "Pink Ribbon", les expositions d'art engagées ou encore l'illumination en rose de monuments emblématiques comme la Tour Eiffel ont contribué à donner une dimension artistique et culturelle à la lutte contre le cancer du sein.




La controverse autour d'Octobre Rose


   Pourtant dans cette campagne tout n'est pas rose… 

En effet, malgré ses réalisations, Octobre Rose n'est pas sans controverse. 


Tout d'abord la commercialisation croissante de ce combat est problématique. Cette réalité, nous pouvons la constater avec le phénomène du "pinkwashing" dont nous sommes tous témoins.

Ce terme, "pinkwashing", inventé par l'association américaine Breast Cancer Action, ne vous dit peut être rien mais il n'est pas sans vous rappeler le phénomène plus connu du "greenwashing". Dans les deux cas, le principe est le même: les acteurs usent de pratiques abusives, particulièrement en marketing, pour s’approprier la lutte et se donner une image progressiste et militante permettant ainsi d'augmenter leurs ventes (sans pour autant verser un centime à la cause soi-disant défendue). 


Par ailleurs, certaines critiques remettent aussi en question l'accent mis sur le dépistage, soulignant les préoccupations concernant les surdiagnostics et les traitements inutiles. 

De plus, des interrogations ont aussi été soulevées quant à la répartition des fonds collectés et l'efficacité des grandes organisations caritatives. Combien de ces fonds sont réellement dirigés vers la recherche ? Vers les programmes de soutien ? Vers les services pour les patient·e·s et les survivant·e·s du cancer du sein ?


Enfin, il est crucial de noter que bien qu'Octobre Rose ait été initié dans un contexte de sensibilisation au cancer du sein chez les femmes, il ne faut pas oublier que cette maladie affecte également les hommes cisgenre. Et oui, même s'ils ne représentent qu'1% des cas, ils existent bel et bien et sont pourtant trop souvent invisibilisés durant ces quatres semaines de sensibilisation.





    En ce mois de lutte, nous avons pu explorer les multiples facettes de la Campagne Mondiale de Sensibilisation au Cancer du Sein. 

À travers les années, Octobre Rose a évolué, suscitant débats et controverses, mais sans jamais perdre de vue son objectif ultime : lutter contre une maladie qui touche des vies partout dans le monde.

Cette campagne incarne l'espoir, la résilience et la solidarité ; 

Cette campagne nous enseigne que le changement commence par la sensibilisation et que chaque petit geste compte car, quelle que soit notre origine, notre genre, ou notre statut, nous pouvons unir nos forces pour faire la différence.

Cette campagne nous rappelle aussi que la maladie n'épargne personne, qu'il faut en être conscient et ce pas seulement 31 jours par an ! 



Alors n'oubliez pas : 

Octobre Rose, c'est bien plus qu'une couleur : c'est un cri d'espoir, une symphonie de résilience, et surtout, une invitation à agir.



Clémentine Lagrave


Sources : 

https://www.predilife.com/newsroom/articles/histoire-doctobre-rose-2/ 

https://www.cancerdusein.org/association/l-histoire-de-l-association/historique-de-la-campagne 

https://squarecowmovers.com/how-pink-became-the-color-of-breast-cancer-awareness-month/ 

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/breast-cancer 

https://www.curetoday.com/view/the-story-behind-the-pink-ribbon 

https://www.ledauphine.com/sante/2021/10/02/comment-est-ne-l-evenement-octobre-rose  

https://fr.wikipedia.org/wiki/Octobre_rose 

https://www.santemagazine.fr/actualites/octobre-rose-stop-au-pinkwashing-198453 

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sante-polemique/un-pave-dans-la-mare-d-octobre-rose-5649733