J6 : Vendredi 6 juin 2025
Notre hébergement à Ribeira Brava sur la côte sud n’étant disponible qu’à partir de 16 heures, rien ne sert de se presser, d’autant qu’au réveil le ciel est à nouveau très nuageux. Pour relier les deux destinations, nous avons prévu de passer par la route qui coupe Madère en deux dans le sens nord-sud entre São Vicente à Ribeira Brava en passant par Boca da Encumeada. A 1007 mètres d’altitude, ce col forme une limite météorologique entre le versant nord et le versant sud de l’île, là où les nuages poussés par le vent du nord débordent comme le lait bouillant s’échappe d’une casserole.
C’est ici que nous souhaitons randonner, du moins si la visibilité le permet. Nous quittons finalement Arco peu après 9 heures, sans beaucoup d’illusions.
Bonne nouvelle ! Au fil de notre montée en altitude, nous voyons le ciel se découvrir et le soleil prendre le dessus. Dès la sortie de la voiture, nous savourons la vue au Miradouro da Encumeada. 😊
Le parcours que j’ai sélectionné est intitulé « Herboriser dans le Folhadal » dans le guide Rother. C’est une randonnée de levada facile qui correspond aux premiers kilomètres d’un itinéraire beaucoup plus long appelé officiellement « Caminho do Folhadal e Pinaculo » (PR17). Le Pinaculo est un rocher emblématique en forme de pain de sucre. Quant à Folhadal, il renvoie à « Folhado » qui est le nom donné à Madère à la cléthra blanche (Clethra arborea), un arbuste endémique dont les fleurs blanches en clochettes parfument la laurisylve aux abords du col à la fin de l’été.
Nous ne sommes qu’au début de l’été, nous ne verrons donc pas ces arbustes en fleur mais d’autres espèces végétales viendront agrémenter notre balade.
A 10 h 30, c’est parti le long de la levada do Norte sur un passage suffisamment large bordant un canal peuplé de truites par endroits. Pour l’instant, il n’a pas l’air d’y avoir grand monde, hormis trois ou quatre locaux qui vont nous distancer à vive allure.
Déjà des fleurs à profusion !
Renoncule à feuilles de Cortuse, endémique de Macaronésie (= Canaries, Madère, Açores)
Géranium de Madère
endémique de Madère
Tubéreuses
Tubéreuse (détail)
Plus loin, à hauteur d’une aire de pique-nique, une trouée dans la végétation nous gratifie d’une vue imprenable sur le col d’Encumeada, les lacets de la route qui y mènent et, au sud-est, le discret sommet du Pico Grande (petit « téton » loin à l’arrière-plan). Le tableau ne serait complet sans signaler les touches pointillistes des genêts qui illuminent toute cette verdure.
Cherchez le pylône de télécommunication marquant le col d’Encumeada (pris dans les nuages)
Vu l’heure, il n’y a pas encore de pique-niqueurs à l’aire de repos mais trois beaux coqs ont investi les lieux.
Au bout d’une vingtaine de minutes, nous arrivons devant un tunnel de 600 mètres de long. C’est là que ça se corse pour nous. Equipés de nos lampes frontales, nous passons une tête dans l’entrée mais la longueur, l’étroitesse et l’obscurité du passage ainsi que le froid saisissant qui y règne nous font immédiatement reculer. 🫣Nous décidons de nous couvrir en conséquence puis d’attendre d’éventuels autres randonneurs afin de traverser en leur compagnie.
Notre souhait se réalise presque immédiatement. Deux Britanniques, un père et son fils, vont nous servir d’éclaireurs. Le fils marche en tête, le père ferme la marche. Ainsi encadrés, nous avançons à petit pas, non sans frotter une épaule par-ci par-là, surtout sur les 30 ou 40 premiers mètres, les plus bas et les plus étroits. Heureusement, le tunnel s’élargit peu après, un réel soulagement alors que nous devons y croiser un jeune couple qui a bien pris soin de se plaquer contre la paroi rocheuse pour nous laisser passer. Plus que quelques dizaines de mètres et la lumière apparaît au bout du tunnel, ouf !
Les Britanniques s’octroient une pause à la sortie pendant que nous poursuivons. La végétation est nettement plus dense et plus humide de ce côté-ci, exposé au nord. C’est aussi sur ce tronçon que nous commençons à croiser quelques rares randonneurs, notamment les quatre locaux qui nous avaient précédés et que nous trouvons en train de pêcher dans la levada.
Une heure environ après notre départ, nous atteignons un second tunnel devant lequel une élégante cascade se jette du haut d’une paroi rocheuse.
Pour un petit coup d'œil comme si vous y étiez... 😉
Les deux Britanniques nous rattrapent à l’entrée de ce nouveau tunnel et nous proposent leurs services pour le franchir, comme précédemment. Mais non merci, nous avons prévu de rebrousser chemin à cet endroit comme indiqué dans notre documentation.
Nous nous contentons de jeter un coup d’œil à l’entrée de l’ouvrage avant de partager notre pause avec un Pinson des arbres.
Pinson des arbres
Au retour, nous affrontons seuls le tunnel précédent en ayant pris soin de vérifier que l’accès était totalement libre. En cette fin de matinée, il commence à y avoir un peu plus de monde sur le parcours (sans que ce soit la foule connue sur d’autres itinéraires). Forts de l’expérience de l’aller, nous franchissons le passage haut la main.
A l’aller, nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier d’une vue dégagée sur les sommets et la vallée alentour. Entretemps, la cascade de nuages a considérablement étendu son emprise, ne laissant apparaître que quelques formes fantomatiques derrière un voile cotonneux.
Nous sommes de retour au col au bout de deux heures après avoir parcouru 7 kilomètres avec un dénivelé de seulement 48 petits mètres. Que dire de cette randonnée de levada ? Grâce à la présence de fleurs, de quelques beaux points de vue, cette balade, en outre modérément fréquentée, avait tout pour nous plaire si ce n’est le franchissement de tunnel qui n’est définitivement pas notre tasse de thé. Bref, pour les randonnées à venir, Hervé me demande d’éviter si possible les levadas et de privilégier des environnements plus ouverts. Je vais tâcher d’exaucer ses vœux. 🙏
Pour l’instant, nous profitons de l’aire de repos du col pour déballer notre pique-nique, enveloppés par moments de brume au gré du développement de la cascade de nuages. Puis nous nous attablons à la terrasse du bar voisin pour siroter un café tout en consultant notre documentation afin de préparer la suite de notre séjour. Rappelons que nous ne sommes pas attendus avant 16 heures.
A l’issue de cette pause prolongée, nous poursuivons tranquillement notre route (ER-105) vers la côte sud. Plusieurs belvédères nous offrent régulièrement des prétextes pour nous arrêter et profiter du panorama. Vues remarquables sur le cirque montagneux, la vallée de Ribeira Brava traversée par la route rapide VE4.
A Ribeira Brava, nous avons même le temps de faire un petit tour sur la plage et sur le front de mer avant de faire le plein de courses au supermarché Continente.
Ribeira Brava, ville la plus importante de cette partie de la côte sud, tire son nom de la « rivière sauvage », laissant entendre qu’après des pluies violentes sur le plateau, le paisible filet d’eau qui traverse la ville peut se transformer en torrent furieux pouvant tout emporter sur son passage. De ce fait, la reconstruction donne aux abords de l’embouchure du cours d’eau et au front de mer un style balnéaire moderne sans grand charme. La cité garde néanmoins un vieux cœur de ville, une place centrale agréable et de belles maisons regroupées autour de sa charmante église.
A l’heure prévue, nous prenons possession de notre villa située sur les hauteurs, dans un quartier résidentiel à l’est du centre-ville. Toutes les informations nous avaient été données dans une courte vidéo transmise la veille. Ici pas de difficulté pour stationner, nous pouvons entrer directement notre voiture dans le garage situé au sous-sol de la maison avant d’investir le reste de l’habitation qui se distingue par…
… ses volumes très spacieux dans lesquels nous tentons de ne pas nous perdre pendant les premiers instants
… des vues spectaculaires sur l’océan (malgré un environnement un peu plus urbanisé)
… une piscine privée de belle taille dans laquelle nous ne nous privons pas de plonger bien que l’eau soit fraîche car non chauffée.
La soirée se résume par conséquent à profiter de ce cadre exceptionnel. 😊