Finastéride et syndrome de l'iris flottant : Quel rôle peut jouer le dermatologue ?

Joana Calvao, Joao Feijao, Département d'ophtalmologie, Centre hospitalier central de Lisbonne, Portugal

Rui Oliveira Soares, Département de dermatologie, Hôpital CUF Descobertas, Lisbonne, Portugal

Publié le 24 mai 2022

Lien vers l’original en anglais : www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9231532/

Le finastéride est un inhibiteur de la 5α-réductase de type 2 couramment utilisé par les dermatologues, en particulier ceux spécialisés en trichologie. Bien qu'il soit sûr et généralement bien toléré, divers effets secondaires ont été rapportés dans la littérature.

Le syndrome de l'iris flottant peropératoire (SIFI) est une conséquence possible peu connue de l'utilisation du finastéride, en particulier chez les dermatologues. Il s'agit principalement d'un problème rencontré lors d'une opération de la cataracte, bien qu'il puisse également entraîner des complications postopératoires. Décrit pour la première fois en 2005 par Chang et Campbell, le syndrome de l'iris flottant peropératoire se caractérise par la triade iris flasque et iris ballant ("floppy"), une propension au prolapsus de l'iris vers les incisions et une tendance à la perte de l'iris.

Bien qu'elle soit le plus souvent associée à la tamsulosine, une association avec le finastéride a également été décrite, les premiers rapports remontant à 2007 chez deux hommes prenant du finastéride 5 mg/jour pour une hyperplasie bénigne de la prostate. [Le SIFI a ensuite été rapportée chez un homme de 47 ans prenant du finastéride 1 mg/jour pour une alopécie androgénétique au cours des 4 dernières années. Par la suite, de grandes études prospectives ont également confirmé cette association. Dans ces études, les patients n'avaient pas reçu de tamsulosine ou d'autre α-bloquant, ce qui suggère un effet indépendant pour le finastéride. Dans l'étude la plus récente portant sur 319 patients, l'analyse multivariée a révélé que l'utilisation de la tamsulosine (P = 0,004), du finastéride (P = 0,014) et l'augmentation de l'âge (P = 0,006) étaient significativement associées au SIFI, le rapport de cotes ajusté pour l'utilisation du finastéride étant de 3,94.

Il n'y a pas beaucoup de données concernant la prise en charge du SIFI lié au finastéride. L'arrêt des médicaments ayant un lien de causalité avec le SIFI ne semble pas éliminer totalement le risque, bien qu'il puisse être utile dans certains cas. Il a été constaté que le SIFI peut toujours se produire malgré l'arrêt des antagonistes des récepteurs α1-adrénergiques des années avant l'intervention chirurgicale. Certains auteurs soutiennent que la modification de la dose du médicament peut réduire le risque de SIFI, étant donné qu'une incidence plus faible de SIFI a été rapportée chez les patients sous tamsulosine au Japon, où la dose recommandée était plus faible que celle utilisée en Europe et aux États-Unis. [Une autre possibilité consiste à différer le traitement par finastéride chez les patients présentant une cataracte connue ou une opération de la cataracte prévue ; si le patient prend déjà des médicaments, les médecins doivent en discuter avec l’ophtalmologiste. Certains auteurs soutiennent encore que le finastéride doit être arrêté avant une opération de la cataracte.

Malgré ces données variables, il est important de sensibiliser les médecins qui prescrivent des médicaments susceptibles d'être à l'origine du SIFI, en particulier les dermatologues qui utilisent couramment le finastéride. Nous devrions reconnaître que le finastéride peut causer le SIFI et le dermatologue devrait informer le chirurgien que le patient a pris ou prend ce médicament, car il existe des régimes pré et peropératoires - par exemple, cycloplégie préopératoire avec atropine, fluides à faible débit, écarteurs d'iris et dilatateurs d'anneaux pupillaires - qui peuvent réduire le risque de SIFI. La plupart des chirurgiens n'insistent pas sur l'arrêt de ces agents, car il n'a pas été démontré que cela prévient ou diminue la gravité du SIFI.

Avec cette lettre, nous souhaitons alerter les dermatologues sur l'existence d'une relation entre le finastéride et le SIFI, en fournissant des connaissances basées sur des données bibliographiques récentes, afin d'informer le chirurgien oculaire et de promouvoir une meilleure pratique.