Le témoignage du Professeur Belknap

Le professeur Steven Belknap, de la Northwestern University Feinberg School of Medicine, aux Etats-Unis, a apporté sa contribution à la pétition officielle lancée auprès de la FDA (Federal Drug Adminsitration) pour que le finastéride 1mg soit retiré du marché

Écrit le 25 octobre 2017, ce texte particulièrement édifiant s'est trouvé accessible au public tout récemment en 2019.

Il démonte le mécanisme permettant à un produit tel que le finastéride de se retrouver sur le marché, dénonçant la "pensée magique" de ses promoteurs qui prétendent qu'il n'agirait opportunément que sur les follicules pileux et éviterait par miracle les autres organes ou fonctions physiologiques, alors même que les hormones impactées ont vocation à se diffuser dans toutes les parties du corps.

Lien vers la version complète en anglais

Ci-dessous traduction en français de la partie introductive et de la conclusion

Introduction

J'écris en soutien à la pétition citoyenne demandant à la FDA de retirer son autorisation de mise sur le marché pour Propecia® (finastéride 1 mg), qui a été approuvé par la FDA en tant que traitement cosmétique pour l’alopécie androgénique. Je soutiens cette pétition citoyenne parce que les résultats publiés de mes recherches et celles d’autres chercheurs fournissent des preuves convaincantes que le finastéride 1 mg n’est pas sans danger. Il incombe aux experts de l'Office de la surveillance et de l'épidémiologie de la FDA (anciennement l'Office of Drug Safety de la FDA) de remédier à cela et protéger la santé publique.

La FDA a pour mission (en partie) de protéger la santé publique en veillant à ce que les médicaments soient à la fois sûrs et efficaces. Cette mission exige obligatoirement que les experts de la FDA évaluent les méfaits potentiels d’un médicament contre des bénéfices potentiels. Le moment est venu pour la FDA d’évaluer les effets nocifs du finastéride sur la santé reproductive contre ses avantages en tant que pilule cosmétique modestement efficace pour la calvitie chez les hommes.

Je pense que les experts de l’agence détermineront que la vente continue de finastéride à 1 mg pour le traitement de l’alopécie androgénétique est contraire à l’objectif de santé publique et retireront l’approbation de la commercialisation du finastéride pour cette indication, car c’est une obligation compte-tenu des données disponibles et de la mission de la FDA.

Je suis un interne universitaire et un pharmacologue clinicien qui s'intéresse depuis longtemps à l'innocuité des médicaments. Mes recherches sur les événements indésirables et l’innocuité des médicaments sont soutenues par des subventions de la NIH et de la NSF. Il y a dix ans, un collègue a demandé si le finastéride par voie orale à 1 mg était sans danger comme solution cosmétique pour l'alopécie androgénique. Je ne connaissais pas la réponse, alors j’ai commencé une enquête systématique. J'ai découvert ce qui suit :

- La société innovatrice qui a mis au point le finastéride n’a pas réussi à réaliser ou rendre compte de recherches indiquant si le finastéride causerait un préjudice permanent au système de reproductif masculin.

- Avant et après la commercialisation, la FDA n’a pas exigé de test adéquat des effets du finastéride sur la structure et la fonction du système reproductif masculin.

- Les chercheurs médicaux et professionnels de la pharmacovigilance issus des milieux universitaire, industriels et des agences réglementaires n’ont pas réussi à contrôler dans les délais impartis les effets indésirables sexuels du finastéride après leur commercialisation.

Comment une personne avisée peut-elle s’attendre à ce que le finastéride rétrécisse la prostate et bloque la calvitie, sans affecter négativement la structure et la fonction du pénis, des testicules, des organes sexuels secondaires ou du cerveau ?

Le finastéride bloque la synthèse du plus important androgène endogène, la 5α-dihydrotestostérone, hormone avec une puissance intrinsèque dix fois supérieure à celle de la testostérone. Le potentiel de grave lésion des organes reproducteurs masculins était un effet toxique potentiel évident et attendu du mécanisme par lequel le finastéride exerce son, effet cosmétique, et non pas un effet inattendu et non ciblé. Pourtant, cette toxicité potentielle n'a pas été suffisamment testée ou alors les résultats de ces tests ont été dissimulés. Le défaut d’évaluation adéquate et de rapport sur les effets toxiques du finastéride sur la santé sexuelle est un échec profond et surprenant de la pharmacovigilance.

Quelles que soient les lois et les réglementations, la sécurité des patients dépend en définitive de la compétence et de la bonne foi des chercheurs, des régulateurs et des cadres de l’industrie. Les essais cliniques offrent une opportunité essentielle pour identifier les effets indésirables graves et fréquents des médicaments ; cette opportunité a été gaspillée avec le finastéride.

L’analyse des informations existantes sur la sécurité effectuée par mon groupe de recherche a permis de détecter d’importantes lacunes dans la documentation sur la sécurité du finastéride. Nous avons constaté que des essais cliniques de finastéride pour l'alopécie androgénique avaient été conçus et conduits de manière à empêcher la détection des effets indésirables du finastéride sur les fonctions sexuelles masculines.

Les assertions selon lesquelles les preuves disponibles montrent que le finastéride n’a pas d’effets indésirables sexuels fréquents et graves sont tout simplement fausses car les rapports disponibles sur les essais cliniques ne présentent pas de test significatif de la sécurité sexuelle du finastéride. L'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence.

Conclusion

La figure ci-dessus montre plusieurs organes et structures dont la structure et la fonction dépendent de la conversion locale de la testostérone en sa forme dix fois plus active, la 5α-dihydrotestostérone. La base conceptuelle de l'utilisation clinique du finastéride est que le finastéride apportera un bénéfice en agissant comme anti-androgène dans le cuir chevelu et dans la prostate, mais qu'il ne causera pas de dommages en agissant comme anti-androgène sur la vésicule séminale, le canal éjaculateur, la glande de Cowper, le canal déférent, l’épididyme, les testicules, le pénis et le corps caverneux, ainsi que le cerveau. C'est une pensée magique.

Lorsqu'elles sont prises par voie orale, les molécules de finastéride sont absorbées dans la circulation systémique, diffusent dans tout le corps et inhibent la synthèse locale de la 5α-dihydrotestostérone où qu'elles se trouvent. La conséquence attendue de l’exposition au finastéride est qu’elle aurait des effets indésirables sur l’anatomie et la physiologie du système reproducteur masculin, notamment une interférence avec la fonction érectile, la libido et la fertilité masculine.

Comment peut-on raisonnablement argumenter que la prostate va rétrécir mais que le pénis et les testicules ne vont pas rétrécir?

La justification thérapeutique de l'utilisation du finastéride dans l'alopécie androgénique était (et reste) erronée.

La tâche qui incombe à la FDA consiste à évaluer les effets toxiques du finastéride sur la fonction sexuelle masculine au regard des effets bénéfiques du finastéride en tant que produit cosmétique pour la calvitie. Je m’attends à ce que la FDA déterminera que le bénéfice potentiel ne justifie pas le risque de préjudice et que l'autorisation de commercialisation du finastéride sera retirée.