Solidaires : Un syndicat au cœur des luttes sociales et écologiques
Les débuts de Solidaires : Création en 1998 pour fédérer des syndicats autonomes, avec des racines dans le syndicat SUD né dans les PTT.
Les étapes clés : Extension dans d’autres secteurs (santé, éducation, rail, commerce) et montée en puissance dans les grandes luttes sociales (réformes des retraites, lois travail, etc.).
Son développement actuel : Une organisation présente dans de nombreux secteurs et reconnue comme une voix alternative dans le paysage syndical.
Solidarité : Entre travailleurs, mais aussi avec les chômeurs, les précaires, et les luttes internationales.
Démocratie : Un fonctionnement participatif et horizontal, où les décisions sont prises collectivement.
Anticapitalisme et justice sociale : Une critique du système économique actuel et la recherche d’alternatives égalitaires.
Écologie et justice climatique : Un engagement croissant pour des solutions durables dans le monde du travail et au-delà.
Lutte contre les discriminations : Engagement contre le sexisme, le racisme, l’homophobie et toutes les formes d’oppression.
Structure de Solidaires : Une fédération composée de syndicats autonomes, chacun actif dans son secteur tout en collaborant à des actions interprofessionnelles.
Les principaux syndicats membres :
SUD-PTT : Poste et Télécommunications.
SUD Rail : Transport ferroviaire.
SUD Santé Sociaux : Secteur médical et social.
SUD Éducation : Enseignement et éducation nationale.
Autres secteurs : Industrie, commerce, collectivités territoriales, etc.
La coordination nationale : Rôle de l’Union syndicale Solidaires dans les campagnes globales.
Mobilisations sociales : Son rôle clé dans les luttes contre les réformes des retraites, les lois travail et la casse des services publics.
Écologie sociale : La participation à des actions pour le climat et à des campagnes pour une transition écologique juste.
Lutte contre la précarité : Défense des droits des intérimaires, des contrats précaires, et des conditions de travail dégradées.
Solidarité internationale : Soutien aux luttes des travailleurs dans d’autres pays.
Grèves et manifestations : Implication dans les journées de mobilisation interprofessionnelles.
Actions de terrain : Soutien direct aux salariés en lutte, organisation de piquets de grève et d’assemblées générales.
Initiatives militantes : Sensibilisation via des campagnes de communication, publications, et participations à des forums sociaux.
Formations syndicales : Offrir aux adhérents des outils pour comprendre leurs droits et organiser des mobilisations.
Une organisation indépendante : Solidaires se distingue par sa liberté vis-à-vis des partis politiques et des institutions.
Des alliances stratégiques : Coopérations ponctuelles avec la CGT, FO ou la FSU sur des revendications communes, tout en gardant une ligne radicale.
Les critiques reçues : Parfois accusé d'être trop radical ou "utopiste", Solidaires défend un modèle alternatif face au syndicalisme traditionnel.
Avantages pour les adhérents : Accompagnement dans les démarches, défense juridique, et accès à des réseaux militants.
Un engagement collectif : Rejoindre une communauté qui lutte pour des valeurs communes et pour transformer le monde du travail.
Une voix forte pour les invisibles : Solidaires met en avant les préoccupations des travailleurs précaires et des minorités.
L’Union syndicale Solidaires rassemble des organisations syndicales aux histoires assez différentes, à l’image de leurs équipes militantes comme de leurs adhérent-es. Mais les projets et les aspirations rassemblent et convergent autour de valeurs, démarches et pratiques qui construisent une identité commune.
L’Union Syndicale Solidaires d’aujourd’hui est la continuité historique du Groupe des dix. Au départ, en décembre 1981, se retrouvent dix syndicats qui en 1947 avaient choisi l’autonomie plutôt que le renoncement à l’indépendance vis-à-vis du monde politique que supposait l’affiliation aux confédérations. En 1989, une convergence va se faire avec des militant-es issu-es de coordinations et/ou en butte avec les appareils nationaux de la CFDT qui vont créer de nouveaux syndicats aux PTT et dans la Santé. La volonté partagée de ces deux courants de lutter contre le démantèlement des acquis sociaux et la désyndicalisation a accéléré la mise en commun des expériences et la construction d’un nouvel outil syndical de transformation sociale.
« Vos orientations, tournées vers l’action, correspondent à mes conceptions d’un syndicalisme de mouvement, capable d’actions revendicatives, au plus près avec les travailleurs, mais agissant dans une perspective de transformation profonde de la condition salariale et de la société » […] « Vous avez dérangé l’ordre des choses […] on le pardonne difficilement et en outre vous vous révélez des concurrents dangereux[…] Il faudra du temps, du courage, confrontations et réflexions […] Face à l’intoxication du néolibéralisme par les mass médias, nos moyens sont pauvres, pourtant, il faut tenir, résister, expliquer, agir ». Ainsi s’exprimait Eugène Descamps, fondateur historique de la CFDT, dans une longue lettre adressée au 1er congrès fondateur de SUD PTT (19-22 septembre 1989).
Près de dix ans plus tard, le 14 janvier 1998, un communiqué de presse annonçait la tenue du congrès fondateur de l’Union syndicale Groupe des dix (ou G10) : « Totalement décidés à inverser le rapport de force social en faveur des travailleurs, salariés, précaires, chômeurs, exclus, retraités, ils se sont engagés vers la constitution d’un pôle syndical et social alternatif […] Il s’agit de construire un nouveau fédéralisme afin que les adhérents et les salariés restent maîtres de leurs revendications et de leurs actions… ».
Entre ces deux dates, la greffe avait pris entre les nouveaux syndicats SUD et des syndicats autonomes porteurs d’une histoire déjà longue et issus historiquement de la CGT pour la plupart. Entreprise démesurée et passionnante que de vouloir faire se rencontrer des groupes, des structures, des individus aux histoires et aux traditions et cultures complètement différentes.
Naissance du Groupe des dix
Le Groupe des dix est né en décembre 1981 de l’appel d’un militant de la FGSOA (Fédération générale des salariés des organismes agricoles) invitant les syndicalistes autonomes à se rapprocher pour « faciliter le progrès social et la satisfaction des revendications des salariés suite à la victoire de la gauche en 1981 ». Lors de la première réunion, dix syndicats autonomes , existant en dehors des confédérations, vont constituer un pôle informel de rencontres, d'échanges et de débats. Ces syndicats issus majoritairement du secteur public, sont nés pour la plupart du refus en 1947 de choisir entre la CGT et FO. Ils sont porteurs de cultures syndicales et politiques hétérogènes. Bien implantés dans leur secteur professionnel, ils sont assez marqués par une pratique d’indépendance et de revendications professionnelles.
Au début des années 80, le Groupe des dix organise des réunions de réflexion et se mobilise autour des questions liées à la fiscalité, à la protection sociale, à la promotion du Service public… mais il n’est pas véritablement présent sur la scène des grands rendez-vous sociaux. Le Groupe des dix semble sans grande influence réelle, en dehors des champs professionnels des syndicats qui le composent. Peu à peu, le constat est fait de la difficulté à élargir le champ des analyses communes, de l’incapacité à développer une solidarité réelle lors des conflits tels ceux à la SNCF et à la RATP durant l’hiver 1986, ou ceux des aiguilleurs du ciel et à la Banque de France en 1987. Le Groupe des dix s'interroge sur les conditions de possibilité d’une réelle unité syndicale ; le désaccord à propos de la règle de l’unanimité, rempart contre tout retour possible du modèle organisationnel confédéral, entraîne dès 1984 le départ d’une de ses composantes, la FGAAC.
Création de syndicats SUD
C’est dans le contexte de la fin du consensus régnant autour de l’état providence, de l’édification du marché unique européen, de la modernisation des entreprises du secteur public et de la déréglementation du modèle social et professionnel existant dans ce secteur depuis 1945 que va naître en 1988 le premier syndicat SUD au sein des PTT, entreprise publique de 450 000 salarié-es implantée sur tout le territoire et caractérisée, du fait de la grande diversité de ses secteurs, par un très fort sentiment d’appartenance à une maison commune.
Depuis l‘arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981, le mouvement syndical est atone. Dès la rentrée 81, la CGT dénonce les salarié-es en grève, accusé-es de « mettre en péril le gouvernement de gauche » ; c’est particulièrement le cas dans les secteurs où le ministre est membre du PCF. La CFDT est entrée dans une logique du recentrage dès la fin des années 70. Elle apporte dès 1982 son soutien à la politique de rigueur. En 1985, Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, qualifie la grève de « vieille mythologie syndicale ». Une partie des militant-es, défendant le socialisme autogestionnaire, entré-es à la CFDT au lendemain de 68 dans une période marquée par des conflits durs, ne se retrouvent plus dans ces orientations : ils se situent dans l’opposition à ce syndicalisme de gestion de crise qualifié de « syndicalisme d’accompagnement ».
Fin 86 à fin 88 marque un réveil social. La pratique offensive, unitaire, démocratique popularisée par le mouvement des cheminot-es et des étudiant-es en 19856-19867 fait écho chez les salarié-es qui, dans les secteurs en lutte, tiennent des assemblées générales où syndiqué-es et non syndiqué-es prennent la parole et votent à main levée l’orientation du mouvement. La pratique des coordinations se multiplie, répondant pour partie à la division syndicale et à la baisse d’audience des organisations syndicales. Nombre d’animateurs/trices de ces grèves se retrouveront des années plus tard dans l’Union syndicale Solidaires
Aux PTT, le gouvernement Rocard engage une grande réforme, première étape d’une privatisation. Des grèves dures éclatent. En octobre 1988, le centre de tri de Lezennes à Lille est paralysé. La grève dure quatre semaines et porte haut et fort les revendications pour l’augmentation du pouvoir d’achat, les effectifs et contre la flexibilité des horaires. Le taux de participation est exceptionnel : 40% à 50% au début du conflit, 90% à la fin. A Nancy, Marseille, Rouen, Bordeaux, Bobigny, les centres de tri et les bureaux de poste rejoignent le mouvement. Au même moment, à Paris et en banlieue, ce sont les salarié-es des camions jaunes de la Poste (secteur peu syndicalisé) qui mènent une lutte de plusieurs semaines. Ils et elles mettent en place une coordination et des assemblées générales quotidiennes.
Dans les deux cas, la direction nationale de la CFDT PTT casse la lutte et dénonce à l'administration ses propres militant-es ! A Lille, les militant-es CFDT engagé-es dans la lutte apprennent par voie de presse que la CFDT n’est plus dans le conflit… et que, s’agissant des « francs tireurs de Lezennes », des mesures seront prises. Le 3 novembre, sept responsables de sections sont démis de leurs mandats et se retrouvent sans protection face à l’administration. Le 7 novembre, les cinq responsables des sections CFDT des garages postaux parisiens apprennent à leur tour, par la presse et leur administration, qu’ils sont démis de leur mandat syndical. Trois jours plus tard, Jean Claude Desrayaud, secrétaire général de la Fédération CFDT PTT, invite le ministre Paul Quiles à prendre toutes ses responsabilités : appel à peine voilé à faire intervenir la force contre les piquets de grève et les occupations. Le 13 novembre, sous escorte policière, l’armée déplace les camions jaunes bloquant centres de tri et bureaux de poste.
Dans les secteurs de la santé les luttes sont également importantes cet automne-là. Les personnels hospitaliers, en particulier les infirmières, mènent un mouvement de plusieurs semaines avec leur coordination. Là aussi, la situation est tendue entre la fédération CFDT Santé et certaines équipes militantes qui sont au premier rang de ce mouvement et soutiennent les coordinations.
Le processus de mise au pas et d’exclusion s’accélère dans la CFDT au congrès de Strasbourg en novembre 1988 où Edmond Maire, secrétaire général sortant, fustige les « moutons noirs » qui n’ont plus leur place à la CFDT. Les militant-es sanctionné-es sont déchiré-es, mais aussi révolté-es. Ils et elles se sentent légitimes car la majorité de leurs adhérent-es sont d'accord avec eux. Les discussions sont animées à propos des réponses qu’il convient d’apporter à un tel coup de force. Mais il faut faire vite, pour ne pas laisser détruire un outil syndical et toute cette énergie militante. La décision est prise de poursuivre l'engagement syndical à travers la construction d'un nouvel outil. Dans le secteur de la santé, celui-ci s'appellera CRC Santé Sociaux (Coordonner - Rassembler - Construire) : le sigle CRC était déjà utilisé dans la CFDT ; il est repris pour souligner la continuité de l'outil syndical. Aux PTT, c'est le sigle SUD (Solidaires - Unitaires - Démocratiques) qui est adopté.
Commence alors, pour les uns et les autres, une période marquée par l'euphorie, l'enthousiasme de répondre au coup de force par une nouvelle perspective, mais aussi par la peur de se tromper, les difficultés organisationnelles de toutes sortes... Tout est à faire : trouver des locaux, de l'argent, du temps. Les appartements sont transformés en local syndical, en imprimerie, les nuits sont courtes et les soirées bien occupées... Il y a aussi ce sentiment de liberté, la joie d'être sortis des batailles internes d'appareils, usantes et improductives... Pour SUD PTT, il faut faire vite, car les élections professionnelles ont lieu quelques semaines après, en mars 89 : un local est trouvé dans des « chambres de bonne » dans le XIe à Paris... l'aventure commence.
Au début de 1989, les deux organisations SUD PTT et CRC Santé Sociaux, accusées de semer la division syndicale, sont marginales mais non isolées. Elles gardent d'ailleurs des liens avec leurs camarades de la CFDT dans d'autres secteurs professionnels qui n'ont pas été exclus ; un comité de soutien aux exclu-es a d’ailleurs été mis en place par des syndicats CFDT, son siège est celui des Cheminot-es CFDT de la Gare de Lyon qui mettent leurs locaux à disposition de SUD PTT dès sa création. Des réseaux intersyndicaux comme celui constitué autour des revues « Résister » et « Collectif » ou de l’association RESSY (Recherche, Société, Syndicalisme) vont permettre la rencontre, l’échange, et la réflexion de chercheurs et syndicalistes : on y retrouve des CGT « critiques », des opposant-es à la ligne confédérale de la CFDT, des minoritaires de la FEN responsables de la future FSU et des membres du Groupe des dix.
Les syndicats SUD rejoignent le Groupe des dix
Cette même année 1989, qui voit donc la naissance officielle de SUD aux PTT et de CRC (qui deviendra SUD en 1997) dans la santé, les couleurs du SNUI s’affichent dans toutes les manifestations qui contestent la politique gouvernementale, fut-elle le fait d’un gouvernement de gauche. La grève des agents des finances en 1989 occupe en effet une place particulière parmi les grands mouvements sociaux. Elle dure longtemps, de deux à six mois selon les secteurs, elle est remarquable par son intensité (plus de 50 à 65% de grévistes), par sa féminité (plus de 65% de femmes travaillent aux Impôts), sa forme et ses modes d’action (assemblées générales, grève administrative…). Le SNUI, premier syndicat des Impôts, y joue un rôle prépondérant qui le place à l’avant-garde de l’autonomie combative et qui justifie sa position à l’intérieur du Groupe des dix... Dès lors, l’image trouble et négative de « syndicats jaunes » qui en France accompagne les syndicats autonomes, non confédérés, commence à s‘atténuer et dès le 1er congrès de SUD PTT (septembre 1989 à La Plaine Saint Denis), le SNUI est invité.
Le Groupe des dix propose à SUD PTT de le rejoindre : celui-ci décide d’entrer comme observateur, puis d’y adhérer en 1992. Cette arrivée pousse le Groupe des dix à entrer plus concrètement dans une véritable démarche interprofessionnelle et à s’engager plus rapidement sur des problèmes de société comme le chômage, l'égalité hommes-femmes, l’antiracisme, les rapports Nord-Sud. Dans le même temps, la création de l’UNSA en 1993 clarifie les positions respectives au sein du Groupe des dix, entre celles et ceux qui défendaient l’exigence de construire un syndicalisme et de transformation sociale, et d’autres uniquement porteurs d’aspirations réformistes. Après le départ de la FAT, de la FMC, et de la FGSOA qui rejoignent une partie de la FEN pour constituer l’UNSA, le Groupe des dix prend des dispositions organisationnelles nouvelles : publication d'un bulletin « 10 Fusion » quatre fois par an, et mise en place d’un petit secrétariat national. La discussion s'ouvre alors sur la nécessité de structurer davantage l’union syndicale et de mettre en place des règles de fonctionnement, pour aboutir à une création statutaire et juridique.
A partir de 1993, les luttes reprennent plus fortement dans le pays : grèves dans la fonction publique, mouvements dans le secteur privé (Alsthom, secteur automobile…). Le chômage grandit et on assiste à l’émergence de mouvements associatifs de défense des droits fondamentaux : droit au travail, droit au logement, à la santé, à un revenu décent pour les chômeurs, droit des femmes, droit des sans papiers. En 1994, cinq marches convergent vers Paris à l'appel du mouvement AC ! (Agir ensemble contre le chômage) lancé l’année précédente par un regroupement d'associatifs et de syndicalistes (dont SUD PTT et le SNUI … et plusieurs syndicats CFDT qui deviendront SUD en 1996). Avec le DAL (Droit au logement) qui initie des actions spectaculaires, comme celle de l’occupation de la rue du Dragon, les « sans logis » réclament la réquisition des logements vides en opposition à une politique immobilière commandée par la spéculation.
L’esprit qui anime ces nouvelles formes d’action est présent dans le mouvement de décembre 1995 contre le plan Juppé sur la Sécurité sociale, mouvement dont l’ampleur (grèves reconductibles très suivies dans plusieurs secteurs professionnels, manifestations de plus en plus nombreuses avec une participation beaucoup plus large que celle des seuls grévistes) souligne la remise en question du fonctionnement de la société, le rejet de toutes les politiques d’austérité, le souci de défendre le service public, et l’espoir d’un réveil social contre le libéralisme et ses abus.
La défense des services publics, qui sont « le bien commun de tous » et des retraites, du système de protection sociale, des statuts des personnels… sont bien sûr des revendications dans lesquelles les syndicats du Groupe des dix se retrouvent, tout autant qu’ils inscrivent, plus largement, leur action dans la remise en cause du libéralisme, de la pensée unique, de la précarisation du salariat... La place prise par les syndicats du Groupe des dix dans ce mouvement social, qui sera qualifié dans la presse de « première grève contre la mondialisation libérale », confirme qu'il y a, à côté des confédérations traditionnelles, place pour un nouveau courant syndical.
Les positions prises par la direction de la CFDT de soutien au gouvernement pendant ce mouvement social accélère le départ de certains opposant-es internes. Cet ensemble de faits a suscité l’éclosion, dans différents secteurs d’activité, de nouveaux syndicats SUD. Si le débat sur la nécessité de construire une nouvelle confédération traverse ces syndicats, il ne s'agit pas de construire une « Confédération SUD », mais au contraire de renforcer la construction du Groupe des dix, avec ses différentes réalités, pour peser sur une recomposition syndicale plus large. Pour SUD PTT, comme pour le Groupe des dix, il s'agit alors d'essayer de renforcer les liens entre les forces syndicales qui, dans la dynamique de novembre-décembre 95, cherchent la convergence avec les différents mouvements sociaux. Il s'agit donc de construire l'outil syndical Groupe des dix, pour en faire un élément moteur dans ce processus. Fin janvier 1996, SUD-Rail est constitué à la SNCF, puis apparaissent SUD Education, SUD Alsthom, SUD Métaux, SUD Chimie, SUD Culture, SUD Michelin… Ces syndicats ou fédérations rejoignent le Groupe des dix, au plan national ou au plan local, en fonction de leur implantation.
Ces équipes militantes sont souvent issues de la CFDT : elles ne supportaient plus les positions, le fonctionnement et les accords signés par les dirigeants de celle-ci. On assiste aussi à la création de syndicats SUD par des militant-es issu-es de la CGT, qui veulent retrouver la maîtrise de leur outil syndical.
Naissance statutaire du Groupe des dix
Cette dynamique modifie les équilibres internes du Groupe des dix qui, s’il est apparu comme le seul cadre possible pour la construction d’un syndicalisme rénové, s’en trouve transformé. Les syndicats les plus anciens ne sont plus hégémoniques. Quelques difficultés surgissent, que le Groupe des dix va devoir gérer.
Plusieurs syndicats SUD apparaissent dans des secteurs où existaient déjà des organisations membres du Groupe des dix : SUD Douanes et le SNUDDI, SUD Impôts et le SNUI, SUD Trésor et le SPASET, SUD Aérien et le SNMSAC. Les situations de concurrence qui en résultent nourrissent des ressentiments, et portent atteinte au profil unitaire du groupe des dix. Il faut trouver des réponses consensuelles à cette nouvelle situation. La solution adoptée est organisationnelle. Les syndicats « concurrents » sont invités à se rencontrer, à se rapprocher, avec l'objectif de créer une nouvelle structure unifiée adhérente à l’Union Syndicale ; en cas de non-fusion, primat est accordé à l’organisation syndicale la plus ancienne.
De plus, l’usage commun d’un même sigle n’est pas en lui même garant d’homogénéité. SUD PTT est assurément satisfait de l’édification des syndicats SUD ; mais tous les syndicats SUD qui se constituent ne sont pas identiques dans leur positionnement. Par ailleurs, la prolifération des syndicats SUD fait craindre à certains une instrumentalisation du Groupe des dix par ces organisations qui représentent huit des dix-sept organisations membres au niveau national en 1998. Mais les règles de fonctionnement adoptées finissent par apaiser les inquiétudes, et la dynamique liée à l'arrivée de ces nouvelles forces, issues notamment du privé, l'emporte sur les craintes. Le 15 janvier 1998 se tient le congrès national fondateur de l'Union syndicale Groupe des dix. Ce congrès affiche sa volonté de mettre en œuvre une force interprofessionnelle qui entend compter dans les mobilisations à venir et vise à se développer dans de nouveaux secteurs professionnels et à se construire localement.
Les années qui suivent sont contemporaines d’un gouvernement de « gauche plurielle » dont le premier effet a été d’accélérer l’acceptation des évolutions actuelles du système économique international. Même si l’adoption des lois Aubry sur la RTT (dont les conditions de mise en œuvre aboutissent à de nombreuses grèves), la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU), l’instauration d’une prime pour l’emploi (PPE) ont pu faire croire que la collectivité se souciait des plus démuni-es et du problème de l’emploi, la privatisation des services publics n’a pas été interrompue, la protection sociale est toujours menacée, la précarité est devenue « ordinaire », les plans de licenciement succèdent aux plans de licenciements, le pouvoir d’achat d’une grande partie de la population se détériore. Dans le même temps, les « directives européennes », et au-delà les décisions de l’Organisation Mondiale du Commerce, semblent « faire la loi ».
C’est donc dans un contexte difficile que l’Union syndicale Groupe des dix grandit. Celle-ci est partie prenante des Marches européennes contre le chômage et les exclusions, de la Marche mondiale des femmes, des Forums sociaux mondiaux et continentaux, des manifestations lors des sommets européens, lors des réunions des Chefs d’Etat (« G7 » puis « G8 »), de l’OMC… Au travers des luttes qu’il a pu ou dû mener, le Groupe des dix a vu s’affirmer son projet. Il a soutenu les initiatives et les actions lancées par la Confédération Paysanne et a été à l’origine de la mise en place du comité de soutien aux militant-es victimes de la répression. Le Groupe des dix est largement présent à Millau le 1er juillet 2000 et à Montpellier le 16 février 2001, lors des grands rassemblements organisés en soutien aux militants de la Confédération Paysanne poursuivis en justice. De la même façon, au nom de la défense des droits fondamentaux, et de la nécessaire remise en cause de l’actuelle répartition des richesses, le Groupe des dix est très engagé dans les luttes menées par les associations comme Droits Devant, AC !, DAL…
La lutte contre la mondialisation libérale, contre la marchandisation des activités humaines et l'investissement du Groupe des dix dans le mouvement altermondialiste sont également une composante essentielle de son activité interprofessionnelle. Dans ce cadre, l'Union syndicale se bat pour une mondialisation au service des êtres humains, qui garantisse et élargisse leurs droits économiques, sociaux, culturels, écologiques et politiques.
Dans cette même logique, le souci de construire un rapport de force anticapitaliste et une orientation visant la transformation sociale ont rendu incontournable à ses yeux la création de lieux de réflexion et d’éducation populaire : en 1998, le Groupe des dix a participé au lancement de la fondation Copernic, qui vise à « remettre à l’endroit tout ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers » et du mouvement ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et l’aide aux citoyens) dont on sait l’importance. Depuis lors, l’Union syndicale reste attachée à ce qu'ATTAC, association d'éducation populaire, tournée vers l'action, intervenant sur de multiples terrains, demeure une association pluraliste qui soit un lieu de rencontre entre des individus et des mouvements d'origine et d'orientation politique diverses ayant choisi de réfléchir et d'agir ensemble contre la mondialisation libérale.
On voit donc que le champ d’intervention du Groupe des dix s‘est considérablement élargi au fil des années, en lien avec tous les dégâts sociaux et humains provoqués par les politiques libérales.