Dr jekylll et Mr. Hyde

(en anglais, Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde) est une nouvelle écrite par Robert Louis Stevenson et publiée en janvier 1886. Elle conte l'histoire d'un notaire, Gabriel John Utterson, qui enquête sur le lien étrange entre Edward Hyde et le Docteur Henry Jekyll.

Le Docteur Jekyll, un philanthrope obsédé par sa double personnalité, met au point une drogue pour séparer son bon côté de son mauvais. C'est ce dernier qui, nuit après nuit, prendra finalement le dessus et le transformera en monstrueux Monsieur Hyde. Impossible de ne pas voir dans les déboires de ce pauvre Docteur Jekyll, rongé à la fin de sa vie par des pulsions immorales, une version romanesque de la pensée de Nietzsche.

une version romanesque de la pensée de Nietzsche.

Afin de pouvoir assumer une vie morale telle que la société anglaise de l’époque la conçoit, le docteur entreprend de concocter une potion qui lui permettra de se dédoubler afin d’évacuer ses pulsions immorales sous l’identité d’un Monsieur Hyde. Il pourra ainsi quand il se réincarne en Docteur Jekyll ne pas avoir à gérer la culpabilité de ses actes qui ne sont plus les siens. Voilà une audacieuse démarche qui consisterait à dissocier un homme avec ses qualités et ses faiblesses en deux hommes, l’un parfait au regard de la morale et l’autre abjecte. Le docteur pourrait ainsi vivre la moitié de sa vie avec bonne conscience et l’autre moitié sans conscience morale. Si on y réfléchit à deux fois cette potion est une véritable bombe dans un monde judéo chrétien qui se nourrit de la souffrance et de la culpabilité des hommes. Si l’on parvenait à séparer le bien du mal, non seulement le sentiment de culpabilité disparaitrait de ceux qui ne ferait que le bien, mais en plus et c’est là que la pensée de Nietzsche s’engouffre avec malice, celui qui ne fait que le mal n’a lui non plus aucun sentiment de culpabilité (il faudrait pour cela que Mr Hyde ait un peu de moral pour se repentir ce qui n’est pas le cas). Le Dr Jekyll avec ses potions nous démontre donc par l’absurde que le christianisme nous emmène droit dans le mur en nous faisant croire à un monde de saints, vers lequel nous devons tendre, ce qui inévitablement nous crée un horrible complexe d’infériorité puisque nous sommes loin du compte. Louis Stevenson, l’auteur du roman, n’est pas dupe et sait bien que la morale de la société victorienne de l’époque n’est qu’une représentation abstraite et totalement fausse du bien. La fin du roman est à l’image de la philosophie de Nietzsche puisque Hyde prend irrémédiablement le dessus sur Jekyll. La morale n’est que du prêt à penser pour les faibles. La morale des faibles est donc l'expression d’un ressentiment qui est l'affect d'une volonté vaincue qui cherche à se venger. Ce ressentiment est le symptôme d'une vie décroissante, qui ne s'est pas épanouie, comme celle du Dr Jekyll qui n’arrive pas à se lâcher comme on dit aujourd'hui. Ce ressentiment s'exprimera par des valeurs créées pour lutter contre les forts, en dévalorisant leur puissance (le fort devient le méchant Mr Hyde, par opposition au bon Dr Jekyll qui n’est qu’un faible). Ainsi, selon Nietzsche, la pitié, l'altruisme, toutes les valeurs humanitaires, sont en fait des valeurs par lesquelles on se nie soi-même pour se donner l'apparence de la bonté morale et se persuader de sa supériorité ; mais sous ces valeurs illusoires fermente une haine impuissante qui se cherche un moyen de vengeance et de domination.

Le christianisme est une morale du ressentiment.

Si à l’échelle de l’humanité la masse grouillante des faibles peut avoir raison sur les forts par leur nombre, à l’échelle du docteur, il est évident que Mr Hyde, l’homme fort qui n’a que faire de la morale des hommes pour vivre, remplacera irrémédiablement ce pauvre Dr Jekyll faible parmi les faibles qui engoncé dans la morale de son temps a tout simplement perdu l’envie de vivre, que Nietzsche dénomme, un peu pompeusement, volonté de puissance.

L’homme n’est qu’un homme qui ne peut pas être idéalisé, contrairement à ce que prétend la religion. Nous faisons partie de la nature et en cela nous sommes déjà parfaits. L’homme est naturel, seul notre art est artificiel. Nous juger revient à nous comparer à une forme idéale de l’homme qui n’existe que chez les charlatans de la morale. La seule manière que l’homme a de se sublimer et de s’extraire de sa condition naturelle d’animal n’est pas de faire le bien mais bel et bien de faire le beau, j’en suis persuadé et mon copain Nietzsche aussi. Nous sommes tous en fait des Mr Hyde, le Dr Jekyll n’existe pas, il n’est qu’une image d'Epinal convoyée par la société dominante (dans son cas victorienne) pour servir ses fins bassement utilitaires. La potion du docteur n’est autre qu’un sérum de vérité qui nous ouvre les yeux sur notre condition. Nous sommes tous comme Hyde, chargés d’une volonté de puissance parfaitement immorale car nous ne sommes que la vie en action et le bien et le mal devraient nous être étranger si on nous avait laissé tranquille. Regarder les racines des bambous qui font exploser les pots de terre pour étendre leur emprise, nous sommes comme eux bel et bien vivant. Nous ne tiendrons pas longtemps dans les pots de terre cuite démoulés par notre culture occidentale étriquée car volonté de puissance et vivant ne font qu’un. Le seul plaisir que je retire de la vie est d’expérimenter cette volonté. Que cela nous fasse du bien ou du mal, que l’on nous caresse ou que l’on nous fouette, le plaisir de vivre reste le même si je sens encore et toujours, même si elle est infime, l’emprise de ma volonté sur le monde qui m’entoure.