La Normandie et les Normands dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français (1852-2015)

C’est en avril 1852 qu’est fondée la Société de l’histoire du protestantisme français (SHPF). Le principal fondateur et le premier président en est Charles Read (1819-1898), alors sous-directeur des cultes non catholiques au ministère de l’Intérieur. La dimension confessionnelle de la Société est affirmée dès le premier numéro du Bulletin. Charles Read y sollicite de l’aide afin de « bâtir une œuvre commune de piété filiale, d’instruction et d’édification mutuelles ». Il s’adresse « particulièrement », pour ne pas dire exclusivement, à « tous ceux qui se félicitent d’appartenir à la Réforme française, [à] tous ceux qui se rattachent aux Églises protestantes, nées et naturalisées sur le sol français, ou exilées de cette première patrie, [à] tous ceux enfin qui s’honorent de porter le nom de chrétiens protestants » [Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français (BSHPF), t. 1er, 1852-1853, p. 6]. Le président affirme, ce faisant, les ambitions intellectuelles de la SHPF, pensée comme une « branche de la Société de l’histoire de France » fondée le 21 décembre 1833 sur l’initiative de François Guizot [Frank Delteil, « Guizot et la Société de l’histoire du protestantisme français ; Calvin vu par Guizot », in Actes du colloque François Guizot, Paris, 22-25 octobre 1974, Paris, SHPF, 1976, p. 417-437]. Comme le proclame fièrement l’article 1er de ses statuts, la SHPF « a pour but de rechercher, de recueillir et de faire connaître tous les documents, inédits ou imprimés, qui intéressent l’histoire des Églises protestantes de langue française ». Le Bulletin doit porter le « compte rendu périodique » de tous ces travaux [BSHPF, t. 1er, 1852-1853, p. 6 et 8]. Le premier fascicule paraît à l’été 1852.

Durant les premières années de son existence, la revue, au-delà de quelques ajustements de portée mineure, voit sa forme « assez peu modifiée » [André Encrevé, « Les premières années du Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français », BSHPF, t. 148, octobre-décembre 2002, p. 709-733, ici p. 727]. L’essentiel est consacré à la publication de documents. En 1865, après la démission de Charles Read et l’élection à la présidence du jeune banquier Fernand de Schickler (1835-1909), il est décidé de rendre la revue « accessible à un plus grand nombre de lecteurs » [Notice sur la Société de l’histoire du protestantisme français, 1852-1872, Paris, Bibliothèque du protestantisme français, 1874, p. 73]. La livraison du 15 janvier 1866 ouvre la deuxième série du Bulletin, désormais « historique et littéraire ». Ce dernier, placé sous la responsabilité de Jules Bonnet (1820-1892), secrétaire de la SHPF, comprend non seulement des éditions de sources imprimées ou manuscrites mais aussi de véritables études, lesquelles traitent d’abord du premiers temps de la Réforme avant d’aborder les siècles ultérieurs [Anne Reichert, « La Société de l’histoire du protestantisme français et son Bulletin : un regard protestant sur l’histoire du protestantisme français », BSHPF, t. 143, janvier-mars 1997, p. 63-97, ici p. 72-87, et Frank Delteil, « Le Comité de la Société de l’histoire du protestantisme français, 1870-1885 », in André Encrevé et Michel Richard (dir.), Les Protestants dans les débuts de la Troisième République (1871-1885). Actes du colloque (Paris, 3-6 octobre 1978), Paris, SHPF, 1979, p. 113-165]. La fin du xixe et le début du xxe siècle constituent une période d’apogée pour la Société, reconnue d’utilité publique dès le 13 juillet 1870, quelques semaines avant la fin du Second Empire [Notice sur la Société…, p. 184-186]. Le président Fernand de Schickler est le premier bienfaiteur de la SHPF. En 1885, l’acquisition de l’immeuble du 54, rue des Saints-Pères, à proximité de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, offre un local à la Bibliothèque du protestantisme français [Marianne Carbonnier-Burkard, « La Bibliothèque de la Société de l’histoire du protestantisme français », in Christian Amalvi (dir.), Les Lieux de l’histoire, Paris, Armand Colin, 2005, p. 113-117]. Le pasteur Nathanaël Weiss (1845-1928) occupe les fonctions de bibliothécaire et de secrétaire général de la SHPF. Responsable et principal rédacteur du Bulletin entre 1885 et 1923, il s’affirme comme un brillant érudit, d’une insatiable curiosité intellectuelle [cf. Patrick Harismendy, « ‘Post tenebras Lux’, ou cent ans de la Société de l’histoire du protestantisme français », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 86, n° 217, juillet-décembre 2000, p. 717-733, ici p. 719]. La Société commence alors à s’ouvrir. Le 16 mai 1911, le Comité de la SHPF annonce ainsi, avec fierté, la participation de Nathanaël Weiss au colloque des fêtes du millénaire normand, à Rouen : « pour la première fois peut-être, notre histoire n’[a] pas été exclue des congrès de ce genre » [BSHPF, t. 60, 1911, p. 559]. Tout au long du xxe siècle, le Bulletin « reflète la santé générale de la Société » [Patrick Harismendy, « ‘Post tenebras Lux’… », p. 728]. La revue, bimestrielle en 1903, devient trimestrielle à partir de 1918. Si la qualité typographique est améliorée, la pagination est irrégulière sous le mandat de Jacques Pannier (1869-1945), successeur de Nathanaël Weiss au secrétariat de la Société. En 1927 puis en 1930 paraissent les catalogues du Musée de la SHPF et des manuscrits de la Bibliothèque [Émile G. Léonard et André Maillet, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de la Société de l’histoire du protestantisme français, Paris, SHPF, 1930]. Le Bulletin se saborde en 1942 ; il reparaît en 1946. La baisse de qualité de la publication est nette durant les années 1950. La professionnalisation des instances de direction et la diversification des auteurs et des sujets abordés permettent cependant au Bulletin de retrouver de l’éclat à partir des années 1960 [Patrick Harismendy, « ‘Post tenebras Lux’… », p. 729-731]. La revue passe le cap du xxie siècle [voir notamment le numéro spécial du cent-cinquantenaire, BSHPF, t. 148, octobre-décembre 2002], avant de céder la place à la Revue d’histoire du protestantisme dont le premier numéro paraît en 2016.

La Normandie et les Normands occupent une place singulière dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français. Dès 1857-1858 (6e année), le pasteur rouennais Louis-Daniel Paumier (1789-1865) publie deux articles importants sur l’histoire de la Réforme en Normandie, l’un concernant un lointain prédécesseur Augustin Marlorat, l’autre à propos de la Saint-Barthélemy [notices n° 21 et 23]. Francis Waddington, auteur d’un Protestantisme en Normandie, éditeur avec Charles Read des Mémoires d’Isaac Dumont de Bostaquet, gentilhomme cauchois parti pour le Refuge après la Révocation, collabore au Bulletin jusqu’à son décès prématuré, en 1864 [n° 48 et 91]. Quelques années plus tard, en 1877 puis en 1888, Charles Osmont de Courtisigny (1835-1897), magistrat à la cour d’appel de Caen, fait paraître deux études sur la noblesse protestante et sur le rôle prétendu de l’évêque de Lisieux durant les semaines qui suivent la Saint-Barthélemy [n° 63 et 97]. C’est précisément entre 1870 et 1940 que les publications relatives à la Normandie se multiplient. Nathanaël Weiss s’intéresse de près à la province et sollicite divers correspondants parmi les savants ou les archivistes des cinq départements. À deux reprises, en 1887 puis en 1903, l’assemblée générale de la SHPF se tient à Rouen [n° 91 et 186]. Dès 1872, on trouvait dans le Bulletin le nom d’Émile Lesens (1829-1897), fondé de pouvoir de la maison Fauquet-Lemaître, membre de la plupart des sociétés savantes ou littéraires de la capitale normande tout en exerçant de multiples responsabilités au sein de l’Église réformée locale [notices n° 55 et 149]. Les papiers de cet érudit sont conservés à la Bibliothèque de la SHPF [ms. 1202 à 1213 et 1545, et Michel Reulos, « La Normandie dans les collections de la Société de l’histoire du protestantisme français », Recueil d’études normandes offert en hommage à Michel Nortier, Cahiers Léopold Delisle, t. xliv, 1995, n° unique, p. 77-80]. Le relais est bientôt pris par Raphaël Garreta (1851-1930), un temps adjoint au maire de Rouen, savant, collectionneur, directeur du musée des Antiquités, auteur de multiples notices publiées dans le Bulletin à partir des années 1890 [n° 300]. À peu près à la même époque, Alfred Galland (1860-1935), agrégé de l’Université depuis 1887 (littérature, enseignement dit spécial), professeur en lycée, s’illustre par la parution d’une quinzaine d’articles, lesquels accompagnent ou développent les thématiques d’une thèse monumentale sur la basse Normandie huguenote [n° 160 et 335]. Sophronyme Beaujour (1814-1901), l’autre grand historien de la Réforme caennaise, publie en revanche assez peu dans le Bulletin [n° 66 et 182]. Par ailleurs, les archivistes de la région, Armand Bénet et René-Norbert Sauvage (Calvados) ou encore Louis Duval (Orne), éditent divers documents relatifs à l’histoire du protestantisme normand entre 1879 et 1915-1916. Dès avant 1914 et durant l’Entre-deux-guerres, de nouvelles plumes apparaissent, tels les professeurs de lycée Eugène Le Parquier (1864-1936) et G. Dubois ou le pasteur Benjamin Robert (1861-1943) [Yves Roth, « Le pasteur Benjamin Robert, historien du protestantisme alençonnais », Société historique et archéologique de l’Orne, t. cxxii, décembre 2003, p. 155-165].

Après le déclin des années 1950, la Normandie ne retrouve jamais la place qu’elle avait à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Il faut cependant évoquer l’importante série consacrée aux Églises réformées de la Manche par Marcel Cauvin (1890-1975), agrégé d’anglais [notice n° 427]. On doit rappeler également que, pendant plus de cinquante ans, le juriste et savant Michel Reulos (1909-2007) a multiplié les comptes rendus d’expositions ou d’ouvrages relatifs au protestantisme normand, rendant d’inestimables services à la communauté des chercheurs [voir n° 371 et 514]. Enfin, soulignons que le pasteur Denis Vatinel, actuel conservateur du Musée de la France protestante de l’Ouest après avoir exercé la fonction de bibliothécaire de la SHPF, a donné au Bulletin de trop rares articles ou comptes rendus [n° 440 et 445, en particulier].

Le dépouillement qui suit ne prétend aucunement à l’exhaustivité [voir aussi Philippe Manneville, Histoire du protestantisme normand : glanes, Le Havre, chez l’auteur, 2004, et Histoire du protestantisme normand : éléments bibliographiques, Le Havre, chez l’auteur, 2005, deux tapuscrits déposés à la Bibliothèque de la SHPF]. Il recense les principaux articles publiés dans le Bulletin et traitant directement ou indirectement de la Normandie, de ses villes, de ses habitants. Pour effectuer ce travail, j’ai surtout utilisé les collections numérisées du Bulletin, disponibles sous la forme d’un DVD pour les années 1852-2000 et sur le site gallica.bnf.fr pour la seule période 1852-1942. À travers ces quelque 500 références, le lecteur voyagera de Dieppe à Alençon en passant par Caen et par Saint-Lô, du siècle des Réformes à la période contemporaine.

Voir ici le dépouillement du BSHPF pour les années 1852-2015. Pour la période 1852-1942, le lien est fait avec le site gallica.bnf.fr au(x) premier(s) mot(s) de l’article concerné. La recherche est facilitée par deux index : des auteurs, d’une part, des noms de personnes, de lieux et de matières cités d’autre part.

* Je remercie Geneviève Cornevin-Ferrari, Alexis Douchin, Bernard Roussel, Pascale Rowe et Nicole de Villars pour toute l’aide qu’ils ont bien voulu m’apporter.