4.6 Compression thermique ?

(Ajout le 2/09/2012)

(MAJ des liens le 22/11/2016)

Certains constructeurs, peu nombreux, donne une indication de la perte de sensibilité en fonction de la puissance admise.

JBL par exemple indique les valeurs suivantes :

https://jblpro.com/pages/pub/components/2226.pdf

JBL pour son enceinte de studio LSR32 précise même l'évolution de la réponse en fréquence avec la puissance admise :

http://www.jblpro.com/pub/manuals/lsrman.pdf

Autre exemple avec Beyma qui donne cette courbe de perte de sensibilité pour le 12SW1300Nd :

https://www.beyma.com/speakers/Fichas_Tecnicas/12SW1300ND%208%20OH.PDF

On notera qu'il existe une difficulté dans la définition de la puissance nominale Pn reçue par le haut-parleur.

- JBL qui utilise la formule Pn = U^2/Znominal avec Znominal égale à 4, 8 ou 16 ohm suivant le haut-parleur,

- Beyma qui s'appuie sur la norme AES2-1984 (r2003) avec Pn = U^2/Zmin et Zmin égale à la valeur minimale de la courbe d'impédance.

http://www.aes.org/publications/standards/search.cfm?docID=12

Pour une même tension U aux bornes du haut-parleur, ces deux approches donneront généralement des puissances différentes :

http://www.dexon.cz/data/clanky/popisy/aes_rms.pdf

En régime alternatif, la puissance absorbée par une impédance va dépendre non seulement de la tension et du courant, mais également du déphasage φ entre intensité et courant.

Il est ainsi défini une puissance active :

P = Ueff * Ieff * cos( φ )

http://fr.wikipedia.org/wiki/Puissance_active

Le coefficient cos( φ ) est appelé facteur de puissance :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_de_puissance

Il faut souligner que l'impédance Z d'un haut-parleur, c'est... une impédance !

Autrement dit, un nombre imaginaire avec une partie réelle Zreel et une partie imaginaire Zimg, nombre imaginaire que l'on peut représenter par son module et sa phase :

En écrivant Ueff = |Z| * Ieff

On en déduit cos( φ ) = Zreel / |Z| et Ieff = Ueff / |Z|

On obtient finalement P = Ueff * Ueff / |Z| * Zreel/|Z| soit P = Ueff^2 / R avec R = |Z|^2 / Zreel

On notera que le pic d'impédance d'environ 230 Ohm vers 45 Hz se trouve dans la bande de fréquence 25 - 200 Hz du bruit rose qui a servie à la mesure de la compression du 12SW1300Nd.

Dans cette bande de fréquence, la "résistance" moyenne active |Z|^2 / Zreel est égale à d'environ... 78 ohm !

Pour une tension de 90 Veff on peut avoir une puissance absorbée de 1300 W @ 6,2 ohm ou de 104 W @ 78 ohm.

C'est juste "un peu" différent...

De plus, dans ce montage free-air, la puissance admissible sera limitée par le Xmax dans les basses fréquences, en dessous de 70 Hz dans le cas présent.

Il aurait été plus réaliste de prendre la "bonne" charge pour le haut-parleur, par exemple une enceinte bass-reflex plutôt qu'un montage free-air puisque le choix du montage modifie la courbe d'impédance.

La sensibilité d'un haut-parleur en dB(SPL)@1W@1m@2Pi s'exprime par la relation :

Sensibilité = 112,2 + 10*log10( ro/(2*Pi*c) * BL^2/Re * (Sd/Mms)^2 )

Dans la situation d'un haut-parleur alimenté par un amplificateur classique, assimilable à une source de tension, il est préférable d'exprimer la sensibilité en dB(SPL)@2,83Veff@1m@2Pi :

Sensibilité = 112,2 + 10*log10( ro/(2*Pi*c) * BL^2/Re * (Sd/Mms)^2 ) + 10*log10(8/Re)

http://en.wikipedia.org/wiki/Thiele/Small

Trois facteurs vont intervenir dans la perte de sensibilité avec la puissance admise :

1. La résistance de la bobine mobile Re qui augmente avec la température

2. Le flux magnétique B qui diminue avec la température

3. Le BL qui diminue avec l'excursion de la bobine mobile.

Le premier facteur de perte de sensibilité est la conséquence de l'augmentation des pertes par effet Joule :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Joule

qui va se traduire par une augmentation de la température de la bobine mobile.

Or la résistance de la bobine, plus précisément la résistivité du matériau, augmente avec la température :

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9sistivit%C3%A9

En première approche Re = Re0 * ( 1 + alpha*(T-T0) )

Re0 étant la résistance à la température T0 et Re étant la résistance à la température T.

Pour le cuivre, le coefficient de température alpha est égal à 0,00393.

A partir de la courbe de réduction de la sensibilité du Beyma 12SW1300Nd, et en supposant dans un premier temps que l'influence de Re est prépondérante, nous pouvons en déduire la variation de Re avec la puissance admise :

Puis, dans un deuxième temps, la température nécessaire pour obtenir cette variation de Re :

La température maximale ainsi calculée est voisine de la température maximale du support de la bobine telle quelle est donnée par des fabricants de bobines mobiles comme Poyun :

220°C pour le Nomex, 250°C pour la fibre de verre, 300°C pour le Kapton…

http://www.poyun.com/en/materialinc.jsp?id=49&csid=41

Le Beyma 12SW1300Nd fait partie de la série SW1600Nd caractérisée par le procédé Helicex qui permet d'augmenter la puissance admissible :

http://ziogiorgio.com/2008/03/20/new-patented-technology-by-beyma-helicex/

Il est vrai que 1300 Waes pour un 12" est peu courant !

Beyma donne, pour le 18SW1600Nd de la même série, l'évolution de la température de bobine mobile en fonction de la puissance admise :

http://www.ziogiorgio.com/viewnews.php?id=20778

http://www.supersonic.se/dokument/18SW1600NdEN_com.pdf

A la puissance nominale (1600 Waes), la température de la bobine mobile du 18SW1600Nd est de 245 °C.

Cette augmentation de Re avec la température aura plusieurs effets secondaires :

- une augmentation de Qts (puisque Qes est proportionnel à Re) et donc une variation de l'accord de l'enceinte,

- une variation de la fréquence de raccordement si un filtre passif est utilisé :

http://sound.westhost.com:80/lr-passive.htm#s3.3

http://sound.westhost.com:80/articles/pwr-vs-eff.htm#foot

Le deuxième facteur de diminution de la sensibilité est l'effet de la température sur le champ magnétique B généré par l'aimant.

En effet, une augmentation de température va provoquer une baisse du champ magnétique B dans l'entrefer et donc une diminution de la sensibilité du haut-parleur.

Pour la ferrite, la température maximale d'utilisation est d'environ 200°C et la température de Curie de 460°C.

La perte d'aimantation est d'environ 0,2%/°C soit 20% pour une augmentation de température de 100°C.

Pour le néodyme-fer-bore, la température maximale d'utilisation est d'environ 180°C avec une perte d'aimantation de 0,12%/°C :

http://ecs-global.fr/produits/aimants-permanents/

Au delà de la température de Curie, un aimant sera complètement désaimanté de façon irréversible :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Temp%C3%A9rature_de_Curie

En se basant sur ce relevé de températures en régime permanent :

http://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/technologies-de-l-information-th9/captation-enregistrement-et-restitution-des-images-et-des-sons-42353210/haut-parleurs-e5170/haut-parleurs-a-bobine-mobile-e5170niv10001.html

On peut estimer que la compression thermique est d'environ 4,5 dB répartie entre :

3,8 dB du fait de l'augmentation de la température de la bobine mobile (21 -> 160 = 139 °C)

0,6 dB du fait de l'augmentation de température de l'aimant (21 -> 54 = 33 °C)

Un deuxième exemple de relevé de températures est donné par ce document de Philippe Lesage :

http://cyrille.pinton.free.fr/electroac/lectures_utiles/lesage.pdf

En supposant une loi d'évolution de l'augmentation de température du type k*( 1 - exp( -t/tau ) ), on peut déduire de ces courbes une constante d'inertie thermique tau très différente pour la bobine mobile et pour l'aimant :

- environ 0,6 min pour la bobine mobile,

- environ 12 min pour l'aimant.

Dit autrement, la durée du test de JBL et Beyma ( 5 min ) est probablement insuffisante pour atteindre le régime permanent...

Un autre exemple d'évolution de la perte de puissance est donné par la Technical Notes Volume 1 Number 18 de JBL :

http://www.jblpro.com/pub/technote/tn_v1n18.pdf

Le "régime de croisière" est ici obtenu après environ 30 s.

D'autres exemples de température maximale en régime permanent se trouvent dans l'étude de Pierre Etienne Sirder citée par "Robert64" sur le forum Audax :

http://www.audax.fr/forum/read.php?4,17251,page=1 (lien mort du fait de l'arrêt du forum Audax en 2015)

Le troisième facteur de réduction de la sensibilité du haut-parleur avec la puissance admise a pour origine la non linéarité du BL avec l'excursion X de la bobine mobile.

Dans le cas du 12SW1300Nd la courbe BL(X) est la suivante :

Source : Revue Voice Coil d'avril 2011

D'après Beyma, le Xmax du 12SW1300Nd est de 10 mm avec la définition Xmax = (Hc - Hg)/2 + Hg/3,5

Ce qui diffère de la définition "classique" avec Xmax = (Hc - Hg)/2 qui donne (25-14)/2 = 5,5 mm.

En définissant le Xmax par BL/BL0(X=Xmax) = 70% on obtient un Xmax d'environ 10 mm conforme au calcul de beyma :

Pour mémoire, le sujet de la définition du Xmax est l'objet de discussions au sein de l'AES.

Voir ce débat entre l'AES qui vise un protocole de mesure simple, même si il est approximatif, et Wolfgang Klippel qui propose un protocole de mesure plus rigoureux :

http://www.aes.org/standards/comments/archive/comments-reaffirm-aes2.cfm

http://www.klippel.de/uploads/media/Assessment_of_Voice_coil_peak_displacement_XMAX_02.pdf

Pour estimer le BL moyen dans la plage -Xmax + Xmax, nous allons prendre un signal sinus +/-Xmax et intégrer le BL(X) sur une période.

On obtient alors : BL moyen / BL0 = 84%.

Dans ces conditions (une excursion de la bobine mobile qui va de -Xmax à +Xmax), la perte de sensibilité du fait de la diminution du BL moyen est de 10*log10(84%^2) = 1,5 dB

On notera que cette perte de sensibilité concerne surtout les très basses fréquences, là où le déplacement de la bobine mobile est important.

Reste la question de savoir si cette compression est un phénomène significatif dans le contexte du home-cinéma ou de la haute-fidélité...

Afin de tenter de répondre à cette question, nous allons prendre des morceaux représentatifs de trois contextes :

1. le contexte du home-cinéma,

2. le contexte de la musique classique,

3. le contexte de la musique pop.

Le premier contexte est celui du home-cinéma et du caisson de grave alimenté par le canal LFE.

Ceci sera illustré par extrait du DVD de la Guerre des mondes de Steven Spielberg :

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Guerre_des_mondes_%28film,_2005%29

Le canal LFE a été extrait de la piste .ac3 et ouvert dans Adobe Audition :

Sans surprise, on constatera que le canal LFE fonctionne de façon intermittente, ce qui apparait clairement dans les statistiques de la forme d'onde :

Le niveau moyen se situe ici à environ -20,8 dB par rapport au niveau maximal soit environ... 0,8% de la puissance maximale.

Ce rapport entre le niveau maximal et le niveau moyen est appelé facteur de crête (crest factor) :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_de_cr%C3%AAte

Si on utilise comme haut-parleur de grave le Beyma 12SW1300Nd avec sa puissance admissible nominale de 1300 W, la puissance moyenne reçue sera de 0,8% * 1300 = 11 W.

Pour cette puissance moyenne, la compression d'après les données du constructeur est de... 0,03 dB autrement dit inexistante !

Un point remarquable concerne le spectre moyen de cet extrait :

Le spectre est centré sur 30 Hz avec un 50 Hz au même niveau que le... 4 Hz !

Le deuxième contexte est celui de la musique classique.

Ceci sera illustré par la piste bien connu n°1 du CD de démo n°1 de la RDS : Tableau d'une exposition de Mussorgski.

L'allure générale de la forme d'onde est la suivante :

Et les statistiques de la forme d'onde sont les suivantes :

Le niveau moyen se situe à environ -21,8 dB par rapport au niveau maximal soit environ... 0,7% de la puissance maximale.

Comme pour le contexte du home-cinéma, la compression sera négligeable !

Le nombre d'échantillons susceptibles d'avoir été écrêtés à l'enregistrement semble raisonnable (=0).

Toutefois un zoom sur le signal démontre clairement le contraire :

En réalité l'enregistrement a été écrêté juste avant le 0 dBFS.

Il suffit d'amplifier "un poil" le signal d'un facteur 1,0001 pour que les statistiques de la forme d'onde révèlent le "pot aux roses" avec environ 2500 à 5000 (?!) échantillons à 0dBFS pour chacune des voies G/D :

Le troisième contexte est celui de la musique pop réputée pour sa faible dynamique.

A titre d'illustration, il s'agit ici de : American Life de Madonna qui présente une forme d'onde nettement plus "dense" :

Le spectre moyen sur l'ensemble du fichier .wav et lissé au 1/6 d'octave est le suivant :

Le spectre montre un pic vers 50 Hz.

Si on se place dans une configuration 3 voies, par exemple avec des fréquences de raccordement de 125 et 1500 Hz, la répartition de la puissance est la suivante :

- 92,7% pour le grave,

- 7,1% pour le médium,

- 0,2% pour l'aigu.

Avec ce type de musique, c'est manifestement le haut-parleur de grave qui est le plus sollicité !

Adobe Audition affiche également les statistiques de la forme d'onde :

Curieusement, par rapport à certains CD de démo de musique classique, le nombre d'échantillons à 0 dBFS est relativement faible.

Le niveau moyen se situe à environ -8,6 dB soit environ 14% de la puissance maximale.

Le haut-parleur de grave étant le plus sollicité, il est intéressant de voir ce que deviennent ces statistiques en filtrant le fichier .wav avec un passe-bas (ici LR4 à 125 Hz) :

Le niveau maximal est d'environ -1,1 dB

Le niveau moyen est d'environ -13.2 dB soit -12,1 dB en dessous du niveau maximal, ce qui représente environ 6% de la puissance maximale.

Si on utilise comme haut-parleur de grave le Beyma 12SW1300Nd avec sa puissance admissible nominale de 1300 W, la puissance moyenne reçu sera de 6% * 700 = 80 W.

Pour cette puissance moyenne, la compression d'après les données du constructeur est de... 0,2 dB !

En conclusion, il apparait que le phénomène de compression est pratiquement inexistant dans la pratique.

Ceci quelque soit le contexte : home-cinéma, musique classique ou musique pop.

Historique

Révision 2 le 02/09/2012 : Un grand merci à robert64 et Jean-Marc Plantefève pour leurs commentaires

Révision 1 le 28/08/2012 : Un grand merci à Jean-Marc Plantefève et Forr pour leurs commentaires

Révision 0 le 24/08/2012