Gérald Bronner : la résistance au darwinisme

Une conférence du 29 octobre 2008 : "La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements"

(cliquez sur l'image)

http://www.ens-lyon.fr/asso/groupe-seminaires/seminaires/voirsem.php?id=gbronner

Deux articles liés

1. Bronner Gérald, La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements, Revue française de sociologie 3/ 2007 (Vol. 48), p. 587-607

→ en accès libre sur cairn

page 605 "Tout cela relève d’un paradoxe connu, mais fascinant pour tout sociologue : celui de la coexistence d’un progrès de la connaissance humaine et d’une persistance de certaines idées fausses. L’attractivité et la pérennité de certains produits frelatés sur le marché cognitif peuvent être éclairées de bien des façons, mais il me semble qu’elles resteraient un peu obscures si l’on ne voyait qu’elles étaient soutenues par une argumentation qui tire souvent son inspiration du contexte social dans lequel elles s’expriment, mais aussi de certaines grandes pentes universelles de l’esprit.

Cette constatation ouvre, par ailleurs, un débat plus vaste : l’autorité de la science n’est jamais autant contestée que lorsque ses conclusions contrarient ces pentes naturelles de notre esprit, et pourtant, c’est toujours là qu’elle est la plus utile."

Jean-Marc Temmos en parle dans la POZ n°45 de mars 2009 (sans citer la source, il évoque juste "une enquête menée en 2005 à la Sorbonne").

2. Bronner Gérald, Cognition et formation académique. Les professeurs de science de la vie et de la terre face au « problème des éléphants », Revue Européenne des Sciences Sociales n° 52-1, 2014, p. 139-161.

→ en libre accès à cette adresse dès janvier 2018

Je recommande particulièrement la lecture de ce second article... surtout si vous êtes prof de SVT !

page 140 "Parmi toutes les propositions scientifiques difficilement acceptées par la logique ordinaire, la théorie de l’évolution a une belle place. D’une part, parce que c’est incontestablement l’une des théories les plus novatrices et importantes de l’histoire des idées. Et, d’autre part, parce que son caractère contre-intuitif a été plusieurs fois remarqué (voir Guillo, 2009 ; Lecointre, 2009 ; Gould, 2006 ; Picq, 2006)."

→ Cette théorie est tellement contre-intuitive que ceux qui se sont donné pour mission d'en révéler le caractère contre-intuitif se prennent eux-même les pieds dans le tapis. Ainsi, Dominique Guillo*, par exemple, commet quelques erreurs qui affaiblissent considérablement certains points de sa démonstration.

Exemple 1 : "Or - et c'est là l'élément essentiel -, dans un cadre évolutionniste moderne, une telle représentation n'a aucune nécessité. [...] Du point de vue de la science de l'évolution actuelle, ces différents arbres sont parfaitement équivalents." pages 89-90. Oui mais... les trois arbres présentés sont bien différents !

Exemple 2 : Il reproche aux étudiants de faire apparaître l'échelle des êtres dans leurs réponses... alors que sa présence est imposée par le choix orienté de l'échantillon ! (page 106)

Pour plus de détails, voir L' échelle des êtres se cache-t-elle dans certains arbres phylogénétiques modernes ?

Exemple 3 : La confusion généalogie/phylogénie est présente tout au long du livre.

Ainsi, page 106 : " Le problème soumis aux étudiants était formulé de la façon suivante : « Tracer sur une feuille l'arbre généalogique qui relie selon vous ces individus les uns aux autres (utilisez les noms marqués sous les photos pour représenter les individus dans votre arbre :  »." Mais c'est un arbre phylogénétique qui était attendu...

Page 41 : "[...] c'est à l'inverse pour autant que deux êtres vivants ont un lien de parenté généalogique proche qu'ils devront, quel que soit leur degré de ressemblance, être classés dans un même groupe."

Page 42 :"L'étonnement suscité par certains regroupements taxinomiques effectués dans le cadre des classifications contemporaines au moyen des critères évoqués plus haut – les critères généalogiques – constitue un premier indice."

* Dominique Guillo (2009) Ni Dieu, ni Darwin. Les Français et la théorie de l'évolution, Ellipses.

Le biais d'agentivité

Biais d'agentivité : tendance à considérer certaines entités comme des agents capables de mener des actions (moyens) afin d'atteindre des buts qu'ils se sont fixés (fins).

Dans les deux articles ci-dessus (Bronner 2007 et Bronner 2014), ce biais est présent à deux niveaux :

1. Au niveau spécifique : l'espèce peut agir pour se maintenir, elle peut provoquer des mutations, c'est le "finalisme 2" dans Bronner 2007 page 597.

2. Au niveau individuel : l'individu peut agir pour se maintenir en vie, il peut provoquer des mutations, c'est le "finalisme 1" dans Bronner 2007 page 597.

La lecture des trois passages ci-dessous suggère que le biais d'agentivité opère à un troisième niveau, celui de l'allèle (c'est moi qui engraisse) :

"Le gène dominant : Les interviewés défendent l’idée que le gène qui prévient la formation des défenses est « dominant », donc il tend à se répandre dans la population des éléphants. Cette solution est un peu bancale en réalité car, si ce gène était dominant, on ne comprendrait pas pourquoi il a mis aussi longtemps à se « répandre » dans la population." (Bronner 2007, page 597)

"Concernant le type « gène dominant », comme son nom l’indique, il propose de résoudre l’énigme en considérant que le gène qui prévient la formation des défenses est « dominant », donc il tend à se répandre dans la population des éléphants. Certains sujets proposent alors une solution hybridée en soulignant que ce gène est apparu récemment à cause d’une modification dans l’environnement ou l’alimentation par exemple." (Bronner 2014, page 150)

"Enseignant 1 SVT : Bah... je dirais que... que... ça rejoint la théorie de l’évolution, et que donc ça doit être... soit une mutation qui... qui se, qui est dominante, et donc qui se répand beaucoup, ou..." (Bronner 2014, page 152)

Erreur : Non, un allèle ne se répand pas dans une population parce qu'il est dominant mais parce que sa valeur sélective est forte (proche de 1). Ainsi, même un allèle récessif verra sa fréquence augmenter dans une population si sa valeur sélective est forte.

Le biais consiste ici, il me semble, à doter l'allèle d'un pouvoir propre aux agents, la possibilité de mener des actions : dominer ses "collègues" et se répandre. Ceci explique sans doute l'erreur commise " il est dominant donc il se répand".

Cherchez les erreurs !

Trouvé dans le manuel de SVT, cycle 4, lelivrescolaire.fr, 2017, page 276 :

(cliquez sur l'image)

 Utilisation du document... sans correction : exemple ici.

1° L'auteur n'est pas Gérard Bronnier mais Gérald Bronner.

2° La revue n'est pas la Revue Française de biologie mais la Revue française de sociologie.

3° Le texte entre guillemets n'est même pas issu de cet article !

Heu... c'est une blague ?