Sur la place

Seul sur cette place minérale, morne et grise ?

Non une femme, à l'apparence d'un autre siècle, effrayée, horrifiée, me fixe de ses yeux caves.

Elle me regarde tétanisée, sa silhouette ne m'est pas inconnue, elle me rappelle de lointains souvenirs que je n'arrive pas à situer, elle ne m'est pas hostile, au contraire, elle semble seulement choquée.

Sa bouche grande ouverte, pousse un cri, ou plutôt une lamentation que je n'entends pas, je pense à Munch, ce visage exsangue poussant ce cri silencieux qui glace d'effroi.

L'air est vif, sidéral, pas un bruit, pas un être.

Pourquoi cet appel silencieux et si fort à la fois ?

Pourquoi cette main décharnée, tendue vers moi ?

Pourquoi me regarde-t-elle avec cette consternation ?

Je sais pourquoi, mais je ne veux pas l'admettre, oui je sais.

Elle me regarde, tituber, flageolant sur mes jambes et tentant de garder l'équilibre.

Je sais, elle me regarde tomber et je tombe... tout doucement, au ralenti, comme dans un film de Peckinpah, je tombe dans la poussière, sur cette place vide, et je ne me relèverai pas..

Elle m'attend pour me serrer sur son sein, m'enlacer de ses bras décharnés mais aimant et j'entends dans un souffle qu'elle me parle enfin, tout doucement à l'oreille -et mon cœur qui s'éteint et mon fluide vital qui s'épuise- viens mon petit, depuis tout ce temps que je t'attends, maintenant tu ne crains plus rien...mon enfant, mon chéri.

MAMAN !

Christian Vivier-DAMIANI- La Garde- le 24 novembre 2020