La vie symbolique

Auteur : Carl Gustav Jung

Sources : La vie symbolique - Psychologie et vie religieuse, Albin Michel, Paris, 1989

P65 (La vie symbolique) Avoir le sentiment de mener une vie symbolique, d'être un acteur du drame divin, donne à l'être humain la paix intérieure. C'est la seule chose qui puisse donner un sens à la vie humaine. Tout le reste est banal et on peut s'en passer. […] C'est là le secret de l'Église catholique : le fait que, dans une certaine mesure, elle permette toujours à ses fidèles de mener une existence pleine de sens. Si l'on peut par exemple assister chaque jour à l'eucharistie, si on peut avoir part à sa substance même, alors on est rempli de la divinité, et on répète chaque jour le sacrifice éternel du Christ.

P66 (La vie symbolique) J'ai besoin d'une situation où tout cela pourrait, une fois encore, redevenir vrai. J'ai besoin de formes nouvelles. Il n'y a aucun mérite à avoir eu la malchance d'être mis au ban d'une Église ou à en être sorti après avoir dit que tout cela était absurde. Mais que l'on en fasse partie et que l'on se sente contraint, disons par Dieu, de la quitter – dans ce cas-là on se trouve effectivement extra ecclesiam. Mais on dit bien « extra ecclesiam nulla salus ». C'est alors que cela devient terrible, car on n'est plus protégé de rien, on ne fait plus partie du consensus gentium, on ne repose plus dans le sein de la Mère de la miséricorde. On est seul et tous les esprits infernaux sont déchaînés contre soi. C'est là ce que les gens ne savent pas. Ils ont coutume de dire alors qu'on est atteint d'une névrose d'angoisse, d'angoisses nocturnes, d'obsessions ou que sais-je encore. L'âme est esseulée ; elle se trouve extra ecclesiam, sans avoir été délivrée.

P67 (La vie symbolique) En réalité il s'agit de quelque chose de tout différent : il s'agit de la peur terrible de la solitude. C'est l'hallucination de la solitude, d'une solitude à laquelle rien ne saurait remédieR. On peut faire partie d'une société d'un millier de personnes et être seul quand même. Ce quelque chose au fond de soi qui devrait vivre est seul. Personne n'y touche, personne ne le connaît, on ne le connaît pas soi-même. Et pourtant cela continue de se manifester en sourdine, cela nous inquiète, nous harcèle sans relâche et ne nous laisse pas en paix.

[…] Prenons n'importe quel cas au hasard : si j'approfondis suffisamment l'analyse, si le cas l'exige ou si les circonstances sont favorables, je pourrai immanquablement observer certaines choses, à savoir la manifestation de certains faits inconscients remontant à la surface de manière menaçante. […] L'explication proposée pour tous les symptômes névrotiques est connue depuis longtemps. […] C'est ainsi que nous nous défaisons de nos âmes, par le raisonnement suivant : « Oh, je suis lié à ma mère par une fixation, mais si je prends conscience de tous les fantasmes que je peux avoir à ce sujet, je serai libéré de cette fixation. » Si le patient y parvient, il aura perdu son âme. Chaque fois que l'on accepte cette explication, on perd son âme.

P71 (La vie symbolique) Les observations que j'ai pu faire m'ont appris que l'inconscient de l'homme moderne a tendance à produire un état psychologique que l'on rencontre parfois dans la mystique médiévale. On rencontre des choses semblables chez Maître Eckhart ; on en rencontre beaucoup dans le gnosticisme. Il s'agit là d'une sorte de christianisme ésotérique. On rencontre en chaque homme l'idée de l'Adam Kadmon, du Christ en nous. Le Christ est le second Adam ; la même chose est exprimée dans les religions orientales par l'idée de l'atman ou de l'homme total, de l'homme primordial, de l'homme « tout rond » de Platon, représenté symboliquement par un cercle ou par une figure à motifs circulaires. On rencontre toutes ces idées dans la mystique médiévale, on les rencontre partout dans la littérature alchimique depuis le premier siècle après Jésus-Christ. On les rencontre dans le gnosticisme, on en rencontre évidemment beaucoup dans le Nouveau Testament, chez saint Paul. Il s'agit là du développement tout à fait logique de l'idée du Christ en nous – non pas du Christ historique, mais du Christ en nous. Et cette idée est fondée sur l'argument qu'il est immoral de laisser le Christ souffrir pour nous, qu'il a suffisamment souffert et que nous devons enfin porter nous-mêmes nos propres péchés et cesser de lui imposer cette charge – que nous devons les porter dans leur totalité. Le Christ exprime la même idée en disant : Je suis là dans le plus petit de vos frères. Et si tu étais toi)même le plus petit de tes frères, mon cher ? Alors tu comprendrais que le Christ ne doit pas être le plus petit dans ta vie, et que nous avons un frère en nous qui est véritablement le plus petit de nos frères, bien davantage encore que le pauvre mendiant auquel nous donnons à manger. Cela veut dire que nous portons une ombre [P72] en nous, un mauvais garçon, un très pauvre homme, et qu'il nous faut l'accepter. Qu'a fait le Christ – voyons les choses sur un plan très banal – qu'a fait le Christ si nous le considérons comme un simple être humain ? Le Christ a désobéi à sa mère ; il a désobéi à sa tradition ; il s'est comporté de manière à égarer les esprits et a joué ce rôle jusqu'à sa fin tragique : il est resté fidèle jusqu'au bout à son hypothèse initiale. Dans quelles conditions le Christ est-il né ? Dans la plus grande misère. Qui était son père ? Il était un enfant illégitime – humainement parlant la situation la plus pitoyable : celle d'une pauvre fille qui a un petit enfant. C'est là notre symbole, c'est nous-mêmes qui sommes visés là, nous tous. Celui qui vit sa propre destinée jusqu'au bout, celui-là sait alors que le Christ est son frère.

P81 (La vie symbolique) Je ne sais rien à ce sujet (la vie après la mort), mais je puis vous dire une chose : l'inconscient ignore le temps. Une partie de notre psychisme se trouve en dehors du temps et de l'espace. Le temps et l'espace ne sont qu'une illusion. Il y a ainsi une dimension de notre psychisme pour laquelle le temps n'existe absolument pas.

P81 (La vie symbolique) C'est ainsi que nous pouvons reconnaître la vérité : la vérité, c'est ce qui nous aide à vivre – à vivre correctement. [...][p82] Je sais seulement que je vis mal lorsque je vis d'une certaine manière. Je mène une vie malsaine. Et si je vis autrement, je fais bien.

P83 (La vie symbolique) Il n'y a pas de conflit entre la religion et la science. C'est là une conception très démodée. La science doit tenir compte de ce qui existe. La religion quant à elle est une des manifestations essentielles de l'esprit humain. Elle est un fait, et la science n'a rien à dire à ce sujet. Elle peut seulement confirmer que la religion existe en tant que fait. […] Notre science est une phénoménologie. Au dix-neuvième siècle elle avait l'illusion de pouvoir établir la vérité. Aucune science ne peut établir une vérité.

P93 (notes alchimiques) Il s'agit ici de la problématique des opposés et de sa projection dans la matière c'est-à-dire de l'union des contraires à la fin de produire un troisième terme qui sera le symbole unifiant, appelé Hermaphrodite ou Rebis, ou bien pierre « vivante » des sages. Ce symbole est une chose qui naît de l'homme, comme un enfant, et qui continue de vivre en l'homme – comme le dit un ancien traité attribué à Rosinus (Zorisme) et probablement d'origine arabe. La pierre correspond à une panacée universelle, à un élixir d'immortalité, au prototype même du Sauveur ; c'est pourquoi elle est aussi une allégorie du Christ.

Un devient deux, deux devient trois et du troisième vient l'Un comme quatrième. Axiome de Marie la Copte ou Marie la juive 3ème s. ap J.-C.

On doit surtout à Zosime la fameuse formule :

"Un [est] le Tout, par lui [se développe] le Tout et vers lui [retourne] le Tout ; ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien (Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν). Un est le serpent [l' ouroboros, le serpent qui mord sa queue], celui qui possède l' ios [8] [la teinture en violet ?, dernière étape de la transmutation après le noircissement, le blanchiment, parfois le jaunissement] après les deux traitements [noircissement et blanchissement ?]." Cette formule est accompagnée du diagramme de l'ouroboros.[5

P102 (Notes alchimiques) Le symbole essentiel de la matière se transformant au cours du processus alchimique est le Mercure. L'image que les textes en donnent correspond pour l'essentiel aux caractéristiques de l'inconscient. Au début du processus il se trouve pris dans la massa confusa, dans le chaos et la nigredo (l'oeuvre au noir), l'état dans lequel les éléments s'affrontent. Le Mercure joue ici le rôle de la materia prima, de la substance destinée à être transformée. Il correspond dans l'alchimie grecque au nous ou à l'anthropos immergé dans la physis. Dans l'alchimie trardive, il est l'anima mundi in compendibus » : l'âme du monde prisonnière, le « systema virtutum superiorum in inferioribus » : le système des forces supérieures dans les inférieures, etc. Ceci décrit un état obscur de l'adepte ou d'un contenu psychique. Les opérations de la phase suivante ont pour but d'illuminer cette obscurité par l'union des éléments. Il en résulte l'état d'albedo (l'oeuvre au blanc), comparé au lever du soleil ou à la pleine lune. La substance blanche est conçue également comme un corps pur, purifié par le feu, mais auquel il manque encore l'âme. Elle est dite féminine et est appelée sponsa (épouse), argent ou lune. La métamorphose de l'obscurité en clarté est symbolisée par le combat contre le dragon. Ici c'est le thème de l'hieros gamos qui apparaît (le frère et la soeur, ou la mère et le fils). La quaternité (quaternio) se transforme en dualité (binarius). À l'oeuvre au blanc succède l'oeuvre au rouge (rubedo). Le coniugium, le matrimonium ou la coniunctio réalisent l'union du soleil et de la lune, de l'or et de l'argent, du masculin et du féminin.

Le déroulement de l'oeuvre, depuis la materia prima jusqu'à la rubedo (lapis rubeus, carbunculus, tinctura rubra, sanguis spiritualis sive draconis, etc.) décrit l'accession à la conscience (illuminatio) d'un état conflictuel inconscient qui sera désormais intégré à l'ordre conscient, les scories irrécupérables (terra damnata) [P103] devant être éliminées. Le corps blanc est comparé au corpus glorificationis et mis en parallèle avec l'ecclesia (sponsa). Le caractère féminin de la pierre blanche (lapis albus) correspond à celui de l'inconscient, symbolisé par la lune. La lumière de la conscience correspond au soleil.

P123 (Le jeûne miraculeux de frère Nicolas) Un ingénieur électricien mesurait le degré d'ionisation de l'air aux environs immédiats du corps du médium. Les valeurs relevées étaient normales partout, sauf en un endroit situé du côté droit du thorax, où le degré d'ionisation était environ soixante fois plus important que la normale. De cet endroit émanait, pendant que se produisaient les phénomènes (parapsychologiques), un appendice ectoplasmique qui exécutait l'actio in distans.

P128 (Lettre au père Bruno de Jésus-Marie, O.C.D) […] comme homme poilu, il (Élie) est analogue à Jean-Baptiste. La vocation d'un apôtre (Élisha), marcher sur l'eau, le découragement (I Rois, XIX, 4sq.) préfigurent les faits analogues dans la vie du Christ. Le dernier est interprété aussi comme une réapparition d'Élie, et la parole de Jésue en croix « Éli, Éli... » comme une invocation d'Élie. Le nom dérive d'El (= Dieu). Chrysostomus le fait dériver de Helios. À sa naissance, il a été salué par les anges. Il était enveloppé de maillots ignés et nourri de flammes. Il avait deux âmes (!). À l'époque romaine, il y avait un sanctuaire païen sur le Carmel, qui, apparemment, ne consistait qu'en un autel. Vesparsien est dit avoir obtenu un oracle dans ce sanctuaire. Jamblique raconte que la montagne est sacrée et représente une région taboue, et que Pythagore a séjourné souvent dans la solitude sacrée du Carmel. Il est possible que les Druses aient conservé dans leur sanctuaire sur la montagne le lieu de l'autel d'Élie.

Dans les Pirkê Elieser, 31, Élie est l'incarnation d'une éternelle substance d'âme, de la même nature que celle des anges. C'est son esprit qui a appelé le bélier substitué à Isaak. Il porte la peau du bélier comme ceinture ou tablier. Il assiste à la circoncision comme Ange du Testament (Pirkê Elieser, 29). Même de nos jours, on réserve une chaise spéciale pour Éliependant le rite de la circoncision, et à la fête de Pâques, on met un gobelet rempli de vin sur la table, et le père de famille ouvre la porte pour inviter Élie à entrer et à participer à la fête.

[…]

Élie est considéré aussi comme parallèle à Moïse. Ils ont en commun : le meurtre d'un homme, la fuite, d'avoir été nourri par une femme, la vision de Dieu, la convocation du peuple auprès d'une montagne. Élie et Moïse assistent à la transfiguration sur le Thabor.

[…]

P129 Chaque fils, quand il est offert à l'alliance avec Dieu, reçoit une partie de l'âme d'Élie, et ayant atteint l'âge adulte et développé cette âme, Élie lui apparaît. A[...] Il s'agit du processus d'individuation.

    • Sceau de Bertrand de Blanquefort: sigillum militum sur la face, christi de templo sur l'envers
    • Sceau de Renaud de Vichiers: sigillum militum xpisti.

It should be "Christi" in Latin. But in this sentence x (khi) is the Greek letter for Latin ch, and p (roh) is the Greek letter for Latin r. What I can't understand is why the first two letters are written in Greek alphabet, but not the others.

The confusion with the XP transition from the Ch and R in Christ comes from the Greek representation. There are a couple of justifications for it, but the bottom line is that it comes from Constantine and a vision he is reported to have had. The X in Greek is the CH ... and the P (or Ro) is the R. This X to represent the "initials" of Christ is also where the X-mas thing really comes from. There is more of course, but this is the short version. Let me know if you want more and I can refer you to some reading.

X-ristos I-esus

instead of the more usual ☧, which was mostly considered a single standing symbol, not an alphabet type.

Même si la phrase est écrite en latin, les deux premières lettres du nom du Christ sont les lettres grecques XP plutôt que les lettres latines CHR. L'origine du symbole XP remonte aux racines du christianisme, même s'il ne devint populaire qu'après que l'empereur Constantin Ier en ait eu une vision, vision qui le poussa à se convertir au christianisme au début du IVe siècle. Au temps de Constantin, XP est devenu l'un des symboles du christianisme les plus significatifs, seulement surpassé par la croix elle-même. Son association très tôt avec l'armée en faisait le symbole parfait pour les templiers. En fait, le symbole XP peut être également vu sur les boucliers des chevaliers sur le sceau de Renaud de Vichiers.

P153 (sur la résurrection) À un niveau de civilisation plus élevé, il se rapproche du Dieu qui meurt et ressuscite comme Osiris, qui devient en chaque être humain la personnalité supérieure, l'homme complet (ou accompli), le Soi. […] la connaissance du Soi est presque toujours liée au sentiment de l'intemporalité, de l'éternité ou de l'immortalité (cf. l'atman, personnel et transpersonnel).

P193 Je suppose que le jugement négatif porté sur l'inconscient a quelque chose à voir avec le fait que jusqu'ici il a été représenté par Satan, alors qu'en réalité il est l'aspect féminin de la psyché masculine et qu'il n'est donc pas […] entièrement mauvais.