Auteur : Trotmany
Sources :
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Le vin symbolise le produit obtenu par la fructification des hommes. On peut le comprendre à travers une parabole de Jésus où Dieu est présenté sous les traits du maître d'une vigne, et ceux qui sont appelés à la faire fructifier (les sacerdotaux) sous les traits de vignerons (Marc 12,1-9).
Lorsque les vignerons en viennent à tuer le fils bien-aimé de leur maître, venu chercher le vin, ils sont remplacés par de nouveaux vignerons. Jésus reproche ainsi aux Pharisiens de voler le dû de son Père, de garder pour eux les honneurs et l'autorité au lieu de la remettre à Dieu après la récolte. Plus encore, il les menace.
Plus loin, en Marc (15,1-8), Dieu est le vigneron, Jésus son cep et nous en sommes les ramifications. A l'opposé de l'ancienne dynamique où le fruit n'est pas rendu au maître de la vigne et ne fait que profiter aux vignerons ; cette dynamique propose un rapport directe entre les deux. Il y est dit : " Demeurez en moi comme je demeure en vous ! ", on reconnait là la thématique eucharistique. Un peu plus loin : " Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous , vous demanderez ce que vous voudrez et cela vous arrivera. Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples. "
Le vin prend un sens plus précis. Il devient ici le Royaume de Dieu, le produit de nos actes en accord avec les commandements de Jésus.
Dans l’Ancien Testament, le sang est le principe vital des êtres animés, hommes et bêtes. Le mot « sang » est souvent employé dans la Bible pour signifier la vie. Dieu étant seul maître de la vie, il est défendu à l’homme de répandre le sang humain, c’est-à-dire de tuer. Puisque le sang appartient à Dieu, il est interdit de le consommer avec la chair des animaux. La viande doit être saignée avant d’être consommée.
Le sang des animaux versé dans les sacrifices témoigne de la consécration de toute vie à Dieu. Répandu sur l’autel lors des sacrifices, il a une valeur de remplacement ; il rend présente la vie de l’offrant, qui la met à la disposition de Dieu dans l’action de grâces, ou en réparation d’une faute grave. Ainsi, Au Sinaï, Moïse signe l’Alliance en aspergeant le peuple du sang du sacrifice (Exode 24,4-8).
Comme Moïse asperge les douze tribus d'Israël du sang des holocaustes, Jésus le distribue de manière symbolique à ses douze disciples. Il institue une Nouvelle Alliance en son sang au cours de ce dernier repas. Cette Alliance de sang, qui lie désormais Dieu le Père, Jésus et les siens, sera scellée par la mort de Jésus à l’heure où l’on immole les agneaux pascals au Temple.
A la Cène, Jésus prend donc le vin pour signifier tout à la fois le vin nouveau du banquet éternel, image joyeuse du royaume des cieux qu’il est venu annoncer et le sang de son sacrifice, qui va sceller la nouvelle alliance sur la croix.
Le pain est, pour une large part de l’humanité, un élément si essentiel de la nourriture qu’il est devenu le symbole même de ce qui est nécessaire à la vie. « A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain », dit Dieu à Adam selon le récit poétique de la Genèse (3 ; 19). Le pain est d’abord un élément de la vie en communauté ; le recevoir de quelqu’un, c’est reconnaître une relation de dépendance ; le manger avec quelqu’un, c’est le signe d’un lien d’amitié (Ps 41 ; 10) ; le partager avec l’affamé est un devoir religieux (Ez 18 ;7). Le pain d’ailleurs, selon l’usage juif, n’est pas tranché au couteau mais rompu avec la main, en signe de partage, comme le fait le père de famille ; il est déjà chargé d’une valeur de communion.
Au désert, Dieu pourvoit aux besoins du peuple hébreu et le nourrit de la manne (Exode 16, 3-4 ; 13-15). Ce pain venu du ciel n’est pas seulement le témoignage de la sollicitude de Dieu pour le peuple élu et un appel à la confiance à lui renouveler au jour le jour ; il est un des moyens de la pédagogie destiné à amener peu à peu Israël à une vision plus spirituelle de la vie.
Il (Dieu) t’a humilié (le peuple juif), il t’a fait sentir la faim, il t’a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères n’aviez connue, pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé . Deutéronome 8, 3
Les prophètes ne cesseront d’insister sur le sens spirituel à donner à la vie.
Pourquoi dépenser votre argent à une autre chose que du pain, votre salaire à ce qui ne rassasie pas ? Ecoutez donc, écoutez-moi, et mangez ce qui est bon ; que vous trouviez votre jouissance dans des mets savoureux : tendez l’oreille, venez vers moi, écoutez et vous vivrez. Je conclurai pour vous une alliance perpétuelle , oui, je maintiendrai les bienfaits de David. Isaïe 55, 2
Isaïe préfigure déjà le sens que Jésus donnera au pain de vie : celui de la bonne parole qu’il faut écouter, dont il faut se nourrir. Jésus recommande ainsi de ne pas manger du pain des Pharisiens (Marc 8, 14-17). Au lendemain de la multiplication des pains, Jésus invite les Juifs à acquérir la nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Sans comprendre, les Juifs évoquent alors la manne, pain venu du ciel. Jésus rétorque que la nourriture du temps du salut n’est pas la manne, qui n’est « du ciel » qu’en apparence et n’empêche pas de mourir (Jean 6,49), mais le pain de Dieu, celui qui descend du ciel et donne la vie au monde.
Ils (une foule) sortirent de la ville et ils se dirigeaient vers lui (Jésus). Entre-temps, les disciples le priaient, en disant : « Rabbi, mange. » Mais il leur dit : « J’ai à manger un aliment que vous ne connaissez pas. » Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin. Jean 4 ; 30-34
Au début de l’évangile selon Jean, on peut lire ceci :
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. [...] Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père. Jean 1, 1-2 ; 14
« Et le Verbe s’est fait chair » est une affirmation tout à fait intéressante. C’est-à-dire que sont déjà associés, dans le prologue de l’évangile, la Parole de Dieu et le Corps de Jésus. Et si « Faites cela en mémoire de Moi. » était une manière de demander à ses apôtres de continuer son œuvre, de réaliser sa Bonne Nouvelle, de perpétuer ses commandements ?! En effet, nous l’avons vu, chaque symbole de la Cène peut s’associer à la Parole Vivante.
Les termes bâsar des textes hébreux et sarx des textes grecs, que nous traduisons l’un et l’autre par la chair, prennent dans l’Ecriture un sens très nuancé en fonction du contexte. Au sens le plus commun, la chair est la substance surtout musculaire du corps de l’homme et de l’animal, parfois distinguée des os, et du sang considéré comme siège et symbole de la vie. Mais c’est souvent tout ce qui, du vivant, peut-être perçu par les sens qu’il faut entendre ; tout ce qui fait qu’un homme est un homme et non un pur esprit.
Jésus, en prenant un corps de chair, vient manifester concrètement l’amour de Dieu pour son peuple. Avant de mourir, il fait don de sa vie aux hommes lorsque, au cours du repas pascal, il rompt le pain, et dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps » (Matthieu 26, 26).
Je (Jésus) suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. [...] Car ma chair est vraie nourriture et mon sang vrai boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Jean 6, 51 ; 54-56
Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Jean 17, 3
Quand l’agneau pascal avait été immolé en sacrifice, ceux qui l’avaient offert en mangeaient une partie. En s’assimilant à la chair de la victime offerte à Dieu et donc de ce fait devenue sa chose à lui, les participants du repas sacré s’unissaient d’une certaine manière à la divinité. C’est pourquoi on appelait ce banquet « repas de communion ». Plus loin, Jésus explicitera ce passage en des termes moins obscurs.
En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous. Celui qui a mes commandements et qui les observe, celui-là m’aime : or celui qui m’aime sera aimé de mon Père et à mon tour, moi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. […] Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure . Jean 14, 20-21 ; 23
On peut noter dans la citation du chapitre 14 de Jean l’annonce de Jésus quant au nouveau Temple à venir. Ce n’est plus dans le saint des saint que ce trouvera Dieu, mais auprès des Hommes qui auront su écouter et nourrir leurs actes de la Parole de Jésus.
Ainsi, la symbolique du corps, rejoignant celle du pain rappelle l’Agneau livré en sacrifice pour la nouvelle alliance et la Bonne Parole enseignée par Jésus.
En distribuant le pain, en faisant circuler la coupe, il fait don à ses disciples de son sacrifice. Jésus veut qu’ils soient en communion, en étroite relation avec lui-même dans son état de victime offerte pour le pardon des péchés et l’alliance nouvelle. C’est pourquoi il leur dit « Ce Pain est mon Corps livré ; MANGEZ-EN TOUS… Ce vin est mon Sang versé ; BUVEZ-EN TOUS. » Mais il ne s’agit pas là uniquement des disciples. Jésus offre sa vie en sacrifice pour sauver tous les hommes qui croient en lui et les invite à participer au festin du Royaume. C’est la nouvelle alliance que les chrétiens célèbrent dans l’eucharistie.
Je ne prie pas seulement pour eux (les disciples), je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi : que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Jean 17, 20-21
Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu . Jean 1 ; 12-13
Vivante en effet est la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’un glaive à double tranchant. Elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles : elle juge des intentions et des pensées du cœur ; pas une créature n’échappe à sa vue, tout est à nu devant elle, dominé par son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes. Hébreux 4, 12-13
Dans ces conditions, les temps "apocalyptiques" ne seraient-ils pas déjà présent?