Eragon, Christopher Paolini


Alagaësia, est un monde médieval-fantastique, peuplé d’une multitude de créatures magiques. Auparavant régie par les lois des dragonniers – des hommes ou des elfes partageant une forte connexion avec leur dragon – une partie de cette terre est désormais contrôlée par Galbatorix, dragonnier renégat qui, pour réussir cet exploit, tue tous ses camarades et manque de peu l'extermination définitive de la race des dragons. Son règne est cependant mis en danger lorsque des rebelles lui volent un des trois oeufs de dragons restants. Celui-ci éclot entre les mains d’Eragon, un pauvre fermier d’un village isolé, qui voit sa vie bouleversée lorsqu’il devient le premier dragonnier à apparaitre depuis cent ans, devenant ainsi la lueur d’espoir qu’attendaient les peuples opprimés par le tyran.


Cet article ne vise cependant pas à donner un récapitulatif du premier livre – le récit se composant de quatre volumes – mais à voir comment l’auteur parvient à nous entraîner dans cet univers avec une telle véhémence, nous incitant à lire la suite, et si cela est déjà fait, relire toute la saga.


Un livre attrayant pour les jeunes

De mon point de vue, un livre captivant est un livre qui est plein de rebondissements, mais qui donne aussi le temps au lecteur de s’imprégner de chaque situation, pour que, lorsque celle-ci sera éclatée et remplacée, le choc soit plus dur pour lui. Mais c’est aussi la durée de cette mise en situation que l’on appréciera ou pas dans un roman.

Et généralement, je crois que les jeunes préfèrent quand elle est relativement courte, ce qui peut expliquer pourquoi ce public ne raffole pas des oeuvres classiques, généralement longues à mettre en place une situation initiale qui accompagnera les protagonistes tout au long de leur histoire. C'est en partie pour cette raison que l’on pourrait considérer C. Paolini comme un maître de la littérature de jeunesse.

Au commencement, était «l’ancien langage »

Paolini n’est peut-être pas à la hauteur de J.R.R. Tolkien en matière de linguistique, mais son approche de ce qu’il appelle « l’ancien langage » est très intéressante. En effet, cette langue est celle utilisée par les elfes, mais, plus qu’un simple idiome, dans cet univers le mot est la chose. Ainsi, lorsque l’on connait le vocabulaire de l’ancien langage, il suffit de s’exercer pour parvenir à maitriser l’objet grâce à la magie. Les personnages ne sont pas pour autant prévisibles, et le fait que la magie soit accessible à toutes et à tous, permet également aux protagonistes (tout comme aux antagonistes) d’évoluer avec cette magie qui les entoure. Cet accès universel à la magie me semble faire écho au monde réel, dans lequel il faut s’entrainer et s’efforcer pour réussir, et non simplement être né dans une certaine famille ou bien recevoir des dons par le hasard des choses.

Un autre élément fascinant de la magie dans ce livre, est la capacité à « entrer dans la tête » des gens. C’est en effet l'impression que donne l’auteur quand on comprend la magie par l’intermédiaire d’Eragon, qui dans ce premier volume est encore un novice dans cet art. De fait, dans ce monde de magie et de dragons, n’importe quel magicien peut attaquer une personne par sa seule pensée, vivant ses souvenirs, le contrôlant, et pouvant même le tuer d’un simple battement de cil. C’est pourquoi le commun des mortels, du moins ceux qui n’exercent pas la magie, peuvent apprendre à ériger une barrière mentale pour empêcher ces attaques. Cette aptitude accessible à tous nous démontre plus directement que l’origine compte peu, et que n’importe qui peut réaliser de grandes choses.

Les personnages dans le contexte social d’Alagaësia

Dans ce premier tome, certains personnages sont encore mal définis, mais pas d’inquiétude, ils le seront bien assez dans les prochains. Ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est la place qu’occupe Eragon au sein des sociétés.

Au début, il travaille depuis qu’il a l’âge de le faire dans la ferme de son oncle, et grandit de ce fait dans un milieu plus que modeste. Ce n’est qu’après avoir traversé une partie de l’Alagaësia, au côté de son mentor Brom, qu’il apprend à lire et à écrire, un passe-temps qui le passionne profondément dès qu’il en comprend les subtilités. En effet, cette saga n’hésite pas à évoquer certains problèmes sociaux présents dans les sociétés du MoyenÂge, tels que l’analphabétisme, mais aussi l’esclavagisme, comme nous pouvons le voir dans l’épisode de Dras-Leona.

Très bon livre, fortement recommandé

Pour conclure cette brève analyse, on pourrait dire que ce livre est un bon exemple de littérature de jeunesse, car il apporte des points de vue et des critiques de la société d'aujourd’hui de manière discrète, tout en restant destiné à un jeune public qui y trouverait de quoi se distraire si c’est son seul intérêt. De plus, les situations et les personnages accompagnent les lecteurs si ceux-ci grandissent en lisant cette saga. En effet, au fil du récit et des tomes, les descriptions de certaines scènes deviennent plus violentes et parfois même crues, tout en poussant la réflexion toujours plus loin, sans pour autant s’écarter de l’univers original.

Ainsi, on retrouve la jovialité d’un roman éclectique, partagé entre action, amour, drame, philosophie et aventure fantastique.


Pablo CHASSIER

Octobre 2019