Le Joker, Todd Philips

Presque considéré comme un classique dès le premier jour de sortie, Le Joker est l’adaptation des origines du très célèbre méchant de DC comics par le réalisateur Todd Philips, avec Joaquin Phœnix dans le rôle-titre.

Un accueil élogieux

L'accueil du public et de la critique a globalement été élogieux, relevant notamment la formidable interprétation de Joaquin Phoenix, qui le place dans la liste des meilleurs interprètes du célèbre méchant, aux côtés de Jack Nicholson (Batman, 1989, Tim Burton), Heath Ledger (The Dark Knight, 2008, Christopher Nolan) et Jared Leto (Suicid Squad, 2016, David Ayer). Quelques critiques négatives ont néanmoins été émises, portant par exemple sur le rythme inégal du film. Deux aspects de l’œuvre, par les multiples interprétations dont ils peuvent être l’objet, semblent particulièrement intéressants: l’explication de la folie du personnage et la naissance du Joker.

Alors évidement il y aura spoilers !


La folie du personnage

Les maladies mentales sont présentes tout au long du film. Le rire d’Arthur est une maladie mentale appelée « rire prodromique ». Causé par des lésions neurologiques ou des tumeurs, ce handicap existe réellement et le personnage a clairement des problèmes, dans sa vie quotidienne, lié à cela. On comprend alors définitivement que toute cette histoire n’est que le fruit de son imagination, tout comme lorsqu’il imagine être dans le show de Murray Franklin, ou lorsqu’il est appelé sur scène et devient célèbre. Cette révélation augmente donc l’incertitude du spectateur sur sa capacité à comprendre ce qu’il voit. Il se demande si tout ce qu’il croit voir et comprendre dans le film peut donc être faux. Ainsi, dans la séquence finale du film, à l’intérieur de l’asile de fous «d’Arkham» le Joker raconte une «histoire drôle» qu’il ne raconte pas à sa thérapeute car elle ne la comprendrait pas. On peut en conséquence penser que cette histoire est celle d’Arthur Fleck et que la psychiatre représente le spectateur, incapable de comprendre.

La naissance du Joker

Les frustrations peuvent générer des monstres : ainsi Hitler et son rêve d’artiste brisé et Arthur Fleck et ses impossibles aspirations comiques qui le transforment en Joker. Toutefois la question de la naissance du Joker est complexe : les amateurs des BD ou des autres films relatant les aventures du personnage savent déjà que son origine est confuse : le vrai nom du Joker n’est jamais révélé et plusieurs histoires différentes sont racontées sur sa vie et sur les origines de sa monstruosité. Là encore, le spectateur est en droit de se demander si tout le film n’est pas un magistral mensonge du Joker, servant à alimenter son mythe : Les danses, les manifestations des « clowns », l’histoire de son père et de sa mère, les meurtres, sont-ils donc seulement des images du délire de Fleck, comme avec Sophie et Murray ? Pour mieux comprendre la transformation d’Arthur en Joker, il est recommandé de lire la BD The Killing Joke, d’Alan Moore. En effet, des citations du roman graphique apparaissent dans le film, aux moments clés de cette métamorphose: lors de son intrusion dans la maison de Sophie et lors du meurtre de sa mère. Ces répliques : «J’ai eu une mauvaise journée» et « Avant, je me disais que ma vie était une tragédie. Je me rends compte que c’est une comédie », laissent penser que le changement d’Arthur est principalement déclenché par son ressentiment. Ainsi, dans la BD, le Joker veut prouver que n’importe qui ayant eu une mauvaise journée est susceptible de devenir fou comme lui.