Présidentielles des États-Unis : Deux premiers débats

Trump-Biden : un débat chaotique

A l’occasion de la campagne électorale pour les présidentielles des Etats-Unis 2020, les candidats Donald Trump, actuel président des Etats-Unis, et Joe Biden, vice-président d’Obama, ont participé à un premier débat le 29 septembre.

Largement critiqué, ce débat fut plutôt une bataille désorganisée de 90 minutes, à plusieurs reprises qualifié de « dispute enfantine » par des commentateurs américains et considéré comme une « honte » pour d’autres.

La stratégie du candidat républicain, Trump, pour déstabiliser son adversaire démocrate fut à l’origine des confusions et de la sauvagerie de ce débat. Cette stratégie consistait à interrompre sans cesse Biden pour lui faire perdre ses propos mais aussi à chercher à le sortir de soi par des insultes personnelles telles qu’une attaque par rapport à son parcours universitaire et des commentaires comme « Il n’y a rien d’intelligent en vous », « vous avez été le dernier de votre classe » ou encore « J’ai fait plus en 47 mois que Biden en 47 ans ».

Bien que l’énergie de Trump fût explosive, Biden maintint son sang-froid et sa politesse, hormis lors de quelques commentaires comme lorsqu’il traita le Président de « clown », de « menteur » ou encore lorsqu’il lui dit « Vous êtes le pire président que l’Amérique ait jamais eu ». Ce ne fut qu’en entrant sur la question d’affaires familiales, en critiquant l’un des fils de Biden pour des affaires suspicieuses faites à l’étranger et des problèmes d’addiction, que Trump parvint à sortir Joe Biden de sa tranquillité.

La stratégie de Trump eut une atteinte limitée et en plus de donner une image péjorative de son caractère au public, elle empêcha l’exposition claire de son programme et de celui des démocrates pour les quatre années à venir. Ce dernier point déçut les électeurs indécis. Le modérateur de Fox News, Chris Wallace vu également son rôle perturbé par les interruptions et l’arrogance du Président : en plus d’un débat Trump-Biden, les millions d’américains furent spectateurs d’une discussion entre C. Wallace et D. Trump.

Dans ces mêmes circonstances, une troisième conversation surgit : J. Biden adopta la stratégie de se diriger directement vers les citoyens. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises pendant la soirée il se tourna vers la caméra, ignorant son adversaire, pour parler aux Américains avec un message principal « Votez ».


Harris-Pence : Un débat tendu mais civil

Cette technique fut aussi utilisée le 7 octobre à Salt Lake City par le binôme de Joe Biden, la sénatrice de Californie, Kamala Harris. Elle s’adressa au peuple américain avec le même message. Mais, à la différence de Biden, elle exposa un peu plus précisément le programme.

Quant à Mike Pence, actuel vice-président, il soutint fidèlement les propos de son président, avec une politesse irréprochable et un grand talent d’orateur. Sa prestation lui valut des commentaires positifs même du côté de démocrates, et certains suggérèrent qu’il devrait servir de guide à Donald Trump pour mener à bien un débat. D’après le parti Républicain, Pence exposa tous les points importants de leur campagne sans agressivité, mais à l’aide de stratégies comme le fait de souligner à quel point Harris et Biden s’étaient « déportés à gauche » - une gauche assez radicale, en accord avec la vision politique américaine.

Malgré leurs prestations bien accueillies, les candidats à la vice-présidence n’ont pas totalement convaincu les électeurs indécis que Biden et Trump avaient déçus et qui espéraient tirer des débats une idée plus claire sur l’orientation de leur vote, tâche qui leur fut compliquée par des questions parfois trop évasives et par l’ambiguïté des réponses des candidats. Si les candidats agissent si prudemment, c’est qu’ils craignent de perdre des votes à ces élections cruciales, aux enjeux primordiaux pour la société américaine.

Quels enjeux pour cette élection et quels engagements de la part des candidats?

Les enjeux les plus importants actuellement sont la gestion de la pandémie et de ses conséquences économiques et sanitaires, mais également la réforme du système de santé aux États-Unis et la question des énergies utilisées, liée à l’emploi et au changement climatique.

Pour Biden, le plan pour redresser l’économie est basé sur l’augmentation des prêts aux petites entreprises, sur l’annulation de certaines taxes mises en place par Trump, puis, à long terme, sur l’augmentation du salaire minimum et l’investissement dans des énergies renouvelables qui aboutirait à la création d’emplois dans le secteur ouvrier. En ce qui concerne la santé, Biden compte sur la mise en place de tests de Covid-19 gratuits pour tous et d’un système pour localiser les infectés en vue de gérer la pandémie. Par la suite, il souhaite développer l’assurance santé de l’Obamacare.

Donald Trump, au contraire, compte éliminer l’Obamacare et suggère de rendre les prix des médicaments plus accessibles. Pour contrer la pandémie, il soutient le développement d’un vaccin qui, il l’affirme, sortira avant 2021. Au niveau économique, il compte relocaliser l’industrie américaine vers les États-Unis, pour augmenter le nombre d’emplois, dans une logique d’économie protectionniste et d’indépendance vis-à-vis de l’économie chinoise.

Sur le plan international, Trump poursuivra sa politique de l’« America First », en cherchant à imposer la souveraineté des États-Unis sur la base d’actes reposant sur l’unilatéralisme, le nationalisme et parfois l’isolationnisme. Biden quant à lui compte rétablir les relations avec les alliés par l’intermédiaire d’accords comme l’Accord de Paris sur le Climat ou l’Accord sur le nucléaire iranien, qu’il rejoindra à nouveau. Bien que son programme diffère de celui de Trump, il coïncide en un point : l’intention de fermeté envers la Chine, économiquement et politiquement.

Les programmes des deux candidats diffèrent largement sur la question du changement climatique (Trump ne considère pas le changement climatique comme une grande menace et veut promouvoir la production américaine d’hydrocarbures, alors que Biden veut investir dans la recherche et dans les technologies d’énergies renouvelables) et sur celle de la violence raciale (Biden désire soutenir les minorités sur les plans économique et législatif et se montre beaucoup plus tolérant à l’égard des migrants que Trump qui, lui, désire poursuivre la construction du mur à la frontière avec le Mexique et a refusé de condamner les «white supremacists» lors du premier débat).

Ces enjeux sont très importants pour les Américains. Néanmoins, il existe également une crainte étasunienne mais aussi internationale en ce qui concerne l’avenir de la démocratie américaine. L’image percutante du premier débat a laissé transparaître des éléments de la décadence de cette démocratie et une phrase inquiétante prononcée par Donald Trump est restée dans les pensées : «Cela ne va pas bien se terminer».

Il est difficile de déterminer l’issue du scrutin du 3 novembre 2020, mais, quoi qu’il en soit, les présidentielles de 2020 marqueront un tournant pour l’histoire des États-Unis et même du monde. À une époque où la société américaine est profondément divisée et où la blessure sociale semble incurable, à une époque où les violences se sont accentuées, la démocratie est affaiblie, et la dépression économique due à la pandémie du Covid-19 s’annonce dévastatrice; les résultats de l’élection s’avèrent déterminants. Bien que Joe Biden semble prendre de l’avance sur Trump, selon les sondages, bien que l’avis des citoyens et le vote populaire soient importants, le résultat de l’élection dépendra réellement du choix des collèges électoraux. Reste à voir quel choix ces derniers feront.

Elyse Chaves

18/10/2020