Guerre dans le Haut-Karabagh: conséquence d'un conflit irrésolu

Depuis le 27 septembre 2020, les conflits ont repris dans la région du Haut-Karabagh, entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan, faisant jusqu’à présent, officiellement, plus de 600 morts. Mais le bilan humain est certainement beaucoup plus lourd, notamment du fait que l’Azerbaïdjan refuse de communiquer le nombre de victimes militaires dans son camp. Cette guerre a pour origine un conflit datant de plus de 25 ans, survenu suite au démantèlement de l’URSS et à la décision de Gorbatchev de créer des états indépendants dans cette région du Caucase: l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Georgie. Malgré la délimitation des frontières, la région du Haut-Karabagh est à majorité arménienne, mais située sous l’autorité de l’état d'Azerbaïdjan. Dès 1988, une guerre éclate entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan pour le contrôle de cette enclave, conséquence de la demande d’une union avec l’Arménie par les parlementaires de cette enclave. Après six ans d’une guerre qui a coûté la vie à de nombreux militaires - certains ayant été enrôlés de force et étant mineurs - ainsi qu’à des civils pris entre les deux menaces, un cessez-le-feu est signé et le Haut-Karabagh s'autoproclame de manière unilatérale état indépendant, bien que soutenu par l’Arménie, mais non reconnu par la communauté internationale. C’est donc suite à cette humiliation de l’Azerbaïdjan que, 26 ans plus tard, les hostilités reprennent dans cette région controversée.


Une population civile au cœur des affrontements

Les affrontements opposent l’armée azerbaïdjanaise aux séparatistes arméniens vivant au Haut-Karabagh, ainsi qu’à l’armée arménienne qui combat à leurs côtés. S’il existe bel et bien des affrontements directs entre les forces armées, la plupart des victimes sont des civils, en raison des bombardements menés sur des quartiers souvent résidentiels. L’objectif pour l’Azerbaïdjan est de faire fuir les populations arméniennes du Haut-Karabagh vers l’Arménie, pour faire main basse sur le territoire. Cependant, les habitants restent sur place, après avoir généralement envoyé leurs enfants vers la capitale de l’Arménie, Erevan. Les Arméniens, quant à eux, ripostent tout aussi violemment grâce à des missiles envoyés sur des villes frontalières du Haut-Karabagh comme Gandja, la seconde ville du pays. L’une des villes les plus touchées par ces bombardements est Stepanakert, capitale autoproclamée du Haut-Karabagh (aussi appelée Artsakh), où les habitants se cachent dans des abris depuis près de trois semaines.

Les affrontements gagnent en intensité et les bombardements de zones civiles sont un moyen de faire pression sur l’adversaire. Les deux camps s’accusent mutuellement de commettre des crimes contre l’humanité et d’employer des missiles à sous-munitions. Interdit pour tous les états ayant rejoint la Convention de Dublin, dont l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne font pas partie, ce type d’arme est extrêmement dangereux pour les civils car certaines de ces sous-munitions (entre 5% et 20% selon Amnesty International) n’explosent pas et agissent comme des mines antipersonnel, en plein milieu des zones civiles.


Une communauté internationale impliquée mais impuissante


La communauté internationale condamne ce conflit, et un état en particulier tente de faire le médiateur entre les deux belligérants pour trouver un terrain d’entente le plus rapidement possible. La Russie est embarrassée par ce conflit qui sévit dans sa sphère d’influence, si proche de sa frontière, et tente de faire passer des accords pour calmer la situation. Ainsi, le 10 octobre 2020, un cessez-le-feu est signé par les deux partis, à Moscou, après de longues journées de négociations, pour échanger leurs prisonniers et récupérer leurs morts. Cette victoire est cependant de courte durée car les affrontements reprennent dès le lendemain, les deux pays accusant leur adversaire de ne pas avoir respecté le cessez-le-feu. C’est ainsi que depuis maintenant une semaine après cette supposée trêve, les combats continuent, plus violents que jamais.

À cela s’ajoute une possible internationalisation du conflit du fait du jeu des alliances. En effet, l’Arménie est alliée à la Russie, bien que celle-ci vende des armes à l’Azerbaïdjan, et le Kremlin a déclaré ne pas intervenir aux côtés de l’Arménie, “le conflit ne se situant pas sur son territoire”. Les États-Unis ont pour leur part déclaré soutenir les Arméniens, bien qu’il n’y ait pas encore eu de soutien matériel ni humain. La France, quant à elle, accuse la Turquie d’avoir envoyé des combattants syriens - “djihadistes” selon les propos d’Emmanuel Macron - en renfort à l’Azerbaïdjan, allié de la Turquie, accusation démentie par le président Erdogan, bien qu’il assure qu’Ankara soit prêt à fournir “tout type de soutien” à son allié. L’ONU et le Conseil de sécurité tentent de leur côté de trouver une solution pacifique à ce conflit, pour éviter qu’il n’y ait davantage de victimes, 30 ans après une guerre qui avait déjà fait plus de 30 000 morts.


Pablo Chassier

17/10/2020