Style musical incontournable du Portugal, le fado, qui signifie destin, est un chant mélancolique. Il exprime une certaine nostalgie d’une chose perdue ou jamais atteinte. Toujours accompagné par une “guitarra” (sorte de cistre en forme de mandoline) et une “violão” (guitare acoustique), des instruments à cordes pincées, le “fadista” interprète ces chansons pour le plus grand plaisir de tous.
La Severa maudite mais géniale
Née en 1820, Maria Severa Onofriana passe son enfance à l’ombre de sa mère, qui tient une tasca où l’on chante le fado.
Un aristocrate lisboète, Francisco de Paula, tombe fou amoureux de Maria Severa. L’union de l’aristo et de la prolo fait scandale. Lassée du luxe et de la vie oisive, la fadista des bas-fonds quitte son gentilhomme bohème et retourne à sa vie dissolue, mélange d’alcool, de fado et de misère.
Le mythe de l’ange noir du fado est bel et bien né. Cette « dame aux camélias » version portugaise plonge dans le deuil toute une génération de fadistes et d’artistes. En hommage à Maria Severa, ceux-ci portent un châle noir à franges sur les épaules. Un phénomène social se produit : le fado issu des bas-fonds séduit à présent les beaux quartiers. Bourgeois et aristocrates s’entichent de ces mélopées mélancoliques et de cette histoire d’amour impossible.
Pendant longtemps a perduré l’idée que le fado ne pouvait être chanté que par le peuple. Puis, après avoir habité les rues, le fado se professionnalise et conquiert la scène.
Le fado de Coimbra
Dans le même temps se singularise le fado de Coimbra, repris par le milieu intellectuel de la vieille université. Plus littéraire, il est chanté, au départ, dans la rue par des interprètes masculins (encore aujourd'hui) vêtus de capes noires, et il donne lieu parfois à des joutes musicales. L'estado novo de Salazar a tôt fait de récupérer le fado érigé en art national. Il est chargé de chanter les valeurs morales de la grandeur portugaise. Le cinéma assure son triomphe et celui d'interprètes prestigieux. Trop choyé par la dictature, il connaît un réel discrédit après la révolution de 1974, cantonné aux maisons de folklore réservées aux touristes.
Le fado enfin reconnu
Aujourd’hui, le fado retrouve grâce auprès d’un public tant portugais qu’étranger, surtout depuis son inscription au Patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. Débarrassé d'une gangue idéologique qui ne lui a jamais vraiment correspondu, il se contente de véhiculer les mélodies errantes de l'âme lusitanienne, sur les poèmes de Fernando Pessoa, David Mourão-Ferreira ou Florbela Espanca et tant d'autres.
Amalia RODRIGUES
« Elle ne chantait pas, elle était le fado. Sa voix rauque, puissante, déchirante était, pour dire la nostalgie, l'amour, la mort, l'incarnation, la sublimation de cette « saudade » qui vous prend à l'âme et vous étreint... voluptueusement quand elle est ainsi exprimée. Toujours vêtue de noir, Amalia Rodrigues, morte hier à 79 ans, en était la « diva », internationale et pourtant toujours modeste. Née aux bords du Tage dans une famille de dix enfants, elle avait débuté comme vendeuse de fruits dans la rue, chanté le tango dans les bals populaires, fait ses débuts professionnels à vingt ans à Lisbonne, et connait la gloire après deux passages à l'Olympia à Paris, en 1956 avant les Compagnons de la chanson, l'année suivante en tête d'affiche. Du Brésil au Japon, des Etats-Unis à la Russie, elle a partout triomphé, toujours étonnée de son succès. En soixante ans de carrière, elle a enregistré quelques 170 disques, et tourné dans une douzaine de films dont « Les Amants du Tage », d'Henri Verneuil, en 1955. De graves ennuis de santé l'avaient, dès le début des années 80, éloignée de la scène. Sa dernière prestation en public date de l'an dernier, à l'occasion de l'exposition internationale de Lisbonne. Le Portugal a décidé pour elle un deuil national de trois jours. »
NATALIA JUSKIEWICZ violoniste
Natalia a décidé de concrétiser un projet artistique qui lui tenait à cœur : enregistrer un disque de fado où la voix serait substituée par un violon, et ce pour la première fois, afin de rendre hommage à cette musique qui exprime si bien tellement de sentiments universaux. C’est ainsi qu’est né l’album « Um Violino no Fado », dans lequel Natalia a réussi à faire chanter son violon, c’est-à-dire à exprimer musicalement avec ce noble instrument presque autant de nuances qu’avec la voix et à susciter en nous les mêmes émotions.