Volcan Tajogaite et belvédères de la Cumbrecita 

J5 : Lundi 15 mai 2023


Aujourd’hui nous avons un programme très chargé avec deux rendez-vous fixes, l’un en début de matinée, l’autre en milieu d’après-midi, les deux dans les environs d’El Paso. Cela signifie que nous allons nous diriger vers le sud de Tijarafe en prévoyant de ne repasser la zone de travaux qu’après 18 h 30.

Le premier rendez-vous est à 8 h 30 dans le centre-ville d’El Paso, soit à 26 kilomètres et trois quarts d’heure de route de notre lieu d’hébergement. Nous y avons réservé une randonnée guidée longeant le nouveau volcan. Impossible d’y accéder autrement qu’en se joignant à ce type de visite. J’ai réservé l’excursion sur le site Internet de la plate-forme « Civitatis », mais la prestation est assurée par une agence locale « La Palma Natural ». J’avais retenu une visite en français mais il y a quelques semaines, on m’a averti qu’à cette époque de l’année la prestation n’était assurée qu’en espagnol ou en anglais. Notre espagnol étant rudimentaire, nous avons opté pour la visite en anglais.

En réalité, la majorité des personnes du groupe auquel nous avons été joints sont hispanophones, nous sommes les seuls à ne pas l’être, mais notre guide est bilingue. Après avoir donné ses informations en espagnol, il nous fera à chaque fois un petit topo en anglais, uniquement pour nous. C’est sympa !

Dans un premier temps, l’agence a prévu trois taxis (pour 8 personnes + le guide) pour nous conduire depuis le centre-ville d’El Paso jusqu’aux abords du Parc naturel de Cumbre Vieja, pas loin du mirador de Llano del Jable. Des barrières empêchent l’accès à ce sentier à toute personne non accompagnée d’un guide et un ranger veille à proximité.

Comme hier, un vent froid balaie les hauteurs. Nos polaires et coupe-vent avec capuche ont bien du mal à nous réchauffer, d’autant que nous stationnons un certain temps au point de départ, le temps d’attendre tout le monde et d’assister à un briefing de présentation.

Puis Ramón, originaire de Fuencaliente, nous guide sur un petit chemin balisé au milieu d’une épaisse couche de cendres noires qui crissent sous les chaussures et remplissent les chaussettes. 😉

Le contraste avec le vert intense des pins canariens est frappant.

Nous descendons petit à petit dans une combe en restant strictement sur le sentier balisé afin de préserver ces espaces vierges où seule l’action du vent a laissé son empreinte au gré de larges arabesques tracées sur le sable noir.

En apercevant dans la distance les contreforts de la Caldera de Taburiente (et la vallée à son pied), Ramon en profite pour présenter les grandes différences géologiques entre le nord et le sud de son île : au nord la caldera est le fruit de l’effondrement d’un gigantesque cratère il y a 150 millions d’années alors que le Sud se distingue par un alignement de volcans, tous issus d’éruptions beaucoup plus récentes.

En poursuivant, Ramón nous rend attentifs à la couleur des parties basses des pins qui ont été érodés par le vent chargé de cendre abrasives.

Un aspect confirmé un peu plus loin alors que le sommet du cratère se dévoile peu à peu. En continuant à nous approcher de sa base, les dégâts sur la végétation deviennent de plus en plus apparents.

La vue est impressionnante et porte à présent jusqu’à la vallée où les coulées de lave ont également eu d’énormes conséquences. Nous nous trouvons à 150 mètres environ du cratère nord de ce nouveau volcan qui en comporte quatre.

Ramón en profite pour nous brosser le tableau de l’éruption que nous avions déjà suivie au jour le jour sur internet. Elle a commencé le 19 septembre 2021 et duré plus de 85 jours. C’est la plus longue que l’île ait connue et la première depuis 50 ans. Elle a provoqué d’énormes dégâts car elle a eu lieu dans une zone très urbanisée, entraînant le déplacement de plus de 7000 personnes, la destruction de plus 3000 bâtiments ainsi que 70 kilomètres de routes et 350 hectares de bananeraies. La lave a recouvert 1250 hectares de terres et ainsi agrandi l’île de deux petites péninsules supplémentaires.

Le guide tente de nous décrire l’état d’esprit des habitants qui ont vu des flots de lave jaillir du cratère, des nuages de cendres envahir les vallées, le tout dans un fracas assourdissant et pendant près de trois mois.

Une fois le volcan sorti de terre, il a fallu lui trouver un nom. Pendant longtemps, sous l’influence catholique, on avait baptisé les volcans de noms de saints : San Juan, San Martin, San Antonio entre autres. Cette fois, trois propositions ont été soumises au vote des habitants : Cabeza de Vaca comme le nom du lieu de l’éruption, Aridane comme le nom de la vallée qu’elle a affectée, Tajogaite qui est un mot indigène. C’est cette dernière appellation qui a été plébiscitée et retenue. Le volcan s’appelle par conséquent Tajogaite.

Enfin, toujours avec des graphiques à l’appui, le guide termine son exposé en évoquant les différentes éruptions qui ont jalonné l’histoire de l’île.

Nous nous attardons encore un peu au niveau du belvédère avant de revenir sur nos pas jusqu’à l’intersection précédente pour retourner au point de départ par une voie sensiblement parallèle.

Pas de pause pendant le retour, toutes les explications ayant été données précédemment alors les plus jeunes se mettent à accélérer pendant que les plus âgés (dont nous) ont davantage de mal à suivre. Nous pédalons dans la choucroute, face au vent. En plus Hervé avait décrété que nous n’aurions pas besoin de nos bâtons de marche. Au bout d’un moment, une dame a pitié de moi et me prête l’un de ses deux bâtons pour que je puisse terminer la marche plus confortablement.

Le parcours réalisé en 2 h 15 fait environ 4 à 5 kilomètres avec moins de 200 mètres de dénivelé mais avec la désagréable impression d’avoir à gravir une dune de sable au retour.

Voir un volcan tout juste né est un événement rare, nous sommes ravis d’avoir pu faire cette expérience. Les explications du guide étaient très intéressantes et l’organisation impeccable. Nous recommandons sans hésiter !

A l’issue de la randonnée, le taxi nous ramène en ville mais comme nous avons prévu de pique-niquer, nous retournons dans le même secteur, près du refuge El Pilar où j’avais noté la présence d'une agréable installation sous les pins. Nous repérons au passage le centre des visiteurs de la Caldera de Taburiente d’où part la route d’accès au mirador de La Cumbrecita. C’est là que nous avons notre second rendez-vous de la journée, à partir de 15 heures.

En effet, les places de stationnement étant limitées autour du mirador, une réservation (gratuite) est nécessaire pour y accéder. On peut réserver des créneaux de différentes durées en fonction de ce que l’on veut faire. En ce qui nous concerne, pas de grande randonnée, mais une simple promenade qui correspond au parcours du Rother intitulé « De la Cumbrecita au Mirador de las Chozas » et qui fait tout simplement le tour de deux belvédères au milieu d’une belle pinède. Un créneau de deux heures est largement suffisant dans ce cas.

La balade permet de porter un regard un peu différent sur la Caldera de Taburiente et complète parfaitement nos approches précédentes, l’une depuis le rebord nord du cratère, l’autre au cœur de ses gorges.

Nous avons en outre la chance d’assister en direct au déploiement d’une cascade de nuages dégringolant des crêtes orientales de l’île. Ce phénomène est dû à la rencontre des courants froids venant de l’est et chauds venant de l’ouest qui se rencontrent au niveau de cette barrière naturelle. Le spectacle est fascinant !

Nous quittons la Cumbrecita peu après 16 h 30. Pas de rendez-vous pour la suite, mais j’ai néanmoins un dernier souhait : découvrir un ensemble de pétroglyphes à El Paso.

En effet, à côté du cimetière, pas très loin du centre-ville, un escalier conduit dans une petite gorge où l’on trouve des gravures rupestres, principalement sous forme de spirales ou de méandres dont certains motifs mesurent jusqu’à un mètre de diamètre.

Après un dernier arrêt pour quelques courses, nous prenons tranquillement la route vers Tijarafe. A l’entrée du village, nous rejoignons la file des voitures arrêtées par la zone de travaux mais l’attente sera courte et le passage possible avec cinq minutes d’avance. Fin d’une journée bien remplie ponctuée de très belles découvertes ! 😊

Pour la première fois depuis notre arrivée sur l’île, il pleuvra un peu dans la nuit.