J3 : Samedi 13 mai 2023
Comme nous sommes samedi, pas de travaux donc pas de fermeture de la route à l’entrée de Tijarafe. C’est par conséquent le jour idéal pour nous diriger vers le sud, certes seulement 25 kilomètres plus au sud mais un trajet qui nécessite pourtant trois bons quarts d’heure. Objectif : le parking de la Viña dans le Barranco de las Angustias.
De cette fameuse caldera nous avons eu un premier aperçu hier quand nous l’avons contemplée depuis le rebord Nord au mirador de los Andenes sur la route LP-4. Aujourd’hui, nous souhaitons explorer le cœur de ses vallées en adoptant la randonnée figurant dans le guide Rother sous l’intitulé « De Los Brecitos par la Caldera de Taburiente » et décrite comme « un incontournable pour tout randonneur ! » dotée d’une mention « top ». Nous ne pouvions donc pas passer à côté ! Mais nous sommes prévenus : un dénivelé négatif de 1000 mètres nous attend sur ce parcours linéaire semi-circulaire de l’ordre de 13 kilomètres et d’une durée que j’estime entre 5 et 7 heures (le Rother prévoit 4 h 45).
Avant tout, quelques précisions sur le cratère en question : née d’une succession d’effondrements d’un ancien volcan qui devait culminer à 4000 ou 5000 mètres d’altitude, longuement façonnée par l’érosion, la Caldera de Taburiente se présente comme une véritable forteresse naturelle de 9 kilomètres de diamètre et de 1500 mètres de profondeur. Elle a tenu lieu de refuge aux populations préhispaniques résistant aux conquérants espagnols. Elle abrite également le lieu de culte guanche le plus important de l’île.
En 1954, une grande partie de la caldera a été classée parc national.
Nous nous garons un peu avant 8 heures au parking dédié. Oui mais la randonnée ne commence pas ici et pas immédiatement. Elle débute au mirador de los Brecitos où il n’y aucune possibilité de stationnement. Il faut prendre un taxi pour l’atteindre. Ce dernier mettra une bonne demi-heure pour arriver au belvédère situé à 1030 mètres d’altitude au bout d’une route certes asphaltée mais étroite, tortueuse et assez vertigineuse.
A 8 h 45 le taxi nous dépose à Los Brecitos (alt.1030 m). Il n’y a personne à l’horizon et même si le taxi effectue des rotations supplémentaires, nos éventuels poursuivants ne sont pas près de nous rattraper.
Alors, avant de nous élancer, profitons de la sérénité des lieux et de la vue unique sur la pinède et le rebord supérieur de la caldera. Nous avons de la chance côté météo, il fait un temps splendide avec des températures de l’ordre de 25 degrés dans l’après-midi.
Pour commencer, un peu plus de cinq kilomètres nous séparent de la zone de campement et cette première partie est censée être la plus facile. Pour l’instant tout roule alors que nous descendons doucement dans une magnifique forêt de pins dont les aiguilles jonchant le sol amortissent efficacement nos pas. Nous franchissons à intervalle régulier quelques barrancos latéraux, tous à sec, sur de petits ponts en bois. C’est d’un charme incontestable !
Au bout de trois quarts d’heure, nous sortons provisoirement la tête de la forêt pour admirer au mirador de Lomo del Tagasaste (alt. 915 m) les crêtes escarpées qui nous entourent.
Peu après, des panneaux indiquent deux possibilités d’extension, l’une vers des pétroglyphes, l’autre vers des pins remarquables. Mais, non merci, nous préférons nous économiser et nous concentrer sur le parcours principal.
Vers 10 h 30, nous franchissons le torrent de Taburiente au niveau de la zone de campement où nous croisons aussi les deux uniques personnes depuis notre départ. En plein été, les randonneurs et campeurs s’adonnent ici à la baignade dans de belles vasques naturelles, d’où le nom de Playa de Taburiente (alt.720 m). Aujourd’hui, même s’il fait très beau, le temps n’est pas vraiment à la baignade, mais une petite collation est bienvenue à ce stade.
Vue depuis l’aire de pique-nique sur le prestigieux cirque rocheux !
La pause est aussi propice à la découverte d’une vipérine bleue qui viendra compléter notre collection photographique.
Echium auberianum (?)
Après cette courte halte, nous reprenons notre marche vers 11 heures. D’après notre documentation, cette deuxième partie nécessite davantage d’habileté technique et une bonne condition physique. J’espère que nous serons à la hauteur !
Après une petite montée vers un col, le sentier sinue à présent à flanc de versant au-dessus du torrent de Taburiente avant de se diriger vers le barranco voisin Almendro Amargo.
La descente s’accentue fortement, mais pour le confort des randonneurs le sentier a été partiellement empierré, notamment dans les virages, évitant ainsi les dérapages. Nous assurons !
Bientôt, l’aiguille rocheuse du Roque Idafe, tel un doigt pointé vers le ciel, apparaît entre les pins. Il s’agit d’un ancien site sacré vénéré par les Guanches. Craignant qu’il arrive malheur si le rocher s’effondrait, les populations indigènes multipliaient sacrifices et offrandes au pied du roc.
Cherchez le Roque Idafe !
Au-dessus du Roque Idafe, je reconnais le Pico Bejenado (1854 m) qui, tel un protecteur, a l’air de veiller sur le doigt rocheux afin d’éviter qu’il ne s’écroule et ne provoque des malheurs.
Pico Bejenado et Roque Idafe
Un peu plus loin, le sentier se divise provisoirement en deux segments, dont l’un est réservé à ceux qui ne craignent pas le vertige. Nous choisissons le second bien entendu. Les deux finissent par se rejoindre alors que nous approchons du confluent des deux torrents (Río Almendro Amargo et Río Taburiente). L’endroit est dénommé « Dos Aguas » (alt.425 m)
Le Río Almendro surmonté par le Roque Idafe
En aval de Dos Aguas s’étend à présent le barranco de las Angustias (la gorge des angoisses). Mais avant de poursuivre, l’endroit nous offre un spot parfait pour pique-niquer au bord de l’eau. Il est midi.
Pendant que nous pique-niquons, alors que jusque-là nous n’avons pas vu grand monde, nous voyons plusieurs groupes de randonneurs remonter le lit du ruisseau depuis l’aval pour se diriger vers la Cascada de los Colores. Une fois le pique-nique terminé, nous leur emboîtons le pas car nous avons, nous aussi, prévu cette petite extension.
La cascade est jolie mais je l’imaginais plus haute, or elle ne fait pas plus de trois à quatre mètres. Précisons que ce n’est pas une cascade naturelle. Dans les années 1960 un mur de barrage a été érigé pour contenir les eaux en provenance de la Caldera. L’eau étant fortement chargée en fer, ce dernier a fini par colorer le mur. La couleur rouille se mariant à merveille avec le vert de la mousse et le noir du sol volcanique, l’ensemble fait son petit effet !
Nous revenons à présent sur nos pas jusqu’à Dos Aguas avant de nous attaquer au Barranco de las Angustias. Nous le suivons soit directement dans le lit du torrent (il n’y a pas beaucoup d’eau), soit en empruntant des « déviations » sur l’une ou l’autre rive pour contourner barrages rocheux et passages scabreux. Finalement nous atteignons le parking à 14 h 15 après cinq heures et demie, pauses et extension à la cascade comprises. Ce n’est pas mal du tout !
Une étonnante formation volcanique vers la fin du parcours
La quasi-totalité des randonneurs choisit de se limiter à l’aller-retour dans le Barranco de las Angustias depuis le parking de la Viña jusqu’à la cascade des couleurs. Cette option a l’avantage d’éviter le recours au taxi, mais elle est, de notre point de vue, sans beaucoup d’intérêt et l’aller/retour est fastidieux.
Bref, nous sommes ravis d’avoir effectué l’ensemble de la descente depuis Los Brecitos. Pour rappel, le parcours fait 13 kilomètres avec 200 m de dénivelé positif et 1000 mètres de dénivelé négatif. Il restera pour nous le plus long et le plus ambitieux réalisé à La Palma.
Pour récupérer de nos efforts, il ne nous faudra pas moins de deux arrêts sur le trajet de retour vers Tijarafe, le premier au restaurant Balcón Taburiente, pas loin de la sortie de la gorge, pour une boisson fraîche, le second au bar du Mirador El Time pour des pâtisseries. Le belvédère, en surplomb de la côte Ouest, à 600 mètres d’altitude, est surtout l’occasion de profiter d’une vue imprenable sur la région : la ville de Los Llanos de Aridane à nos pieds, la cascade de nuages dégringolant des hauteurs de l’Est ainsi que le nouveau cratère (dans la distance) et l’étendue des coulées de lave de la dernière éruption de 2021. Waouh !
La ville de Los Llanos (au centre) et la cascade de nuages
Cherchez le cratère du nouveau volcan et les étendues de lave !
Après en avoir eu plein les yeux et aussi plein les jambes, nous aspirons à du repos pour le restant de la soirée. Pour ce faire, nous avons le choix entre la chaise longue près de la piscine, la banquette ou le fauteuil sur la terrasse et le canapé du salon. Et pourquoi pas un peu des trois ? 😉