Après avoir arpenté un petit bout de la trace Le Prêcheur-Grand ’Rivière, nous voulons à présent expérimenter une petite partie de l’extrémité opposée. Pour ce faire, nous nous rendons dans le bourg de Grand’Rivière, un cul-de-sac à l’extrême nord de l’île et à une bonne quarantaine de kilomètres (une heure) de notre lieu d’hébergement.
Randonnée de Fond Moulin
Le départ de cette randonnée est le même que le sentier Grand’Rivière/Le Prêcheur. Par conséquent, depuis le port où nous nous garons, nous empruntons la petite route bitumée qui grimpe à flanc de colline jusqu’à un carbet situé dans un virage à une centaine de mètres d’altitude.
Peu après, nous avons un premier aperçu de la vallée de la rivière des Oranges, une étonnante clairière entourée de forêt tropicale vers laquelle nous allons à présent descendre.
Au bout de la descente, quand le bitume s’interrompt, nous laissons filer à gauche la fameuse trace vers le Prêcheur et optons, à droite, pour un petit chemin de terre bordé d’un rideau de plantes exubérantes.
Cherchez-moi !
Le chemin débouche bientôt sur les ruines de Fond Moulin, une propriété datant du XIXe siècle qui tient probablement son nom d’un moulin à eau aujourd’hui disparu qui servait alors à broyer la canne à sucre pour la fabrication du rhum. Les différents propriétaires ont successivement exploité l’endroit, au gré de l’époque et de leurs idées, en tant que sucrerie, caféière ou cacaoyère.
En 1886, lorsque l’ingénieur agronome Joseph Waddy acquiert le domaine, il se lance dans la culture des oranges (d’où le nom de Rivière des Oranges), des agrumes qui vont dépérir peu à peu après la mort de leur protecteur en 1919. La propriété, plus ou moins abandonnée, restera néanmoins dans la famille Waddy jusqu’en 1989 avant qu’elle ne soit rachetée par le Conservatoire du Littoral.
Aujourd’hui il ne reste que les vestiges de quelques bâtiments entourés de jardins créoles où les habitants de Grand’Rivière continuent à pratiquer la culture maraîchère et vivrière.
Les abords de l’habitation sont également très fleuris.
Heliconia géant rouge
Heliconia orange
Bégonia
Hibiscus
Après Fond Moulin, le sentier descend en direction de la mer tout en longeant la Rivière des Oranges.
Tiens, en voilà un qui annonce que nous ne sommes sans doute pas loin du rivage !
Bernard-l’ermite
En effet, nous atteignons le bord de mer au niveau de l’anse Cassius où une plateforme en bois permet d’admirer la vue en toute sécurité.
Nous grimpons ensuite dans la forêt par la rive opposée, assez raide, avant de retrouver la voie bitumée et de la suivre jusqu’à Grand’Rivière. En cours de route, une vue sur l’extrémité de la plage en contrebas (plage de Sinaï) nous incite à aller la tester dès notre retour dans le bourg.
Vue sur la plage de Sinaï depuis le chemin de randonnée
Plage de Sinaï à Grand’Rivière
Verdict : une plage magnifique que nous avons eue pour nous tout seuls ou presque. Une mer calme et chaude dans laquelle nous n’avons pas hésité à nous glisser ! La plage de Sinaï est l’un de nos meilleurs souvenirs de plages en Martinique.
Plage de Sinaï à Grand'Rivière
Et si l’on trinquait à cette belle matinée ? Sans modération 😉 avec un jus d’ananas ! En face, si le temps avait été clair, nous aurions pu apercevoir l’île de la Dominique. Ce jour-là, nada !
Reste à trouver un endroit pour déjeuner ! Il est trop tôt pour manger à Grand’Rivière et il fait trop chaud à mon goût au bord de mer. Je propose de prendre l’air en altitude. Et pourquoi pas au pied de la montagne Pelée ? Alors en route pour le parking de l’Aileron à 820 mètres d’altitude.
Au pied de la Montagne Pelée
L’ascension de la montagne Pelée faisait partie de nos objectifs. Nous nous étions longuement interrogés avant notre arrivée sur l’île si nous devions l’aborder par la Grande-Savane ou par l’Aileron, les deux points de départs se trouvant respectivement à vingt et trente minutes de notre lieu hébergement, localisation que nous avions également choisie pour sa proximité avec la Montagne Pelée.
Finalement, depuis quelques jours, en raison de notre forme physique, de la chaleur, de la difficulté du parcours et des nuages récurrents couvrant le sommet en permanence ou presque, nous avons renoncé.
Pourtant ce jour-là, nous avons la chance inouïe d’admirer la montagne Pelée complètement dégagée, à midi.
Vue exceptionnellement dégagée sur la Montagne Pelée
Le déjeuner au refuge de l’Aileron ne nous a pas laissé de souvenir impérissable. Il nous a néanmoins permis de profiter d’une petite brise bien agréable tout en assistant à l’arrivée de quelques randonneurs plus ou moins exténués. 😉
Quant à nous, nous prolongeons la thématique en allant visiter à Saint-Pierre le mémorial de la catastrophe de 1902 afin d’en apprendre davantage sur cette montagne emblématique (tout en profitant de l’intérieur climatisé de l’établissement 😉).
Saint-Pierre et son mémorial de la catastrophe de l'éruption de 1902
Ouvert en 1933, le musée a été complètement rénové en 2019 afin de présenter dans un bâtiment sobre et contemporain les témoignages et les traces de cette catastrophe. Nous sommes équipés d’un audio-guide.
Dans la première salle, grâce à des photos d’époque et l’exposition d’objets du quotidien, nous découvrons la période précédant l’éruption, quand Saint-Pierre était une ville florissante surnommée « le Petit Paris des Antilles ».
Puis vient l’évocation du jour de l’éruption avec des photographies capturées peu de temps avant la catastrophe, montrant la montagne Pelée fumante et les signes précurseurs de l’éruption imminente. Des récits de survivants et de témoins oculaires complètent les images donnant vie à l’horreur et à la panique ressentie à l’époque.
Une tragédie qui devient encore plus « réelle » dans la salle suivante quand nous découvrons les restes de vaisseaux qui mouillaient dans la baie ainsi que de nombreux objets du quotidien retrouvés dans les décombres : pain calciné, montres à gousset déformées, verres fondus, vaisselle agglomérée, blocs de clous, de vis et de ciseaux compressés… Très impressionnante aussi la cloche en bronze de l’église retrouvée torsadée après l’éruption, comme un morceau de chocolat fondu.
Le plus émouvant, c’est la liste des noms qui tapissent l’intégralité du mémorial : plus de 7000 victimes ont été identifiées à ce jour, mais près de 30 000 personnes ont perdu la vie dans la catastrophe. L’histoire n’a retenu qu’un seul survivant, un certain Cyparis qui avait été jeté en prison la veille et qui a survécu à l’abri dans son cachot.
La ville de Saint-Pierre porte encore les stigmates de cet événement dont elle tente de faire un atout pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Martinique. Elle essaie aussi de miser sur le tourisme vert afin d’apporter une alternative aux séjours s’effectuant encore majoritairement dans le sud de l’île.
Pour nous qui logeons à quelques kilomètres, la petite ville est un lieu de passage presque quotidien, à la fois pour assurer notre ravitaillement (marché, supermarché) et pour accéder aux autres destinations dans la région Nord.
Vue sur la rade de Saint-Pierre et la Montagne Pelée