Jour 13
Dernier jour de la COP15

Un accord historique, mais fragile

Lundi 19 décembre à 3:30 du matin l'accord de Montréal de la COP 15, pour un Cadre Mondial de la Biodiversité, a été adopté.
Les chiffres de la perte de la biodiversité sont terrifiants (1 millions d'espèces en danger d'ici 2050, 60% du vivant a été détruit depuis 50 ans, 70% des écosystèmes sont altérés,...). Le cadre mondial pour la biodiversité a pour but de stopper et d'inverser cette dynamique.
Cependant cela n'a pas été facile. En effet pendant la plénière, la République Démocratique du Congo a pris la parole et a expliqué qu'elle ne se voyait pas signer l'accord avec les modalités mises en place présentement. S'ensuivit un grand froid dans la salle, jusqu'à ce que le Mexique prenne la parole pour demander de la souplesse à la République démocratique du Congo concernant l'accord, ce qui a créé une ovation.
Le ministre chinois et président de la COP, Huang Runqui, a adopté l'accord malgré les objections de certains pays africains. En effet, ces objections étant perçues comme des observations, il n'y aura pas de retour en arrière sur l'accord et les interventions des pays africains seront prises en compte.

Laurette

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Conférences de Presse de la matinée

Ce matin nous avons assisté à deux conférences de presse qui étaient sur l'accord adopté cette nuit par tous les pays de la COP. Nous avons vu, au travers de ces deux conférences, que beaucoup de journalistes et de politiques remettent en question l'efficacité de cet accord.
En effet, le cadre posé par celui-ci semble insuffisant et fragile pour réussir à réduire la perte de Biodiversité. De plus, de nombreux pays du Sud s'y seraient opposés. Pour l'instant, les indicateurs précis pour certains objectifs, de même que les modalités de mise en place de ce nouvel accord sont assez flous.
Nous venons même à nous demander, si ce nouveau traité n'a pas été signé dans la précipitation, la fatigue et la volonté d'entrer dans l'histoire chez les délégués.

Isabella

Dernière interview...

Mr Guilbeault pris au vol...

Notre ministre a gentillement accepté de répondre à nos 2 dernières questions: une sur la non-ratification du protocole de Nagoya et une sur les OGM ... A découvrir dans notre section 'interview'!

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Dernière discussion...

Bilan de cette expérience.... ci-dessous

Le POUR de l'accord

L'accord Kunming-Montréal du cadre mondial de la biodiversité (2022-2030) est une prise de décsion historique, reposant sur de nombreux objectifs :

  • Les premiers objectifs reposent sur la protection, la restauration et l'arrêt (et même l'inversion) des nuisances vis à vis des écosystèmes.

  • En particulier, l'objectif phare '30X30', c'est à dire la protection de 30% de la biodiversité mondiale (30% des surfaces terrestres et 30% des océans) d'ici 2030, est validé. Les autres objectifs visent les 70% restants.

  • Les pays ont conclu pour un fond de 200 milliards dédié à la protection de la biodiversité d'ici 2030. Cet accord démontre la volonté des pays d'atteindre ce but, par exemple, avec le compromis entre les pays du sud et l'Union Européenne pour la création d'un fond spécifique au sein du FEM (Fond Monétaire pour l'Environnement).

  • La prise en compte des peuples autochtones est une avancée importante. Ceux-ci se retrouvent sur des territoires qui concentrent 80% de la biodiversité terrestre, et leurs modes de vie et coutumes sont en harmonie avec la nature. Or, le cadre mondial de la biodiversité les reconnait comme étant décisionnaires sur leur territoire. Un équilibre semble être trouvé entre leurs droits d'utiliser leur territoire et la protection de la nature.

  • De nombreux points visent aussi la mise en place de processus pour mobiliser les populations, les institutions et les industriels, mais aussi la mise en place de processus de contrôle de l'engagement des pays. Maintenant, ce sont aux pays de la convention à proposer des plans nationaux qui doivent intégrer les objectifs de la COP15.

  • La COP15 prend aussi en compte des mesures pour les 3 niveaux de la biodiversité : des écosystèmes, des espèces, mais aussi génétique. Ce dernier point est détaillé dans les protocoles de Carthagène et de Nagoya qui ont été aussi discutés et adoptés lors de cette COP15.

  • L'un des effets positifs aussi escompté et que ce cadre mondial pour la biodiversité influence d'autres processus engagés pour les secteurs du commerce (avec l'OMC), de la santé (avec l'OMS), de l'agro-alimentaire, du tourisme,...

Steven Guilbeaut, ministre fédéral canadien de l'Environnement et du Changement Climatique, exprime sa joie '' On a finalement un ''moment Paris'' pour la biodiversité''.

Méline

Le CONTRE de l'accord

En revanche, nombreux sont ceux qui pensent que l'accord est insuffisant.

En effet, il y a eu plusieurs insuffisances par rapport à l'urgence, mais aussi des modifications du texte de base :

  • La mesure phare 30X30 (voir ci-dessus) est estimée insuffisante par plusieurs ONG environnementales et scientifiques qui parlent plutôt d'une nécessité de préserver près de 50% de surface afin d'éviter ou de freiner l'effondrement des écosystèmes.

  • Les décisions envisagées sur les pesticides : ce qui était censé être une réduction de 50% de l'utilisation des pesticides est devenue une réduction de 50% du risque global des pesticides. Cependant, certains scientifiques estiment que cet aspect qualitatif peut être tout aussi pertinent, sachant que certains pesticides sont davantage néfastes que d'autres.

  • Les restrictions sur les rejets de déchets ou l'utilisation de plastiques ont été minimisés : il n'est pas demandé de stopper cette pollution, mais il est conseillé de lutter contre.

  • Il y a aussi des regrets de la part des experts de la santé sur la faible mention des dangers de la perte de la biodiversité sur la santé humaine (apparition de plus en plus de pandémies, mutation plus fréquente des pathogènes...). Les experts auraient souhaité un objectif spécifique reliant biodiversité et santé.

  • Le budget du financement spécifique à la biodiversité, demandé initiallement par une coalition de pays du sud (Brésil, Argentine, Inde, RDC,...) n'a pas été atteint (30 milliards/an en 2030 au lieu de 100 milliards/an).

Tout ceci pose un questionnement sur l'aspect 'historique' de l'accord.

Puis, comme à la fin de chaque COP et après la publication de tout accord, on se demande toujours si les décisions seront respectées... Si l'on se base sur la non-atteinte des objectifs d'Aichi et du non-respect des accords de Paris, on pourrait remettre en question l'utilité de ces accords. Cependant, afin d'éviter les erreurs des derniers accords (qui manquaient d'objectifs précis et de mécanismes de vérifications réguliers), plusieurs processus de mesures sont prévus, il reste à voir s'ils seront, cette fois-ci, suffisants...

Enfin, il y a des doutes sur l'unanimité de la mise en place de cet accord, sachant que plusieurs pays africains avaient fait entendre leurs objections qui ont été prises pour des "observations". Ce passage en force de l'accord donne l'impression d'un accord précipité et publié simplement pour créer un "moment Montréal".

Sophie

Notre bilan et notre ressenti pour cette COP15

C'est incroyable de se rendre compte que tout est fini. Ces douze jours sont passés si vite. C'était une experience inédite pour nous. Aujourd'hui, en nous promenant dans le palais des congrès, on a remarqué que tous les stands étaient complètement vides et ça faisait bizarre de comprendre que c'était la fin.
Cette COP nous a énormément appris sur les démarches et les négociations et aussi sur les différents enjeux et acteurs. Je n'arrive toujours pas à croire la chance exceptionnelle que j'ai eu de pouvoir non seulement d'assister à ces rencontres, mais aussi à faire un travail de journaliste. Faire ce reportage et interviewer tant de gens si intéréssants, et pouvoir le partager avec la jeunesse et tout ceux qui ne peuvent pas y aller, a été un privilège.
En revanche, pouvoir suivre les réunions, nous a ouvert les yeux sur beaucoup d'éléments peu connus, comme la difficulté des négociations et les impasses que causent les aspects économiques et politiques.
Je suis tout de même déçue de l'accord signé. Je trouve que les mesures prises sont trop faibles et que trop peu a été adopté au final. Mais tout de même, pouvoir assister à toutes les démarches me fait prendre du recul sur ma déception, car je sais à quel point il est compliqué de trouver un accord à l'échelle mondiale.

Sophie

Du début à la fin, la COP 15 m’a paru surréaliste. Je me souviendrai à tout jamais du sentiment que j’ai ressenti au moment où l’on est rentré pour la toute première fois dans la grande plénière, cette énorme salle remplie avec des gens de toute nationalités, tous réunis pour sauver la biodiversité.
Nous avons rencontré tellement de gens importants et impressionnants. Certains ont essayé de nous rassurer en ne nous disant pas la vérité, d’autre nous ont parlé d’adulte à adulte.
A la fin de la COP certains ont crié à la victoire, mais d’autres à l’injustice. Beaucoup considèrent cette COP comme un moment historique, mais cet accord que l’ONU a adopté ce lundi 19 décembre ne semble être que le minima qu'ils pouvaient faire. Vu les nombreuses complications et négociations au cours de cette COP, je n’attendais pas de grands changements historiques, mais je suis quand même déçue de l’accord qui s’est mis en place. Certes, certains objectifs vont assurer la protection d’une partie de la biodiversité, mais ceci n’est vraiment pas suffisant si l’on veut une réelle protection de la biodiversité et des peuples autochtones.
Cette COP sera un moment important dans notre vie de lycéenne, mais non un moment historique dans l’histoire de la protection de la biodiversité.

Laurette

Je n'arrive pas vraiment a réaliser que ce soit fini. J'ai l'impression que tout se soit passé si vite... Une expérience que je n'oublirai jamais.
Je suis venue à cette COP avec des préjugés sur la volonté politique et les paroles en l'air. Mais, j'ai vu, j'ai vécu ce qu'est réellement la politique de négociation. Je garde bien sûr un énorme respect pour toutes ces déléguations qui sont restées jusqu'à très tard pour trouver un certain consensus. J'ai énormément appris et je suis extrêmement reconnaissante à notre école de nous avoir permis de vivre une telle expérience aussi folle.
Il est vrai que je ressors de cette COP, je ne dirais pas déçue, mais pas vraiment satisfaite du bilan final de celle-ci.
Cette COP a été qualifiée d'historique mais elle n'en ait pas vraiment un pour moi. Il est vrai que c'est une avancée importante, mais ce n'est pas ce que nous espérions pour la protection de la biodiversité.

Méline

Ces treize derniers jours ont été très intenses et sont passés rapidement. Je suis très reconnaissante et contente d'avoir participé à ce projet pour soutenir une cause qui me tient à cœur. Tous les jours, j'apprenais quelque chose de nouveau cela m'a beaucoup plu ! j'ai également apprécié les échanges que nous avons eus lors des nombreuses interviews. Ils étaient tous plus instructifs les uns que les autres.
Si on parle de mon ressenti en tant que jeune fille, en sortant de la COP je dirais que je suis plutôt pessimiste. Malheureusement, bien qu'elle m'ait rassurer sur certains points, je n'ai pas eu le sentiment que les dirigeants étaient réellement soucieux de la biodiversité et de notre avenir. Beaucoup d'hommes politiques ne cessent de répéter que tout va bien et que nous sommes sur le bon chemin. Bien qu'il y ait une avancée, ce n'est clairement pas suffisant. Je suis née en 2005, j'avais deux ans lors de la première COP pour la préservation de la biodiversité, et depuis très peu de choses ont changé !
Je suis naïve, c'est vrai, néanmoins, j'ai compris que l'avenir de l'humanité et de la nature était basé sur des textes de loi entraînant des discussions de plusieurs heures pour savoir si l'on enlève une virgule ou un point. Je sais que c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît et que les enjeux ne concernent pas seulement la Biodiversité, mais l'urgence n'est pas dans la ponctuation d'un texte. Arrêtons de discuter, agissons !
Ce que je dirais à une ou un ado aujourd'hui , c'est qu'il faut malgré tout y croire et se battre. Si ce n'est pas eux qui prennent les décisions importantes pour notre génération et les générations futures, alors c'est à nous de le faire et vite !

Isabella

Dernière minute : obstruction de la Russie durant la plénière de clôture

La plénière de clôture, visant à valider les points d'accords, commence avec plus de deux heures de retard... Une agitation autour de la position de la République Démocratique du Congo anime la salle et occupe l'attention des paparazzi.

Suite à ce départ tendu, la présidence chinoise, s'exprimant exceptionnellement en anglais, valide en rafale et dans une atmosphère enfin détendue (notamment par une plaisanterie sur la qualité de son anglais), les points de convergence du cadre sur la biodiversité. Ce cadre enjoué, efficace, aux semblants de bonne farce célebratoire, se trouve brutalement interrompu par une sombre accusation.

La Russie intervient et se dit discriminée par l'Europe. Elle explique sa position et remet en question le vote régional que son candidat qui a perdu l'élection (offrant au gagnant le droit de représenter les pays de l'est) et demande l'interruption de la plénière pour lancer un deuxième vote au sein de l’ONU en exigent le quorum requis. La Georgie et république Tchèque expliquent que le vote a été fait selon les règles onusiennes, et que le candidat élu pour représenter leur groupe a obtenu 17 voix sur 23. La Russie insiste, joue la victime et crie à l'injustice…

Le responsable légal de la CBD, déstabilisé par cette demande incessante, propose un vote en plénière jusqu'à ce que le président chinois suspende la plénière pour résoudre cet incident diplomatique. Il est 19h47.


Après 3 heures en suspens, à 22h46, la république Tchèque remercie la présidence de la Chine et déclare regretter la 'prise d'otage' de la COP15 par la Russie.

Cette intervention Tchèque fait suite à une prise en mains souple et ferme à la fois de la présidence chinoise, doublée de l'intervention tranchante de Mme Mréma, qui ont, tous deux, mis un terme final aux interférences déstabilisantes de la Russie. La reprise en mains de cette situation inédite dans l'histoire de l'ONU, a vallu une ovation debout de nombreux pays signataires pour congratuler la présidence chinoise.



Intervention de Robert Kim, 12 ans, au début de la dernière plénière - (Children's Climate Championship). Robert se faisait la voix des enfants du monde et a lu une lettre adressée aux dirigeants.