les travaux du Gouffre de 1511



Ce texte est tiré d'un extrait de A. DUPRE Bibliothécaire de la ville de Blois pour copie conforme de:

"l'ordonnance touchant la réparation de la fontaine de Larcy de blois et autres descendants d'icelle, pour donner à cong,oistre par ou vont les tuyaux pas lesquels va la dicte fontaine."


Suite à l'assèchement de la Grande Fontaine, la municipalité avait décidée, le 28 avril 1511, de procéder à la réalisation des travaux de remplacement des canalisations en plomb, depuis le bâtiment du Gouffre jusqu'aux différentes fontaines de la ville, par des canalisations en terre cuite.

Le Sieur de Valence, fontainier de Rouen, en était responsable.


Les travaux débutèrent le 12 mai 1511, les tuyaux en plomb, qui avaient remplacés de plus vieilles canalisations en gré, étaient percés et dé-soudés, ils ont été remplacés par des tuyaux en terre cuite d'un tier de toise de long et un demi pied de diamètre et enfouit a la profondeur de 5 grands pieds plus bas que ceux en plomb, les travaux débutèrent sous le pont de la rue Porte Coté du coté de Notre Dame de Chambourdin jusqu'au carrefour Gaudebert (Porte Coté et Porte Chartraine).

Les tuyaux ont été placé du coté Saint Honoré au milieu du pavé (coté Porte Chartraine) et recouvert de chaux et de ciment, c'est également à ce moment que la fontaine Saint Jacques qui se trouvait dans une cour ou se "faisaient plusieurs paillardises et lubricités" fut déplacée vers la rue du Puits du Quartier au coin de la chapelle de Messire Jacques Hurault, chevalier et trésorier général de France.

C'est également à ce moment là que la voûte de l'Arrou fut rompu devant l'Hôtel Dieu afin de permettre aux eaux de s'écouler gravitairement vers cette fontaine.

Il fut mis une longue pierre en forme d'auge afin de recevoir et d'isoler les nouvelles canalisations des eaux de l'Arrou lorsque celui-ci gonflait.

Il fut préconisé également la construction d'un pilier de pierre de forme de ceux des ponts de la Loire (en forme de biseau) afin de le protéger des objets qui pourraient le heurter lors de la montée des eaux de l'Arrou ainsi que des visites régulières afin de vérifier le bon état de cette pierre.

Les tuyaux continuent de ce coté au milieu du pavé de la Grande Rue jusqu'à la rue Rebrousse Pénil ou ceux-ci changent de coté de rue jusqu'à l'église Saint Martin (qui se trouvait au pied de l'escalier appelé degrés Saint Martin).

En cas d'arrivée trop importante d'eau, un "déversoir" permettait de diriger les eaux vers un lieu nommé le Change depuis la Croix de Blois.

Travers de la galerie de l'Arrou - Supposition sur la traversée de l'Arrou - (VT)

Cette partie de la ville ayant changée depuis 1511 avec les modifications d'aménagement et les destructions de la seconde guerre mondiale, qu'il est difficile de se repérer aujourd'hui.

L'église Saint Martin était au pied des degrés Saint Martin d'aujourd'hui, cette partie de la ville était très encombrée de maisons regroupées en îlots.

La Grande Fontaine était adossée à un de ses îlots. A-t-elle été déplacée lors des travaux d'aménagement du quartier?

Selon l'ouvrage "Blois, la forme d'une ville" des cahiers du Patrimoine, à la page 202:

"Sa reconstruction, de quelques années antérieure à celle des autres fontaines, doit intervenir dans les dix premières années du XVI éme siècle...Elle se compose d'un imposant massif de maçonnerie rectangulaire; à l'origine appuyé contre les maisons du carrefour Sain-Martin et d'un vaste basin réaménagé au XIX éme siècle."

La fontaine n'était donc pas contre l'îlot mais à l'intersection de la rue Saint Martin et Saint Lubin.

Le texte indique que les tuyaux sont assis du coin de la maison jusqu'à une bassie ( ce mot désigne un récipient, ou un évier ) qui est à quatre pieds (un pied est égale à 0,3048 m donc 4 pieds représentent 1.2192 m) près du coin de la Grande Fontaine, du coté "devers" le dit Saint Martin, laquelle bassie est de quatre pieds en carré faite de pierres de Saint Aigan , cette bassie est équipée d'une vidange sans doute en cas d'entretien.

Il est indiqué également que sur cette bassie, il était assis un pilier de cuivre sur lequel il y avait Saint Jehan avec trois tuyaux qui rejetaient l'eau en dessous. et de la petite bassie, sont assis des tuyaux jusqu'à la Grande.

La description n'est pas claire, cela indique-t-il qu'il y avait deux fontaines à cet endroit ou que la Grande Fontaine fut déplacée?


La grande Fontaine place Louis XII - (Archives 41)

Afin de ne pas être dérangé par l'eau lors de la pose des tuyaux, un batardeau avait été réalisé afin de déverser vers l'Arrou en amont du pont de la rue Porte Coté sous le pont.

Un terme revient dans ce texte, c'est la Fontaine "Entraine", et sa voûte. S'agit-il du bâtiment que l'on nomme aujourd'hui le Gouffre?

La petite ruelle décrite dans le texte ressemble à la rue du Gouffre actuelle, la description du Gouffre permet d'apprendre que cet ouvrage se trouvait dans le jardin d'une propriété privées de Monsieur Pierre BRETEAU, des degrés furent aménagés afin de permettre la descente vers la voûte.

Le bâtiment du Gouffre serait sans doute bien antérieur au XVI ème siècle, par contre c'est à cette époque qu'un aménagement fut construit pour y accéder.

Des regards en pierre permettaient d'accéder aux tuyaux en plomb et c'est ainsi qu'il fut découvert des tuyaux plus anciens en grès dans le sable juste en dessous.


Le Bâtiment du gouffre en 1900 - (Archives 41)

La Myne

En même temps que ces travaux d'enfouissement des tuyaux, un grand nettoyage de la myne de la fontaine (la partie amont du bâtiment du Gouffre taillé dans le roc) était réalisé et voici la description:

"L'on ne cessoit de nectoyer la myne de la fontaine, qui est belle à merveilles, et sy toust qu'elle fut appuisée, plusieurs gens de bien de la ville y entrèrent, et des femmes aussi, pour veoir icelles mynes et les lieux ou ont esté faicts les puis pour netoyer la dicte myne des bourdes (boues), pierres et terres qui estoient tombées de la couverture d'icelles mynes en plusieurs lieux."

Un détail peut intéressant du nettoyage (pour le rapporteur du texte) fut omis et reporté en bas de la page:

"Nous omettons ici le détail peu intéressant du nettoyage et des réparations de l'aqueduc. Notons seulement les découvertes qui furent faites dans le longueur du parcours. On trouva dans un endroit: "une espée d'armes roillée, ung grant fer de pique, gouez, serpes, fers de cheval et autres ferrailles..."

Ailleurs on découvrit: "des ossemenes qui démonstroient os de crestiens, dont ils estaient venus on ne scet".

Suite à cette visite et aux dégradations constatées, les élus de la ville décidèrent de faire voûter les parties endommagées afin d'éviter la chute de pierres et de terres dans les mynes.

C'est le maître maçon Macé DULOISIR qui fut chargé de cette tache qu'il débuta le lundi 22 janvier 1511.

il fut payé trente sept sols, six deniers tournois par toise de voûte. il devait réaliser ces travaux de manière à ce que les hommes puissent aller facilement tout de bout (debout).

Galerie principale noyée à son arrivée dans leGouffre (réservoir). Entièrement remplie d’eau, la galerie,haute de 1,80 m et large de 0,80 m, est un véritable aqueduc à cet endroit. La paroi est en calcaire de Beauce.Photo : J. DESVERGNES - Spéléo-club de Blois. http://www.geologie41.cdpne.org/Site29.html
Galerie principale, au niveau de la rue Bretonnerie. Cette partie de la galerie principale présenteune cavité importante permettant de penser que la structure initiale est d’origine karstique.Photos : M. CHASSIER, Spéléo-club de Blois. http://www.geologie41.cdpne.org/Site29.html


un DRAME dut a un manque d'entretien de l'arrou


Un événement dramatique se produit dans la nuit du samedi au dimanche 14 novembre 1512:

" il vint ung grant cas d'eaue, par pluyes qui descendoient devers Pigelée et des Perrières, au bout des Haultes Granges, le long de l'Arrou, et abatit trois ou quatre petites maisons couvertes de chaulme et ung arpentilz couvert de tuille, qui tumba dans le jardin Pierre BRETEAU, auquel est la petite bassie. Et en ceste grant maison soubz Saincte Katherine, que tient Pierre BOULLON, y fut noiée une pauvre femme, et fut la dite eaue si grande et si haulte, qu'elle estoit dedans le jardin auquel est voulte de la fontaine."

Les eaux de l'étang de Pigelée et des Perrières s'écoulèrent dans l'Arrou alors que les grilles de l'Arrou situées au fossé de la rue Porte Coté n'étaient pas levées et les débris furent arrêtés par ces grilles.

Les eaux bloquées passèrent par dessus les grilles et entrèrent par la rue Porte Coté en emportant le pont-levis. L'eau s'engouffra dans la rue jusqu'à hauteur de ceinture et arracha les pavés depuis le carrefour Gaudebert (Porte Chartraine et Porte Coté aujourd'hui) jusqu'à l'Hôtel Dieu Saint Jacques. Deux victimes sont à déplorer et de nombreux animaux sont morts.

Une assemblée fut réunis afin de décider du nettoyage de l'Arrou et de retirer les deux grilles qui ont provoquées cette catastrophe et les remplacer par une arche avec une ouverture plus grande avec une grille cramponnée par le bas avec un système permettant de l'ouvrir rapidement avec une barre que l'on pourrait faire basculer afin de coucher la grille.


Un accident évité de justesse

Un autre jour, alors qu'une partie de la myne était à sec au niveau d'un des regards d'accès dans un jardin derrière la maison qui sépare le chemin de l'Arrou et les Basses Granges, le batardeau qui permettait cet assèchement se rompit et toute l'eau rempli la myne et le regard à moitié.

Heureusement, personne ne se trouvait dans l'ouvrage à ce moment.


Origine des mynes du Gouffre


Au mois de juillet 1835, M. le docteur Marin DESBROSSE et M. de La Saussaye, archéologues blésois, visitèrent l'acqueduc, pour examiner si c'était réellement un ouvrage romain, comme la tradition le prétend, mais ils ne découvrirent rien qui pût éclairer la question d'origine, ils reconnurent seulement de visu la parfaite exactitude des renseignements fournis par le curieux procès-verbal cité plus haut.


Donc pour l'instant: origine inconnue.


Extrait de la Revue des Sociétés Savantes des Départements cinquième série - Tome III - 1872 - 1er Semestre - (Gallica)