2.3-Les Fontaines de Blois
Des ouvrages pour alimenter en eau les Blésois.
Le Gouffre hier.
"Un monument curieux, que l'on peut attribuer aux Romains dont il rappelle parfaitement les habitudes, c'est l'aqueduc, taillé dans le roc, pour amener les eaux qui alimentent encore les fontaines de la ville et qui a fait dire au bon historien de Saint-Laumer que Blois était magnifique en aqueducs et glorieux; en fontaines.
Il ne faut pas confondre, comme on l'a fait souvent, cet ouvrage avec d'autres travaux assez remarquables qui partent du réservoir connu sous le nom de Gouffre; leur style se rapporte au moyen âge, et il faut encore moins croire qu'il s'agit de la voûte qui couvre le lit de l'Arou."
Mémoires de la société des sciences et des Lettres de la ville de Blois - Tome Premier - Gallica
Le texte ci-après est un résumé du descriptif de l'alimentation des fontaines de Blois tiré de l'ouvrage "Documents historiques et archéologiques sur les fontaines de Blois" de M.A. Dupré, bibliothécaire de la ville de Blois.
Les fontaines étaient alimentées par le Gouffre, creusé dans le roc à une profondeur de 7m et alimenté par un aqueduc.
Ce canal commence auprès du puits des Basses-Granges par 3 petits rameaux qui se réunissent en une seule branche de 529 m.
Cet ouvrage est accessible par des puits d'infiltration en partie amont et des regards en partie aval.
La section amont de la galerie (ou de l'aqueduc) est taillée dans la roche et varie entre 1.70 m et 2 m de haut et 80 cm a 1.30 m de large à certains endroits.
L'eau provient d'infiltration pluviales car aucune trace de source n'eu été détectée.
L'aqueduc amont, appelé mynes, aurait été réalisé par les romains selon les techniques utilisées se rejetant vers le Gouffre appelé le château d'eau castellum aqwe par les architectes de Rome.
Du Gouffre, partent des tuyaux placés presque à découvert dans un second aqueduc en maçonnerie, construit en 1744 pour alimenter les fontaines.
Le Gouffre aujourd'hui.
Les 24, 25 et 26 avril 2017, le service Cycle de l'Eau d'Agglopolys a procédé à une inspection de l'ouvrage en partie aval construite en 1744 et partant du bâtiment du Gouffre jusqu'à une chambre/déversoir situé à 211 m dont voici les dimensions relevées L 4.45 x l 1.36 x H 1.73.
Les fontaines seraient alimentées par des tuyaux en terres cuites placés au niveau du radier de l'ouvrage au XVIéme siècle en remplacement des tuyaux en plombs qui eux-mêmes remplaçaient des tuyaux en grès.
"Dans les parties refaites, on a laissé de chaque côté un petit cordon de rocher qui forme une espèce de double trottoir, de deux pieds de haut et d'un demi-pied de large, sur lequel on peut aller sans se mouiller, quand l'eau est basse."
"L'aqueduc des Basses Granges se termine par une espèce de bassin taillé dans le rocher, et qu'on nomme le Gouffre. C'est de là que partent les tuyaux de conduite qui distribuent l'eau dans la ville.
Ils la reçoivent par une ouverture de 6 pouces de diamètre, placée à 2 pieds ou 2 pieds et demi au-dessus de la base de l'aqueduc."
"Depuis le Gouffre jusqu'au milieu de la place du Bureau de Bienfaisance (la poste aujourd'hui), dans une étendue de 108 toises, les tuyaux sont placés presqu'à découvert dans un second aqueduc qui permet d'y faire facilement toutes les réparations dont ils ont besoin. Cet ouvrage, qui, d'après le Mémoire de Cendrier, est de 1744, a évidemment été fait dans ce but unique. Il est parfaitement régulier ; partout en maçonnerie ; il a 5 pieds et demi sous voûte, et 3 pieds 10 pouces de large; la voûte est en anse de panier. Il communique par deux regards avec les cours du Bureau de Bienfaisance.
Six pierres de taille, placées à égales distances, au milieu de sa base, indiquent autant de ventouses destinées à donner issue à l'air qui se serait introduit dans les tuyaux;et une cannelle peut y arrêter le cours de l'eau dans le cas de réparation.
Gendrier, ingénieur, et architecte dé la ville de Blois, fit construire, en 1771, onze cuvettes sur le trajet des tuyaux des fontaines, avec autant de ventouses pour pouvoir remédier à l'introduction de l'air. Quatre autres cuvettes semblables existaient déjà; il les marqua toutes par des bornes indicatrices ferrées, placées le long des murs dans les points les plus rapprochés.
Ces tuyaux sont ceux qui existent encore aujourd'hui. Ils ont été posés un pied plus bas que n'étaient ceux de plomb, et entourés d'une maçonnerie de chaux, de ciment et de cailloux. On commença par la partie inférieure ; et, pour n'être pas gêné par l'eau, on fit au-dessus de la rue Porte-Côté un batardeau qui l'obligea à s'élever et à prendre son cours dans I'Arrou. Pour la partie supérieure on fut obligé de verser l'eau du Gouffre dans cet égout, au moyen de seaux et de poulies.
Il existe huit cannelles (robinets) sur le trajet des tuyaux, destinées à arrêter l'eau, soit dans le conduit principal, pour une réparation de cette partie, soit dans un seul embranchement, pour pouvoir réparer successivement chacune des fontaines, sans être obligé d'interrompre le cours de toutes les autres, toutes fussent marquées par des bornes indicatrices semblables à celles de Gendrier.
Il paraît, d'après Gendrier, qu'on avait l'intention de continuer cet aqueduc jusqu'à la fontaine du Puits-du-Quartier, et que le manque de fonds s'y est seul opposé."
Visite du 17 juillet 1835 - Mémoires de la société des Sciences et Lettres de la Ville de Blois (second tome) (Gallica)
La galerie visitable part du bâtiment du Gouffre jusqu'à la chambre /déversoir située sous le parc Victor Hugo au niveau du feu rouge.
La galerie n'est en fait qu'une galerie technique, l'alimentation se fait par des tuyaux en terre cuite situés en radier de l'ancien ouvrage qui comportait deux banquettes de chaque coté de l'ouvrage comme indiqué sur le dessin plus haut, les tuyaux ont été maçonnés pour ne pas être abîmés et sont donc invisibles depuis la galerie en eau.
On peut donc considérer que la galerie sert aussi de stockage d'eau jusqu'à la chambre.
Six pierres taillées sont disposées au sol à des distances régulières et servent de ventouses (pour chasser l'air) des canalisations en terre cuite.
Les tuyaux sont ensuite raccordés à des bassins de stockage auprès de chaque fontaine afin d'assurer une alimentation constante.
"Chaque fontaine a un réservoir particulier où l'eau s'amasse durant la nuit pour fournir plus abondamment le matin. Ces réservoirs ont encore un autre but fort important, c'est de pouvoir donner instantanément une quantité d'eau assez considérable dans un cas d'incendie."
Les tuyaux ont été fabriqués à Saint-Avertin près de Tours , en terre du pays et furent posés en 1511 par le sieur Valence, maître fontainier de Rouen.
C'est le roi Louis XII qui provoqua ces travaux exécutés sous la direction des échevins (appelés aussi élus, sont des officiers municipaux, élus au suffrage populaire) alors en exercice.
Les tuyaux en terre cuite remplacèrent ceux en plomb, qui eux-mêmes avaient succédés à d'autres en argile.
La plupart étaient de 13cm de diamètre et 66cm de long.
Une maçonnerie de chaux, ciment et cailloux, les entouraient.
Les travaux durèrent 4 mois, du 12 mai au 15 septembre, ils ont été détaillés avec soin dans un procès-verbal sur parchemin aux archives de la ville.
"C'est à un petit quart de lieuë de là, que les eaux partent d'un lieu souterrain, où par des fentes de roches elles coulent dans un large Aqueduc , que l'on croit de la façon des Romains. ìl est fait en manière de Grotte voutée prise & taillée si artistement dans le roc même, que plusieurs personnes y pourroient aller de front en quelques endroits.
Toutes ces eaux tombent proches des murs de la Ville par cet Aqueduc , en un réservoir nomme la Fontaine des Arfis. On y descend par quinze ou seize degres, & on y voit couler cette eau par une grenade dans un grand canal de plomb, divise en plusieurs autres moindres qui la distribuent en divers quartiers de la Ville."
extrait de "Histoire de Blois, contenant les antiquités et singularité du comté de Blois"
Alimentation des fontaines et puits de Blois au XVIII éme siècle
Lien vers http://www.geologie41.cdpne.org/Site29.html
Intérieur du réservoir de la fontaine.
(Photographie VT)
Une autre description de cet ouvrage
"M. Honnorat donne lecture du procès verbal de réception des travaux exécutés de 1511 à 1522 pour la réfection des canalisations amenant l'eau du Gouffre aux fontaines de l'Hôtel Dieu Saint Jacques et de l'Arcy (actuellement fontaines de la place du Marché- Neuf et de la place Louis XII) et la réparation des mynes ou galeries de captation.
Ce procès-verbal, quelque peu embrouillé, s'étend très longuement sur des détails d'exécution insignifiants et ne fait pas mention des travaux autrement importants nécessités par la construction de l'édicule du Gouffre ou tout au moins pour son agrandissement ou sa reconstruction.
C'est cependant grâce à cette pièce très intéressante et fort curieuse qu'on a pu retrouver les regards ou puits ayant servi, il y à bientôt quatre siècles, à effectuer les nettoyages et réparations.
Un plan complet de la captation et de la distribution, dessiné au tableau noir, à permis de reconstituer assez exactement l'état des lieux à cette époque.
Comme il arrive trop fréquemment dans les grands travaux, ceux-ci restèrent inachevés et deux galeries latérales ne purent être complètement nettoyées par suite de deux inondations, dont l'une fut produite par la rupture d'un bâtardeau et l'autre par une pluie d'orage, en juillet 1522.
M. Honnorat fait connaître ensuite les difficultés qu'il a éprouvées a retrouver le regard du Colombier de la Garenne, enfoui a près de 4 mètres de profondeur sous le talus du chemin de fer.
Ne pouvant pénétrer souterrainement jusqu'au fond de la galerie où aboutit ce puits, à cause de la profondeur de l'eau et des éboulements anciens et récents, on fut obligé d'effectuer des fouilles dans le talus un peu au hasard, les points de repère ayant disparu depuis l'agrandissement de la gare et les renseignements fournis par les habitants, dont les souvenirs sont forcément un peu confus, étant des plus contradictoires."
Extrait de ce qui fut trouver en 1501 par le sieur Valence dans la Myne.
"Nous omettons ici le détail peu intéressant du nettoyage et des réparations de l'aqueduc.
Notons seulement les découvertes qui furent faites dans la longueur du parcours.
On trouva dans un endroit une épée d'armes rouillée, un grand fer de pique, gouez, serpes, fers de cheval et autres ferrailles.
Ailleurs on découvrit des ossements qui démonstroient os de crestiens; dont ils étaient. venus on ne scet."
Le Gouffre et
Les épidémies
Des épidémies suivirent de préférence le cours de l'Arrou au XIXème siècle, bien après la disparation de tous les puits de la ville basse. Aussi faut-il remarquer que la distribution aux fontaines des eaux du Gouffre suit à peu près le cours de l'Arrou ; or, la contamination de ces eaux, bien démontrée à cette époque, existe sans doute depuis fort longtemps, et elles ont eu probablement une plus grande influence que l'Arrou lui-même sur la marche des épidémies dans notre ville.
Quelles que soient les causes de ces épidémies, elles trouvaient souvent à cette époque un terrain merveilleusement préparé pour se développer : la mauvaise alimentation et la famine, la misère et la malpropreté de la classe pauvre, le découragement et la frayeur avaient à ce point de vue une grande influence que l'auteur de ce mémoire a fort bien mis en valeur.
ACTUALITES
Suite à la visite de la galerie du Gouffre en avril 2017 par le service Cycle de l'Eau d'Agglopolys, il avait été constaté une quantité de sable très importante au niveau d'un regard de visite situé le long de la rue Gallois et qui recevait pendant des décennies des eaux de ruissellement de la rue et des jardins publics par un avaloir qui n'existe plus aujourd'hui.
Cet ensablement était estimé à 1.70 m de hauteur sur 25 m de longueur en direction de la chambre déversoir.
Du lundi 8 au vendredi 19 juillet 2019, les Services Techniques de la ville de Blois ont missionnés les sociétés SOA SARP et SODI pour retirer le sable de la galerie située en aval du bâtiment du Gouffre depuis un regard de visite situé le long de la rue Gallois jusqu'à la chambre déversoir située 25 m plus loin vers le jardin Augustin Thierry.
Le service Cycle de l'Eau d'Agglopolys à prêté main forte pour vider la galerie de son eau afin de faciliter le pompage du sable.
La galerie longue de 211 m et dont les dimensions sont de 1.80 m de hauteur et de 1.30 m de largeur était rempli d'eau jusqu'à 1.70 m.
20 sacs de sables ont été installés dans le puits d'épuisement afin de limiter l'arrivée des eaux du bassin amont.
Trois pompes ont été nécessaire pendant 2 semaines pour vider les 470 m3 d'eau de la galerie au niveau du bâtiment du Gouffre et pour laisser une garde d'eau de 10 à 20 cm afin de ne pas désamorcer les pompes.
La société SODI est spécialisée dans les interventions en milieux confinés et dangereux.
Les opérateurs était équipés de casques alimentés par de l'Azote.
En effet, le sable vieux de plusieurs décennies pouvait contenir des matières organiques en décomposition qui, dés quelles seraient exposées à l'air, pouvaient se transformer en gaz mortels comme l'H2S (Hydrogène sulfuré) ou le Méthane.
Au fond du regard, l'opérateur avancait en projetant de l'eau avec une pression suffisante pour détacher des plaques de sables compactés par les années.
Le sable ainsi désagrégé était pompé directement dans le camion 7 m plus haut.
Les opérateurs pouvaient progresser de 5 à 7 m par jour.
Toutes les précautions ont été prises pour cette opération.
La société SOA organisait le pompage et les rotations du camion, qui une fois plein, égouttait le sable dans sa cuve avant de vider l'eau vers le réseau d'assainissement principal situé à proximité du chantier ce qui lui permettait de re-pomper du sable et de renouveler l'opération jusqu'à ce que sa cuve soit pleine de sable uniquement.
Une fois plein, le camion se dirigeait ensuite vers la Station d'épuration des eaux usées de Blois pour vider sa cuve.
La fréquence était de deux rotations par jours.
L'intervention à durée 10 jours et 65 tonnes de sables ont pu être retirés de la galerie.
Une inspection pédestre à pu être réalisée sur la totalité des 211 m afin de vérifier le bon état de la galerie.
Cette opération était nécessaire pour une ré-utilisation des eaux du Gouffre vers la fontaine Saint Jacques du marché au beurre et pour éventuellement d'autres projets de fontaines.
Fontaine de Saint Laumers - Aqueduc Gallo-romain
Outre les fontaines alimentées par le Gouffre, il faut mentionner aussi celle de l'ancien couvent de Saint-Laumer (l'Hôtel-Dieu) située devant l'église Saint-Nicolas: ses eaux viennent du rocher, et traversent un canal particulier que l'historien de l'abbaye bénédictine a décrit en ces termes ' :
"L'an 1630, notre pères , voyant que l'eau ne coulait plus dans le monastère à cause des ruines qui s'étaient faites dans le canal, firent travailler fort et ferme pour la faire venir.
On envoya six hommes chercher la source de cette eau, auxquels on donna torches, fusils et lanternes ; ils furent plus de deux heures dans les caveaux, et dirent qu'ils avaient fait presque une lieue, et avaient remarqué en certains endroits des caveaux de la hauteur de deux hommes et larges à proportion, et que ceux qui allaient depuis l'abbaye de Saint-Laumer jusques au pied de la montagne sous le jardin du Roi, étaient piqués dans le roc, et ils donnèrent avis qu'ils eussent été plus loin s'ils n'avaient rencontré une grande fosse.
Après avoir fait travailler à cette fontaine plusieurs fois, enfin l'on jouit du fruit du travail que l'on a fait ; car à présent elle coule sans cesse dans le cloître, ce qui est une grande commodité pour notre maison.
Des éboulements considérables, survenus depuis ces travaux des Bénédictins, empêchent aujourd'hui de remonter le canal au-delà d'une maison située sous les degrés de la petite rampe Saint-Nicolas.
La voûte n'étant point maçonnée comme celle du grand aqueduc, il arrive parfois que de nouveaux éboulements interceptât le cours de l'eau, et alors la fontaine tarit; son insuffisance pour les besoins, de l'Hôtel-Dieu a nécessité la confection, dans l'intérieur de la maison, d'un puits à manège."
https://archive.org/stream/histoiredeblois00duprgoog/histoiredeblois00duprgoog_djvu.txtL'Histoire de Blois Vol.2Des sources en dehors de Blois.
"A mi-chemin de Menars et Blois, au penchant du coteau, des eaux minérales dont les propriétés curatives ont été dès longtemps reconnues, attiraient déjà sous Catherine de Médicis les beaux ennuyés de la cour.
Oubliées pendant plus de deux siècles ces sources viennent d'être restaurées.
Leurs vertus bien constatées attirent encore de nombreux buveurs.
La direction de cet établissement, confiée aux soins de MM. Dr Arnould et Durand, pharmacien, ne peut manquer de le faire prospérer."
Guide à Blois et aux châteaux des environs : illustré de plusieurs lithographies (2e édition) / [par Canaux] - 1854"La mère de Louis XIII (Marie de Médicis) ayant fait constater par ses médecins l'efficacité des eaux minérales de Saint- Denis , près Blois , fit construire trois canaux pour conduire ces eaux dans un beau bassin.
Il existait dès-lors en ce lieu , dont la situation est admirable , un château du moyen-âge , que la reine habita quelque temps.
Le paysage enchanteur qu'elle découvrait de ce point élevé, trompait le souvenir qu'elle conservait des sites de sa belle et poétique patrie ; mais souvent la vue des rives splendides de la Loire lui rappelait amèrement qu'elle ne pouvait les parcourir en pleine liberté.