2.3.1-Le ravin de l'Arrou

Un ouvrage pour évacuer les déchets des Blésois.

Carte de Blesence Castrum et Insula Evenna à veteribus monumentis usque ad Decimum Seculum Descripta de L.de la Saussaye et de H.Nicolet tiré de l'ouvrage Mémoires de la Société des Sciences et des Lettres de la Ville de Blois - Tome Premier - (Gallica)

L'Arrou

Ce mot semble dériver du latin et désigne des arches ou des voûtes qui couvrent l'Arrou.

Appelé aussi "ravîne" (cours d'eau) en Celtique, en effet plusieurs ruisseaux ou torrents qui traversent d'autres localités, s'appellent Arrou.

Il est également à remarquer qu'un bourg de l'arrondissement de Châteaudun, située au bord d'une ravine , porte le même nom.

Une autre définition:

"Ruisseau que les déboisements ont presque tari et qui devait toujours rouler de l'eau, quoique lentement, comme l'indique l'étymologie de son nom.

Le radical Ar, dans le dialecte gaëlique, signifie lent ; on le trouve en composition dans beaucoup de noms de rivières : Arotius , l'Arou ( dans le Charolais ); Araur, l'Erault; Arar, la Saône, etc.

Dans ce dernier mot, le radical est répété deux fois , suivant la forme antique qu'offre la langue gauloise de rendre le superlatifpar la répétition du positif. Le cours de la Saône est effectivement très lent : il y a long-temps que claudien l'appelait lentus Arar , et que Sénèque disait : Arar duhitans quo suescursus agat."

Mémoires de la société des sciences et des Lettres de la ville de Blois - Tome Premier - Gallica

Ce profond ravin s'écoule dans la Loire en récupérant les eaux pluviales de la forêt de Blois, les hameaux de Villiersfins, des Granges et de la ville, il est à sec une partie de l'année.

Vers le milieu de la rue du Pont-du-Gast, il à commencé à être voûté; au-delà il servait de chemin pour arriver aux Basses-Granges.


"Depuis longtemps on reconnait le danger de faire passer des voitures chargées dans un fossé étroit et profond ; les piétons s'accommodaient peu des petits sentiers qui bordent ce précipice; les jardins et les habitations du quartier sont d'un accès fort difficile, et reçoivent en outre les exhalaisons insalubres de l'Ârrou".

Il y a bien longtemps, les graves inconvénients ont plusieurs fois suggéré l'idée de prolonger la voûte; mais ce projet opportun n'avait pas été exécuté.

Au Moyen-âge, l'Arrou parcourait la ville à découvert, on le traversait sur de petits ponts établis de distance en distance.

L'infection qu'il répandait alors occasionna souvent des maladies pestilentielle, car ce réceptacle d'immondices était pour les quartiers les plus populeux une cause permanente d'insalubrité.

La ville concéda successivement aux propriétaires les parties du ravin qui bordaient leurs maisons, les riverains obtinrent ces emplacements à condition de les voûter à leurs dépens et de plus à charge de rentes foncières dont plusieurs figurent au compte municipal de 1518, certaines maisons de la Grande-Rue étaient encore grevées de ces redevances au moment de la Révolution.

Au cours du XVIIIème siècle, l'administration, pour encourager les riverains à voûter, concédait gratuitement les parcelles encore découvertes.

C'est ainsi que peu à peu l'Ârrou fut presque entièrement voûté aux frais des particuliers.



Le parcours de l'Arrou en 1771

En 1803, l'Ârrou fut pavé et bloqué aux dépens communs de la ville et des riverains.

Cette amélioration facilite l'écoulement des eaux, et prévient le danger des affaiblissements qu'elles pourraient former au pied des maisons voisines.

Les engorgements de l'Ârrou étaient assez fréquents avant la confection du blocage, quelquefois ils ont fait refluer l'eau, de manière à inonder la rue Porte-Côté, le carrefour du Mal Assis et le Puits-du-Quartier.

Voici un exemple de ces accidents désastreux cité par Jean Bernier historien à Blois:

"La nuit d'après la Saint-Martin d'hiver de l'année 1512 il survint une si grande quantité d'eaux, qui entrèrent par la porte costé, qu'elles dégravèrent le pavé jusques a cinq pieds de profondeur, et emportèrent les plus grosses pierres qui soutenoient les cotez des maisons et prenant leurs cours par le carroy Gaudebert , entroient sous le chapitre et le trésor de Saint-Jacques ; en sorte que le dit chapitre, ses voûtes et son trésor fondirent, et que la cassette où estoient les titres fut submergée.

L'eau ayant monté jusqu'au grand autel, l'église fut fort défigurée.

Plusieurs chanoines furent en péril de se noyer, pour avoir voulu sauver les titres (la Chapelle de l'Hôpital Saint Jacques était située à proximité immédiate de l'Arrou)

Quelques maisons et quelques caves du voisinage fondirent , plusieurs animaux de service furent noyés, et mesmes plusieurs marchandises furent gastées.

Les ouvertures par lesquelles eut lieu l'inondation de 1512, existent encore sous une maison de la Grande-Rue, à l'endroit appelé les Trois-Goulets.

Il ne faut pas s'étonner que la crue soit montée jusqu'à l'autel de l'église Saint-Jacques car ce niveau serait peut-être au-dessous du pavé actuel.

Depuis trois siècles , en effet , le sol de la Grande-Rue et de la place du Puits-du-Quartier a été considérablement exhaussé; on peut en juger par la fontaine Saint-Jacques, qui anciennement devait se trouver de niveau avec la voie publique , tandis qu'aujourd'hui on y descend par plusieurs marches."


Carte Google map VT


L'entretien de l'Ârrou

De temps immémorial, on nettoya l'Ârrou , en faisant couler l'eau de l'étang de Pigelée (aujourd'hui c'est depuis le lac de la Pinçonnière).

"Les registres municipaux du XVI siècle offrent plusieurs lieux où étaient déposées les archives de la maison et les objets appartenant à la communauté.

Au mois d'août 1833, époque de grande sécheresse, le bureau de bienfaisance propriétaire de l'étang, sur la demande de l'administration municipale , a fait lever la bonde pendant deux heures, pour entraîner les immondices dont les odeurs devenaient insupportables

Cette prise d'eau fondée en titres, constitue au profit de la "tille" une servitude imprescriptible qui suffirait pour mettre obstacle au dessèchement de l'étang car la salubrité publique pourrait exiger encore le prompt nettoiement de l'Arrou par l'emploi du même moyen."

https://archive.org/stream/histoiredeblois00duprgoog/histoiredeblois00duprgoog_djvu.txtL'Histoire de Blois Vol.2

Depuis l'édition de ces textes, le tracé de l'Arrou fut modifié à plusieurs reprises, il fut raccordé aux galeries de la rue Denis Papin au XIXème siècle.

Toutefois, l'ancienne galerie récupère encore des eaux pluviales des immeubles situés au-dessus.



Autres documents sur l'Arrou.


Extrait d'un compte municipal de l'année 1404:

"Item, en la sepmaine de laquelle le lundi fut darrenier jour de juing, a Simon Saragan (maçon), pour avoir esté viseter, par le congié du prevost et conseil de plusieurs gens de la ville, le dommaige que l'Arro povoit avoir fait par la grant inondacion des eaues qui y avoient esté, et pour rapporter comment on y pourroit pourveoir IIsols, VI deniers; et pour ce compté II s. VI d.1."

Cet humble ruisseau, qui vient de la forêt de Blois, appelée anciennement forêt de la Beauce, au nord-ouest de la ville, et que les déboisements ont à peu près tari, se jette dans la Loire en amont du pont.

Il est aujourd'hui complètement voûté, tout au moins dans la traversée de la ville, en sorte que, depuis qu'il est devenu aqueduc souterrain, les Blésois donnent le nom d'arrou à toute espèce d'égout.

C'est sur la hauteur située au confluent de la Loire et de l'Arrou que fut construit le célèbre château à l'emplacement d'un de ces camps à demeure, castra stativa, que les Romains y avaient établi pour surveiller et défendre un très important passage de fleuve.

Telle est l'origine de la puissante place forte médiévale, appelée Blesum castrum, Blesum castellum, Blisum castrum sous la monarchie franque.

Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais (1874) - 1874-1948 Les voies antiques de l'Orléanais : civitas Aurelianorum... (2e éd. augm.) / Jacques Soyer,... - 1971 (Gallica)




Quelques vues de l'intérieur.

En 1974, une équipe du service des Eaux de la Ville de Blois à inspecté et pris des photographies de l'ancien Arrou du coté Amont de la rue du Commerce.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

Ci-dessus, voici l'ancienne entrée depuis le dessous du pont de la Porte Coté. Cette entrée était équipée de deux grilles qui devaient être levées en cas de montée des eaux de l'Arrou.

Suite à un oubli en 1512, les grilles ont accumulées des branches et autres détritus apportés par les eaux et ces dernières passèrent par dessus le pont et à travers la Porte Coté.

Toute la rue Porte Coté fut recouverte d'eau jusqu'au niveau de la taille et deux victimes furent à déplorer.

Le Sieur Valence, qui travaillait sur les canalisations des fontaines, préconisa à la municipalité la pose d'une grille qui se coucherait ce qui éviterait le blocage au niveau de l'entrée par les différentes matières et branches charriées par les flots.

Valence préconisa également la construction d'une voûte plus grande afin de rentrer plus d'eau.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

L'Arrou était à ciel ouvert, et des petits ponts permettaient de le traverser.

Il fut canaliser en plusieurs fois , la dernière partie fut réalisée au XVIII ème siècle (1788) et les ponts sont restés en place et ont servis de batardeau pour nettoyer l'Arrou.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974
Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

Sur la photographie ci-dessus, voici l'arche du pont de la Grande rue (rue du Commerce aujourd'hui), dans cette voûte ont été installées des canalisations de diamètre 400 mm permettant l'évacuation des eaux vers les nouvelles galeries construites pour remplacer l'ancien Arrou en 1967/1968.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

Les immeubles situés au-dessus de l'ancien Arrou sont encore, pour certains, raccordés sur cet ouvrage aussi bien en eaux usées qu'en eaux pluviales.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

Au XVIIIème siècle lorsque le régiment de Royal-Comptois fut en garnison au château de Blois, il fut compté jusqu'à 1 700 hommes et les eaux usées des latrines se déversaient dans l'Arrou dont certains tronçons étaient encore à ciel ouvert.

Les odeurs envahirent la ville et l'air devint rapidement irrespirable.

La municipalité et les Echevins durent trouver rapidement une solution à cette infection qui envahissait la ville surtout en été.

Ils décidèrent donc d'utiliser la matière première de la Porte, de la Tour et du rempart pour finir de canaliser l'Arrou.

Une partie de l'ancien Arrou à donc été construit avec les pierres de tailles de la porte cochère de la rue Porte Coté, devenu trop étroite, de la tour à proximité et d'une partie des remparts qui étaient situés à l'emplacement de l'Hôtel de Guise actuel.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974

La taille de l'ouvrage variait selon l'époque à laquelle il fut canalisé et surtout à son système d'entretien qui consistait à créer une réserve d'eau et à la lacher d'un seul coup afin de créer un vague pour pousser les matières vers la Loire.

Archive de la ville de Blois - service des Eaux - visite de l'ancien Arrou en 1974
Carte extraite de l'ouvrage 'Mémoires de la société des Sciences et Lettres de la Ville de Blois (second tome) (Gallica)

L'Arrou avant le XVIIIème siècle

L'arrou était découvert dans une portion située derrière la maison de Bergevin, notaire, près le Mal-Assis, et les maisons voisines, qui fut voûtée en l'an VII, dans une portion située derrière les maisons de la rue Porte-Côté voisines de la ruelle Bégon, qui fut voûtée en l'an VIII, et dans une autre partie limitrophe des maisons de la Grande-Rue et de la place du Puits-du-Quartier,qui fut voûtée en 1813.

Enfin une dernière portion longue de 25 mètres, comprise entre les rues des Trois-Clefs et du Poids-du-Roi, ne fut couverte qu'en 185o

(Arch. comm. Service des eaux).

De tout temps l'Arrou a été voûté aux frais des riverains à qui on accordait la permission de bâtir sur la voûte.

Jusqu'à la révolution, les riverains payaient même parfois une redevance à la ville pour obtenir cette autorisation

(V. Compte municipal de 15i8. Arch. comm. CC 1).
Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher vol.18



Extrait d'une Question d'Hygiène Municipale au XVIIIème siècle.

Au mois d'octobre 1903, le service des eaux posant des conduites sur la place Victor-Hugo mit à jour un aqueduc souterrain dont on avait perdu le souvenir.

La surprise que causa cette découverte fut plus grande encore quand on s'aperçut que cet aqueduc conduisait dans une salle également oubliée, située dans le bastion construit par Gaston à l'angle des fossés du château, et que cette salle avait servi de fosse d'aisances.

La salle du bastion présente un plan sensiblement carré comme le bastion lui- même : elle est couverte d'une voûte en berceau à axe nord-sud.

Chacun de ses murs est percé d'une profonde embrasure.

Deux petites fenêtres assez élevées, situées sur les murs nord et sud, devaient autrefois éclairer cette salle ; aujourd'hui elles sont murées.

Les latrines étaient adossées au mur nord de la terrasse de Gaston, il en existe encore aujourd'hui ; mais elles étaient autrefois en bien plus grand nombre.

L'aqueduc passe alors sous le sol, à l'angle du pavillon de Gaston où l'affleurement de sa voûte est très apparent; puis il traverse la place Victor-Hugo, avec une pente plus douce, entre le square et le mur de soutènement situé en face le château ; il venait enfin aboutir à l'Arrou par une pente plus rapide.

On voit aujourd'hui son débouché dans l'Arrou, mais la dernière partie de son trajet est interceptée et il se raccorde avec un branchement qui réunit l'Arrou au collecteur de la rue Denis-Papin.

Ce document montre que les latrines furent établies en 1788, lors de l'arrivée du régiment Royal-Comtois à Blois et de son installation au château, dans les ailes de Louis XII et de François Ier.

Quant aux latrines, on pensait qu'elles avaient été établies lors de la translation des troupes dans l'aile de Gaston, vers 1837.

Personne, en tous cas, ne se doutait que leur établissement avait, pendant un an, justement ému nos pères soucieux de l'hygiène de leur ville.

Personne ne savait non plus que cette construction, dont on retrouvait par hasard des vestiges depuis longtemps oubliés, avait été l'occasion de la destruction d'une des parties les plus pittoresques, sans doute, de notre vieille cité, de la Porte-Côté, d'une des tours et des murs de ville avoisinants.

Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher vol.18



Reconstruction de l'Arrou après les bombardements de la seconde guerre mondiale

Lors de la seconde guerre mondiale, le centre ville de Blois a été totalement détruit.

La reconstruction du centre ville modifia considérablement l'emprise des nouveaux bâtiments et modifia la position des anciennes rues de la ville.

L'Arrou, effondré fut reconstruit en lieu et place de son tracé initial.

Culture 41